En plus du modèle de direction innovation proposé dans le Guide, Hospi'Up donne la parole aux acteurs de l'innovation en santé. Au travers des Entretiens Hospi'Up, explorez d'autres modèles d'organisations hospitalières dédiées au management de l'innovation et découvrez le point de vue d'acteurs économiques travaillant auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.
Bonjour, je m'appelle Sébastien Duré. Je suis directeur général et cofondateur d'Hoppen, société que j'ai créée avec Mathieu Malledant en 2011 et qui a pour objectif d'accompagner les établissements de santé sur les parcours de leurs patients aussi bien en amont de l'hospitalisation, qu'en aval et durant le séjour hospitalier.
Alors pour moi, l'innovation c'est principalement le fait de créer quelque chose de nouveau, qui apporte de la valeur. Avec ces deux éléments, on peut distinguer différents types de d'innovation, aussi bien de l'innovation de rupture, de l'innovation radicale, sur laquelle on va avoir un changement de contexte complet sur un processus, un service ou une offre, ça peut être de l'innovation incrémentale, sur laquel on va avancer progressivement et pas à pas pour améliorer un certain nombre d'éléments, de services, d'usages au bénéfice des usagers et des acteurs du service. Et après, dans l'innovation, il n'y a pas que l'aspect progression finalement d'un nouveau sujet qui arrive sur la table, mais aussi la manière de mettre en oeuvre et l'accompagnement au changement que l'innovation va générer.
Et je pense que ça, c'est un point important qu'il ne faut jamais oublier. A chaque fois qu'on va avoir quelquechose de nouveau qui va arriver sur la mise en oeuvre d'un service, il va y avoir la mise en oeuvre opérationnelle et l'accompagnement au changement qui va être nécessaire, associé à cette innovation.
Alors justement, le management de l'innovation, c'est vraiment tout ce qui va toucher à la fois la capacité à détecter une innovation donc présenter, exprimer, récupérer finalement l'expression de besoins qu'il peut y avoir, détecter des choses issues plutôt de la recherche fondamentale sur lequel le besoin n'est pas exprimé, mais qui peut apporter une innovation importante, pour apporter des nouveaux services ou améliorer des usages actuels.
Mais le management de l'innovation, c'est aussi justement accompagner au déploiement de ces innovations et accompagner la conduite du changement nécessaire à la mise en oeuvre opérationnelle de ces innovations, justement.
Le fait de mettre en place une organisation dédiée à l'innovation et potentiellement séparée de la recherche, est pour moi extrêmement important, voire fondamental. En effet, la recherche est un des éléments sur lesquels peuvent surgir des éléments d'innovation, justement, principalement de rupture, ou des éléments d'innovations radicales.
Mais assez souvent dans la recherche sont émis des sujets plutôt technique en termes d'éléments d'innovation. Or l'innovation est beaucoup plus large que ça : elle doit toucher tous les domaines, notamment le domaine organisationnel, le domaine des services, qui sont souvent assez peu adressé par le monde de la recherche. Donc la recherche pour moi, est un élément source d'innovation sur lequel le management de l'innovation doit justement s'appuyer, mais pas uniquement, puisque on doit pouvoir aussi détecter l'innovation de la part des utilisateurs réels, faire que les opérationnels terrain puissent eux-mêmes, être acteurs de l'innovation et remonter des idées. Et ensuite dans le management de l'innovation, l'organisation de l'innovation qui doit être fait, on doit être là aussi pour accompagner la mise en oeuvre opérationnelle de ces projets, ce qui n'est en général pas du tout le métier, ni la culture, ni le cursus des acteurs du monde de la recherche.
Alors on voit certains établissements de santé, notamment en Suisse par exemple, sur lesquels les établissements dits d'excellence, mettent en oeuvre des organisations dédiées à l'innovation, avec vraiment un schéma où les managers de l'innovation sont très transversaux au sein de la structure, sont vraiment capacité d'aller chercher des projets d'innovation qui sont vraiment à l'horizontal à travers les différents silos de l'organisation de de l'établissement de santé, et qui construisent à la fois avec des acteurs issus de la recherche académique, extérieurs à l'établissement, mais aussi des acteurs du monde privé qui vont être là pour les accompagner justement sur la réflexion autour de l'innovation.
