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En plus du modèle de direction innovation proposé dans le Guide, Hospi'Up donne la parole aux acteurs de l'innovation en santé. Au travers des Entretiens Hospi'Up, explorez d'autres modèles d'organisations hospitalières dédiées au management de l'innovation et découvrez le point de vue d'acteurs économiques travaillant auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.

Entretien avec Raymond Le Moign

Directeur général - Hospices Civils de Lyon

Retranscription de l'entretien


Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Raymond Le Moign, directeur général des Hospices civils de Lyon, depuis le 1er juin 2020. Je suis un directeur d'hôpital assez classique, avec comme particularité d'avoir enchaîné à la fois des responsabilités de chefs d'établissement, mais aussi des passages et des allers-retours en administration centrale et dans des cabinets politiques. Ce qui me permet à la fois, de connaître le terrain, mais aussi de m'interroger sur les politiques publiques.

Quelle est votre définition de l'innovation ?

Il y a plusieurs définitions envisageables. Pour moi, la définition la plus opérationnelle pour un hôpital ou un établissement de santé, pour un CHU, c’est comment je peux répondre à une question à laquelle il n'est pas encore apporté de réponse et la façon dont je vais y répondre me permet de transformer mon hôpital et de préparer l'avenir. Autrement dit, l'innovation, c'est à la fois répondre à un nouveau besoin et en même temps préparer l'avenir.

Quelle est votre définition du management de l'innovation ?

Le management innovation est certainement une vision trop ambitieuse, mais à la limite, on peut peut-être, se satisfaire de certaines clés. Pour moi, les clés, ce sont trois éléments. Première clé, c'est lorsqu'on parle d'innovation, c'est la meilleure façon de préparer l'avenir et de se questionner sur ce qui va advenir. Deuxième clé, quand on parle innovation, ce sont souvent les talents de l'institution qui se réveillent, qui sont présents, qui sont réactifs. Et la troisième clé, c'est que l'innovation est également un moyen de cohésion collective à l'échelle d'une équipe ou à l'échelle d’une institution.

Je prépare l'avenir, je gère les talents et je fais équipe. C'est une bonne façon de manager l'innovation.

Pourquoi avoir créé une direction de l'innovation ?

Des choix différents auraient pu être faits. Il fallait à un moment donné, incarner un nouveau moment. Et dans les institutions, dans les établissements, dans les grands établissements, il n'y a pas de meilleure façon que d'incarner une nouvelle impulsion, quand vous modifiez votre organigramme. Vous adressez à un nouveau responsable, un nouveau champ de prérogatives. Et donc pour signifier en interne, en externe, que l'innovation était l'un des nouveaux traits par lequel on voulait caractériser les Hospices Civils de Lyon, il fallait incarner avec une direction autonome l'innovation. C'est un choix politique, qui peut s'entendre, à charge pour moi de garantir que la direction de la recherche et la direction innovation continuent de se parler ensemble, ne mettent pas les Hospices civils de Lyon en situation compliquée en termes de représentation interne et externe. Il se trouve que l'intelligence humaine, l'intelligence collective des acteurs qui font qu'une direction de l'innovation autonome, qui assume d'aller au-delà de la recherche en santé, qui assume de travailler beaucoup plus une logique d'écosystème et un management par la culture et par la conviction ou par le savoir-faire, méritait, selon nous, que l'on authentifie une direction en propre pour l'innovation.

Quel a été l’élément déclencheur ?