Et ensuite ils ont une petite équipe qui va vraiment être dédié à la mise en oeuvre opérationnelle, la partie projet, toute la partie finalement maîtrise d'ouvrage, qui est souvent assez peu structurée, organisée et staffée dans un établissement de santé, et qui est un besoin fondamental justement pour pouvoir apporter l'innovation, mesurer les différents indicateurs à mettre en oeuvre pour s'assurer que les innovations apportent des bénéfices réels et concrets, auprès des établissements de santé et de ses usagers, patients ou collaborateurs.
Je pense qu'il n'y a pas forcément à continuum entre la recherche et l'innovation , comme je le disais, la recherche est un élément source de certaines innovations, notamment les innovations radicales sur lequel les nouveaux préceptes, et notamment si on prend typiquement les aspects thérapeutiques ou le soin, le monde de la recherche fondamentale pour ce type d'innovation.
Il y a d'autres innovations parfois plus organisationnelles, est en général plus incrémentales sur lequel les besoins et les idées vont remonter plutôt du terrain opérationnel et pas forcément de la recherche. Et donc c'est pour ça, le fait de potentiellement trop corréler l'innovation comme un élément postérieur à la recherche bride complètement le mode de fonctionnement sur lequel on doit chercher des innovations auprès des opérationnels terrain pour aussi apporter de la valeur et créer des bénéfices quotidiens aux établissements de santé et à leur personnel.
Alors si je devais mettre en place une direction de l'innovation, je pense que je lui fixerai trois objectifs principaux.
Le premier, déjà, c'est de faire connaître l'activité de l'innovation auprès des personnels terrain de manière que chacun puisse se sentir acteur. Les gens du terrain peuvent être là justement pour remonter des idées, à proposer des solutions, être innovateur en tant que tel, et la cellule innovation a vraiment pour objectif d'accompagner ces idées pour les mettre en oeuvre, mettre en place des KPI concrets pour mesurer ses projets : peu, un ou deux maximum par projet ou par innovation, de manière à pouvoir vraiment mesurer une plus-value réelle, de manière à montrer que l'innovation peut apporter des bénéfices concrets pour le personnel et les patients d'un établissement de santé.
Le deuxième objectif que je mettrai, il serait plutôt sur justement la capacité à aller valoriser les asets et les résultats de la recherche pour aller apporter des innovations concrètes, encore une fois au sein des établissements de santé, en allant chercher encore une fois quelques projets pour aller justement apporter de la valeur.
Et troisième axe en termes d'objectifs, c'est de se limiter aussi à quelques projets d'innovation : ne pas soupoudrer avec une multitude d'activités et de projet sur laquelle on va être ni en capacité finalement de mettre vraiment les moyens pour l'innovation aille au bout et apporte ses bénéfices, et sur laquelle, en plus, si on crée trop de d'éléments et projets d'innovation en parallèle, finalement, les différents acteurs de l'hôpital vont être noyés sous un certain nombre d'éléments d'information et finalement, les bénéfices et la plus-value vraiment ajoutés vont être noyés dans un maelström un peu compliqué. Et donc pour moi, il faut vraiment cadrer sur quelques projets principaux, bien mesuré par certains KPI et sur lesquels les acteurs opérationnels doivent être vraiment présent au quotidien.
Alors pour moi, le management de l'innovation doit être rattaché directement, soit porté par un directeur général adjoint (DGA) soit porté par un acteur rattaché à direction générale. Pour moi, il y a deux raisons principales à ça.
La première, c'est que beaucoup de sujets d'innovations vont être transversaux. Or justement, le mode de fonctionnement des établissements de santé, l'hôpital en particulier, est souvent assez vertical, avec des directions métiers bien identifiées. Or aujourd'hui, je pense que les enjeux d'innovation sont justement très transversaux, et doivet être portés assez haut pour justement pouvoir toucher l'ensemble des acteurs et vraiment les embarquer dans le projet.
Et le deuxième point, c'est que les projets d'innovation, s'ils sont vraiment concrets, vont apporter énormément d'éléments sur le changement. Or, la conduite changement, ça doit s'impulser par la direction générale. Ça doit vraiment pousser au quotidien, par une volonté de la direction de l'établissement pour vraiment que les acteurs opérationnels du terrain se disent que c'est une volonté générale, que demain on ne va pas changer d'avis, qu'ils ne vont pas mettre de l'énergie sur un projet qui potentiellement ne va aller au bout. Donc ça doit vraiment être impulsé par la direction générale de l'établissement. Pour moi, c'est pour ça que ça doit être rattaché, un peu comme la qualité, à un très haut niveau dans l'établissement.
Alors les établissements de santé, c'est déjà un acteur de poids dans le système économique. En général, dans un bassin d'emploi, c'est souvent le plus gros pourvoyeur d'emplois sur une ville, sur une zone, sur une région, que ce soit le CHU ou le CH local, ça draine énormément d'acteurs locaux, intervenants divers et variés. Tous les gens de la population, tous les citoyens, sont un moment donné en contact avec l'hôpital, soit pour eux-mêmes, soit par leurs proches, c'est sujet forcément qui touche au coeur de chacun, qui est le soin.
Donc c'est un élément économique très très fort, sur lequel l'ensemble des acteurs se sentent impliqués et incarnés. Pour moi l'hôpital de par sa complexité et de par le volume d'activité que ça génère, et le nombre d'intervenants divers et variés qui travaillent au quotidien, ça génère une source de problèmes récurrents, quotidiens extrêmement important, donc par nature, c'est un terreau très fertile pour l'innovation.
Et c'est pour ça que pour moi, c'est un acteur clé dans la manière dont on peut finalement faire innover le système et si on prend les CHU qui sont à la frontière entre des éléments de recherche amont, des éléments de recherche universitaire plus classiques, plus le fait d'être dans des activités opérationnelles très concrètes et très terrain, donc en contact aussi avec beaucoup de d'acteurs, notamment du monde privé, il y a vraiment une capacité de la part de l'établissement de santé justement, de rapprocher un univers, plus institutionnel et plus universitaire avec le monde du privé pour faire émerger justement des éléments d'innovation clés en lien entre ces deux mondes.
Je pense que le plus gros besoin aujourd'hui n'est pas technique. Il est plutôt humain et financier.
Humain d'un côté, parce que je pense qu'on a vraiment besoin de gens qui ont la compétence et la formation, justement pour être en capacité de gérer le management de l'innovation, à la fois sur l'aspect détection de besoins et l'accompagnement à la mise en oeuvre opérationnelle des projets d'innovation.
Et après financier, bien sûr, parce que quand on parle d'innovation, on n'est pas sûrs d'avoir forcément un ROI à la clé. Il faut accepter dans la mise en place de l'innovation, d'avoir une culture que j'appelle de l'échec, c'est à dire tenter, essayer, potentiellement se tromper parfois, mais le détecter 1, suffisamment vite pour pouvoir réagir et avant qu'on dépense entre guillemets, trop d'argent sur un élément qui ne va pas aboutir ou 2, tester et pouvoir réorienter rapidement l'innovation ou l'améliorer pour pouvoir finalement la mettre en oeuvre de manière opérationnelle.
Donc pour moi, ils sont sur de ces deux éléments là : l'aspect technique étant un peu moins nécessaire au sens où je pense qu'il est déjà pas mal couvert aujourd'hui par les modes de financement qui existent au sein de l'hôpital.
Pour moi, les éléments les plus importants dans la mise en place de l'innovation, justement, c'est de mettre en place à la fois une équipe qui est en capacité d'identifier des besoins, de se focaliser sur quelques projets d'innovation clés qui vont vraiment avoir un impact à la fois pour apporter des bénéfices concrets après l'établissement, mais aussi pour donner confiance au près des opérationnels sur le fait que la cellule innovation peut apporter des bénéfices concrets dans leur quotidien.
Un facteur clé du succès extrêmement important, c'est la mesure des indicateurs clés de succès, les KPI pour utiliser l'anglicisme assez classique, qui doivent être très peu nombreux, un ou deux maximum par projet et qui doivent être vraiment là pour mesurer le succès de l'innovation qu'on va mettre en oeuvre.
Et enfin, le troisième facteur clé de succès selon moi justement, c'est inculquer la culture d'échec au sein des opérationnels également. C'est à la fois un enjeu sur la direction générale pour avoir la capacité de se dire je finance des projets qui, pour certains d'entre eux, n'ont pas forcément aboutir. Mais c'est important aussi de l'inculquer au sein des équipes, parce que quand on met en place des éléments et des projets d'innovation, on va demander de l'énergie pour le changement auprès de ces opérationnels. Et si un projet n'aboutit pas ou semble apparaître comme un échec, les gens peuvent finalement se décourager, se démotiver. Or, justement, il faut arriver à faire comprendre à un moment donné que quand on met en place un projet, on ne va pas forcément atteindre le succès dès le premier coup, donc il faut être en capacité de leur faire comprendre que un semi-échec peut se transformer en un très grand succès si finalement on prend quelques éléments clés, qu'on rationalise, qu'on rechange, l'innovation de départ qui finalement ne va pas aboutir mais avec quelques éléments va apporter une nouvelle innovation, qui elle va aboutir et va apporter de vrais changements en tant que tel. Et pour ça, il faut pas perdre la motivation des équipes terrain et opérationnel. Et donc il faut leur inculquer le fait que par moment un sujet qui ne marche pas complètement n'est pas forcément un échec à long terme.