Moi, j'arrive, et je suis confronté à comment on peut gérer une sortie de crise qui dure 12 mois, qui dure 18 mois. Comment je redonne de l'élan à une institution ? Une institution qui elle-même, avait pendant 10 ans, a géré un plan de retour à l'équilibre très drastique, très éprouvant. Donc, à un moment donné, il faut trouver de nouvelles façons de donner de l'élan. Vous pouvez donner l'élan en travaillant sur un projet médical. Ce qui est assez classique, encore que. Sur un schéma directeur. Et en fait, il y a de nouvelles attentions, de nouvelles aspirations en matière de management, d'engagements institutionnels. Et l'innovation, à ce moment-là, de l'histoire des Hospices civils de Lyon, était l'un des éléments qui pouvaient me permettre d'amener ceux qui allaient assurer les responsabilités, qui allaient prendre des risques avec nous pour pouvoir proposer aux Hospices Civils de Lyon sa nouvelle feuille de route.

Comment vos collaborateurs ont-ils accueilli cette décision ?

Très positivement. À la limite, ma chance, c'est que chacun savait qu'il fallait sortir de la crise. Chacun savait qu'il fallait trouver un nouveau rebond après dix ans d'efforts budgétaires. Chacun comprenait que la mission classique d'un CHU, ce n'était plus uniquement la clinique, le soin, l'enseignement, la recherche, c'était aussi une responsabilité territoriale. C'était aussi une responsabilité économique. C'était aussi imaginer une autre façon de travailler. Et donc assez naturellement Il y a eu un consensus autour de l'idée que l'innovation était un mot, qui pouvait embarquer une nouvelle séquence de la vie des Hospices civils de Lyon.

Vous êtes-vous inspiré d'autres modèles ?

Alors en fait, il se trouve que dans mes différentes responsabilités antérieures, j'avais la chance d'avoir connu plusieurs CHU, de les avoir observés, leurs qualités et leurs défauts. Et ce qui est assez frappant, c'est que le mot innovation est en fait revendiqué depuis plusieurs années par plein de centres hospitaliers universitaires. Mais avec systématiquement une approche très silotée, c'est-à-dire très spécifiques. On parle d'innovation biomédicale, on parle d'innovation numérique, on parle innovation organisationnelle, on parle innovation dans la gestion des parcours de prise en charge, mais en fait très, très peu d'institutions avaient la possibilité de ramasser dans une seule direction la totalité de ses façons d'adresser la question de l'innovation.

La seule plus-value que l'on revendique aux Hospices civils de Lyon a été de dire que l'on assumer le fait que l'innovation n'était pas embarquée dans chacune des directions fonctionnelles. Elle était certes embarquée dans chacune des directions fonctionnelles, mais elle était aussi gérée par une direction qui devait elle-même favoriser une culture commune et une seule porte d'entrée et une seule culture commune de l'effort d'innovation dans l'établissement.

Existe-t-il nécessairement un continuum entre la recherche et l'innovation ?

Ce qui est toujours très intéressant dans une institution, c'est de raconter des histoires. Chaque fois que l'on peut raconter, qu'il y a eu un continuum entre de la recherche et de l'innovation, ou entre de l'innovation et de la recherche, puisque l'innovation peut être aussi un moment propice à adresser des questions, à poser un certain nombre d'hypothèses pour que ces hypothèses soient ensuite renvoyées à une démarche scientifique, de validation. Mais inversement également. Je dirais qu’à la limite, plus raconte de belles histoires de continuer, mieux c'est. Mais il peut y avoir de l'innovation en dehors de la recherche et il peut y avoir un questionnement spécifique de recherche en dehors de la préoccupation de l'innovation.

Raison pour laquelle il nous a semblé beaucoup plus percutant d'incarner, d'assumer une direction distincte entre ce qui évolue dans le champ de la recherche et ce qui évolue dans le champ innovation, mais en préservant les processus d'alliances, de discussions et de reporting systématiquement communs entre la direction de la recherche et la direction de l'innovation.

Quels objectifs avez-vous fixé à votre direction innovation ?

Je ne vais pas dire réenchanter l'établissement, parce que le mot est certainement trop fort, mais encore. Lorsque beaucoup d'indicateurs conduisent à être relativement inquiet sur l'avenir. C'est quoi la prospective sur la disponibilité de la ressource humaine ? Comment les autres acteurs du système de santé vont se positionner ? Comment le monde académique, lui-même, va réagir aux nouveaux impératifs de la mutation du système de santé ? Il faut aussi, à un moment donné, qu'un collectif reçoit des messages positifs. Et donc le premier objectif de la direction innovation, c'est de recréer de la confiance, de recréer une dynamique positive pour que ceux qui font le pari de l'hôpital public aient raison de le faire. Quelle que soit leur trajectoire personnelle, quelle que soit la responsabilité qui est la leur, c'est premier indicateur.

Le deuxième indicateur, c'est de faire en sorte, parce que je suis responsable de l'institution et que, en tant que chef d'établissement, je suis aussi soucieux d'identifier, de singulariser une marque Hospices Civils de Lyon. Et le deuxième objectif, c'est non seulement de m'aider à envoyer des messages positifs en interne, de m'aider à gérer des trajectoires personnelles et individuelles pour mes talents, pour ceux qui font effort, quels que soient le grade et le corps auquel ils appartiennent, à créer du collectif. Mais c'est aussi singulariser les Hospices civils de Lyon dans l'éventail des CHU de notre pays.

Comment avez-vous positionné votre direction innovation au sein de l'établissement ?

Alors, la hiérarchie est relativement simple. C'est une direction fonctionnelle et donc elle relève d'un processus de reporting qui fait que je rencontre cette direction fonctionnelle tous les mois. Et de façon assez empirique, nous avons fait le choix, que la rencontre entre le DG, la direction générale, et la direction fonctionnelle soit systématiquement une rencontre commune direction de la recherche en santé, direction de l'innovation. Ce qui me garantit un parfait alignement des agendas, des objectifs et des méthodes de travail de la direction innovation et de la direction de la recherche en santé. Qui plus est, la direction innovation a également un positionnement exemplaire, dans ce qu'on appelle une gouvernance clinique. Ce qui veut dire que le directeur Innovation a comme un responsable nommé est investi par la commission médicale d'établissement et que le processus de reporting peut conduire lorsque cela est nécessaire, à un reporting partagé entre le directeur de l'innovation le responsable nommé par la commission médicale d'établissement devant les instances de la gouvernance, et le cas échéant, en présence des représentants de l'université.

Quel est le rôle de votre CHU au sein de son écosystème économique ?

On demande beaucoup de choses à un centre hospitalier universitaire. On lui demande de gérer des crises. On lui demande d'anticiper l'avenir et on lui demande aussi d'assumer une responsabilité territoriale. Et donc de s'inscrire dans un écosystème. La direction innovation, c’est l'une des plus belles portes d'entrée, pour que les startups, pour que l'écosystème économique et industriel qui gravite autour des Hospices civils de Lyon, pour que les pôles de compétitivité, qu'ils soient généralistes ou qu’ils soient spécialisés, sachent qu'il existe à Lyon, aux Hospices, un questionnement particulier sur l'innovation. Et ce questionnement, il a un autre intérêt, il implique un savoir-faire particulier dans la relation avec l’écosystème social, économique et industriel. Qu'il soit le monde de l'entreprise, qu’il soit celui des collectivités locales, ou qu'il soit celui des sociétés de valorisation. Et donc la direction innovation, non seulement, il faut qu'elle gère des messages positifs adressé en interne, recréer de la confiance et la cohésion interne, mais en plus, il faut qu'elle participe au processus de reconnaissance extérieure des Hospices civils de Lyon. Parce que les meilleurs alliés des Hospices civils de Lyon, ce sont les entreprises, les collectivités territoriales, les structures engagées dans l'investissement économique, dans le développement économique et la façon dont ils parlent et défendent la marque des Hospices civils de Lyon.

Quels impacts la direction innovation a-t-elle eu sur votre établissement ?

Alors, il y a plusieurs façons de mesurer. Le chemin est très court, une année. Donc peut-être très péremptoire. À la limite, moi, je prends tous les indicateurs, y compris les indicateurs intermédiaires.