Si je dois retenir qu'un seul argument, je dirais la capacité à accompagner la conduite du changement de manière opérationnelle. Je pense que c'est le point le plus important aujourd'hui pour arriver à mettre en oeuvre des projets innovants.
Alors je pense effectivement que les innovateurs ont besoin d'être accompagnés parce que assez spuvent, les innovateurs ont une idée, un point de départ, associée à un besoin ou non clairement exprimé. Mais ensuite, la je reviens sur la pratique de la mise en oeuvre opérationnelle, justement, et la conduite du changement que ça génère.
Assez souvent quand je crée une innovation, on a tendance à sous-estimer le frein au changement qui va être mis en place par les usagers ou par les gens del'écosystème sur la mise en oeuvre opérationnelle de cette innovation. Et en fait, c'est là où l'accompagnement est vraiment nécessaire, parce que pour qu'une relation fonctionne, il faut être en capacité d'accompagner sa mise en oeuvre avec la conduite du changement, les pratiques de résistances naturelles qui font que un acteur sur lequel on va dire que quelque chose a changé dans son quotidien, par nature va avoir d'abord les effets négatifs avant de comprendre et de mesurer les éventuels effets positifs de cette innovation. Et donc ça, ça se manage, ça se gère opérationnellement et c'est en général assez peu fait, ce qui fait que les innovateurs en général ont parfois du mal à mettre en oeuvre leurs innovations.
L'autre aspect, c'est sur les méthodes de mesure de la mise en oeuvre de de l'innovation. Assez souvent, lorsqu'on remplace l'innovation, on trouve que c'est une idée qui est super, qui apportent plein de qualitatif, on la met en oeuvre et ensuite on est un peu dans un élément de complexité pour mesurer les apports réels. Or ça passe justement par des organisation assez précise sur comment je mesure l'existant, pour ensuite mesurer les mêmes types d'indicateurs clés a posteriori pour savoir se dire finalement mon innovation réellement apporte un bénéfice. Et ça, c'est pareil, c'est partout dans la culture des innovateurs par nature et c'est des éléments que doivent apporter typiquement les managers d'innovation qui peuvent être mis en place dans l'établissement de santé.
Je pense que ces dernières années, on a pas mal progressé avec les notions de l'article 51, avec les appels à projets innovants qui permettent de financer jusqu'à une certaine enveloppe sans appel d'offres ou de mise en concurrence.
Pour autant, je pense qu'on reste trop limité aujourd'hui en termes d'outillage, les appels d'offres innovants par exemple, il y en a très, très peu sur le territoire. Alors est-ce que c'est dû à la complexité de mise en oeuvre ? Est ce que c'est dû à la limitation au cent mille euros de financement qui pose problème? Je ne sais pas exactement, mais en tout cas, le constat fait qu'aujourd'hui, il y a quand même très très peu de de mise en oeuvre.
Je pense qu'aujourd'hui un des freins principaux sont justement à ces systèmes d'appels d'offres publics avec la mise en concurrence qui ont tendance à tirer les appels d'offres vers une dimension prix vers le bas au détriment souvent de l'innovation et des bénéfices, qui sont difficilement mesurables en amont et à l'écriture du cahier des charges. Et donc ce qui fait que, justement souvent les acteurs se battent sur un aspect prix plus sur un aspect bénéfices et résultantes à terme. Il y a certaines initiatives qui commencent à émerger sur le territoire, les établissements de santé cherchent à monter des partenariats avec des structures, qu'elles soient institutionnelles ou des entreprises privées. Et je pense que c'est probablement un bon axe pour aller chercher l'innovation sans avoir ce frein, finalement de se dire, je dois me mettre dans un carcan de mise en concurrence sur lequel les gens se basent sur des prix et sur lequel les cellules d'achat, justement, vont être là pour aller challenger aussi cette dimension prix. Elle est importante et il faut garder l'équité entre les structures, ùais je pense qu'elle est généralement un frein à l'innovation et l'industrialisation des systèmes innovants aujourd'hui.