Premier indicateur, il y a un très bon état d'esprit, autrement dit, tous ceux qui s'interrogeait sur le bien-fondé de la démarche, qui considéraient que tout cela était décalé par rapport à l'urgence par rapport à l'actualité, conviennent que le résultat obtenu au bout d'un an est très satisfaisant, voire même très positif, pour l'institution et pour les hommes et les femmes se sont engagés.

Le deuxième point, c'est que la direction innovation a réussi à se défaire de toute caricature d'une direction. C'est une direction d'appui, une direction qui accepte son processus d'accompagnement, qui certes répond à des commandes d'une institution, mais qui en même temps à trouver un positionnement qui évite le management très vertical ou très administratif, que l'on peut habituellement voir.

Troisième fois, c'est qu'on arrive au bout d'une année. Donc, au bout d'une année, il y a des projets qui ont été sélectionnés. Et ces projets, il nous appartient maintenant de décider comment on va leur accorder une suite. Donc c'est très intéressant de voir ceux pour lesquels on estime, une année a suffi pour peut-être franchir d'autres étapes et modifier l'objet originel, le point de départ. Il y a des projets pour lesquels on va convenir que nous avons une exigence d'aller chercher des financements collectivement à l'extérieur de l'institution. Et puis il y a peut-être d'autres projets pour lesquels on va considérer que soit l'objet est atteint, soit il est de la responsabilité et de l'intérêt de l'institution d'intégrer dans sa structure d'activité, dans sa structure de dépense les objets qui ont fait l'objet d'un financement pendant une année. Et ce moment-là est un moment clé qui est important pour l'institution. Parce qu’on peut montrer que ce qu'on avait imaginé à l'origine est en train de fonctionner.

Par rapport à ce que vous avez mis en place, votre réflexion a-t-elle évolué ?

Nécessairement, parce que, à un moment donné, il faut toujours s'interroger sur est ce que l'on est bien allé chercher tous les publics ? Et donc peut-être que l'on peut estimer que l’on a réussi notre objectif sur le public des hospitalo-universitaires. On est peut-être même en train de réussir sur le public des jeunes médecins. Peut-être que mon objectif est peut-être maintenant d'aller débusquer des ingénieurs. Une institution comme la nôtre à 24 000 professionnels, c'est un incroyable écheveau de métiers, et parmi ces métiers et la quantité de métier qui sont également confrontés à la thématique de l'innovation. Et si tous les ingénieurs biomédicaux, les ingénieurs logistiques, des ingénieurs de flux, des ingénieurs du système d'information et en plus, on sait bien que ces métiers sont en train d'évoluer du tout au tout sont également partant dans l'aventure, je pense que l'on passera une étape complémentaire.

Et le deuxième point qui est très frappant au bout d’une année. C'est que le savoir-faire que l'on mobilise sur la thématique de l'innovation, à bien des égards, à bien des égards, n'est pas très éloigné du savoir-faire que l'on essaie d'aller débusquer sur la responsabilité sociale et environnementale de l'établissement. Autrement dit, la façon d'aller interroger les acteurs sur fabriquer des projets innovants ou des acteurs sur fabriquer des projets qui s'inscrit dans la thématique du développement durable, à un moment donné, il y a un ressort qui est relativement identique. À la fois dans la façon de manager, la démarche, c'est-à-dire très horizontale, avec à la fois du guichet, à la fois des appels à projets, du retour d'expérience, des éléments de généralisation d'enseignement. C'est très intéressant de voir comment les deux approches se nourrissent aussi l'une et l'autre, parce que finalement, s'interroger sur la responsabilité sociale et environnementale d'une institution. Ce n'est pas très loin que de chercher à répondre à des questions pour lesquelles l'institution n’adressait pas de réponse, en l'état.

Selon vous, quels sont les facteurs clés de succès ?

Je pense qu'il faut un bon moment. C'est-à-dire qu'il faut considérer que ce n'est pas parce qu'on a une bonne idée, parce qu'on est soi-même convaincu, que c'est la bonne façon de faire et qu'il faut ouvrir le chantier. Et donc toute institution obéit à un cycle, et il faut que le chef d'établissement, son président de commission médicale d'établissement, les principaux responsables d'institutions réfléchissent bien au bon moment d'engager une démarche de cette nature. Premier facteur.

Deuxième facteur, et bien il faut prendre tout le monde à contre-pied. Et prendre tout le monde à contre-pied, c'est choisir les personnes. Choisir la bonne façon d'ouvrir la séquence. Donc, ça signifie à un moment donné, qu'il faut avoir une mise de jeu. Il ne suffit pas d'avoir une vision intellectuelle. Il ne faut pas installer des procédures. Il ne faut pas identifier les hommes et les femmes. Il faut aussi avoir à un moment donné, avoir une mise de jeu parce qu’une institution comme la nôtre, et de façon générale les CHU, les hôpitaux ont besoin d'une mise de jeu. Après, il faut choisir les bonnes personnes. De façon assez puissante, il faut admettre que pour incarner ce type de direction, il faut de la curiosité intellectuelle, il faut de l'empathie sur des objets scientifiques et sociaux, il faut une capacité d'écoute, il faut une force dans la synthèse et il faut à un moment donné, ordonner les idées. Et cette façon de travailler, elle est parfois très présente chez des directeurs, chez les ingénieurs, chez les médecins, chez les soignants, et il faut essayer de rassembler tous ces savoir-faire-là dans une direction qui incarne elle aussi ses différents métiers et ses différentes appétences.

Si vous deviez recommencer, que feriez-vous différemment ?

Je ne suis pas sûr que l’on se soit beaucoup trompé. C'est un peu présomptueux et peut-être que si je devais refaire quelque chose. C'est peut-être, réinterroger d'emblée la façon de construire la réponse à ceux qui estiment qu’on peut franchir une nouvelle étape si je gère, si nous gérons l'ambition de l'innovation aux Hospices civils de Lyon avec la centrale, mais aussi avec chacun des grands groupements hospitaliers des Hospices civils de Lyon.

C'est-à-dire que beaucoup d'entre nous, commençons à considérer qu'il y a une réussite dont on est en train de faire, mais que peut-être à un moment donné. Le niveau de maturité qui est le nôtre nous conduira à imaginer ce qui peut être réalisé à l'échelle de chacun des groupements et pas forcément à l'échelle, en centrale, des Hospices civils de Lyon. Y compris en assumant le fait qu'il peut y avoir des écosystèmes économiques, industriels et sociaux particuliers à certains de nos groupements. Voilà. Autrement dit, si j'avais une chose à faire, ce serait peut-être, à un moment donné, mieux armer, la façon dont j'associe les gouvernances des groupements hospitaliers à une nouvelle façon de penser à la place de l'innovation dans l'institution. Mais encore, cette critique-là, je m'adresse à moi-même et, finalement, je trouve que chacun a réussi à avancer. Et le plus bel exemple de ce que je suis en train de dire, c'est que ce sont les groupements eux-mêmes qui disent, mais nous sommes prêts à assumer notre part d'aventure, notre part de risque et une part de responsabilité dans la vision de l'implémentation, de la diffusion de la culture, de l'innovation dans toutes ses dimensions aux Hospices Civils de Lyon.

Selon vous, pourquoi est-il nécessaire d'organiser le management de l'innovation ?

Le seul argument, c'est, l'innovation a ceci de très puissant, c'est que l'on peut toujours essayer de montrer à l'avant et l'après. Autrement dit, il y a plein d'enjeux, plein de dossiers de cette nature, mais, dès lors que l'on est dans un moment où l'on construit l'avenir. Pouvoir montrer, là où on en était au moment de départ, c'est-à-dire, lorsque la question a été identifiée, analysée, et comment, une année après, l'institution s'est débrouillée, soit seule, soit en partenariat pour faire avancer la réponse à l'innovation. Ce type d'aventure, c'est la meilleure façon de créer du lien et de pouvoir garder les meilleurs parmi nous. C'est-à-dire ceux qui considère que ne sont pas uniquement là, parce qu'ils sont professionnels salariés, mais parce qu'ils sont professionnels des Hospices civils de Lyon.

Pensez-vous que les innovateurs ont besoin d'être accompagnés ?

Oui. Alors, je pense qu'il y a des personnes qui, par construction, leur ADN, leur façon de faire, leur façon de s'engager dans leur vie professionnelle, quelle que soit d'ailleurs leur environnement, seront toujours des innovateurs. Dans un établissement comme le nôtre, 24 000 salariés, des organisations parfois très précises, avec des délimitations disciplinaires, des responsabilités qui renvoient aux métiers auxquels les uns et les autres appartenons. Il y avait la nécessité de créer un processus où les innovateurs se parlent, acceptent de partager une partie de leurs ambitions et leur savoir-faire. Et donc l'idée même, de savoir animer un réseau des innovateurs, est en soi un effort singulier à accomplir, et l'un des indicateurs de réussite d'une direction de l'innovation.

De quoi les hospitaliers ont-ils besoin pour innover ?

Ils ont besoin déjà, de ne pas s'autocensurer. Autrement dit, d'accepter l'idée que ce n'est pas parce qu’il y a beaucoup de travail, parce qu’il peut y avoir de temps en temps de la morosité, parce qu'il peut y avoir des questions très légitimes sur le sens de telle ou telle mission. Le fait, de savoir qu'il y a la possibilité de faire des paris, de prendre des risques, mais aussi d'innover. C’est le premier message qu'il faut que les professionnels de l'hôpital aient bien en tête.

Le deuxième point est qu'il faut se défaire de la vision, selon laquelle, on a une vision angélique totalement irénique, du service public hospitalier, du monopole de l'hôpital public. On peut être le meilleur avocat de l'hôpital public en travaillant avec des entreprises privées. On peut être un très bon avocat d'un centre hospitalier universitaire en acceptant de travailler, d'exercer dans des groupes de travail où il y a des représentants de la sphère publique et des représentants de la sphère privée. Dit autrement, on peut être un très bon professionnel en faisant des exercices partagés. Des allers-retours entre le privé et public, mais en assumant le fait d'être au clair dans les responsabilités que les uns doivent exercer, dès lors qu'il faut, à un moment donné, être loyale avec une institution. Et le CHU n'est pas, n'importe quelle institution, puisque c'est l'institution qui est dépositaire de la mission hospitalo-universitaires dans notre territoire.

Personnellement, qu'est-ce que cette aventure vous apporte ?

Alors moi, je suis très curieux par nature, j'adore apprendre des choses et me sentir systématiquement challengé, par la nouvelle façon de penser l'innovation. Considérer que l'on peut apprendre dans la capacité à nouer des relations, à prendre des parts dans une entreprise privée. Considérer que l’on peut apprendre d’un nouveau partenariat avec des écoles d'ingénieurs, une école de management ou les écoles de commerce présentes sur le site académique. Considérer que l'innovation, c'est certainement l'une des façons de préparer les enjeux de la mutation du système de santé. Je trouve ça passionnant.

C'est-à-dire qu’il n'y a pas uniquement savoir gérer les ressources humaines, ou savoir gérer des ressources financières, ou un schéma directeur dans un hôpital. Il faut aussi considérer que maîtriser les cycles d'une innovation, maîtriser la force d'impulsion et de transformation de l'innovation pour conduire le changement dans un hôpital universitaire, ça, c'est vraiment prodigieux, intéressant et à la limite, participe de la qualité des responsabilités qui sont les miennes.