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En plus du modèle de direction innovation proposé dans le Guide, Hospi'Up donne la parole aux acteurs de l'innovation en santé. Au travers des Entretiens Hospi'Up, explorez d'autres modèles d'organisations hospitalières dédiées au management de l'innovation et découvrez le point de vue d'acteurs économiques travaillant auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.

Entretien avec Franck Le Ouay

Président et co-fondateur - Lifen

Retranscription de l'entretien


Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je m'appelle Franck Le Ouay, je suis président et co-fondateur de LIFEN. Je suis ingénieur de formation, j'ai commencé comme développeur informatique aux États-Unis chez Microsoft. Je suis rentré en France après pour lancer ma première start-up dans le secteur du marketing digital et j'ai lancé LIFEN il y a 7 ans. On est une entreprise de santé, on facilite la coordination médicale, la digitalisation des données médicales entre tout le continuum de soins, donc l'hôpital, la ville, le patient, et on développe une plateforme d'interopérabilité qui permet de faciliter le déploiement de toutes solutions digitales auprès des hôpitaux.

Quelle est votre définition de l'innovation ?

Définition d'innovation c'est compliqué,  je dirais que c'est tout le processus ou produit qui permet de changer l'état de l'art, et de faire progresser sur un ensemble de métriques,  qu'elles soient médical, ou du temps gagné, ou du gain pour le patient,  c'est tout ce qui permet de changer l'état des choses.

Quelle est votre définition du management de l'innovation ?

Alors le management d'innovation pour moi, je ne sais pas si ça correspondra  à la définition partagée mais c'est plutôt ce qui permet à l'innovation d'arriver. C'est en gros, quand on parle de l'innovation, ça veut dire qu'il faut changer les choses, il faut changer les pratiques et donc ça, ça se fait pas tout seul. Il faut déjà repérer les innovations qui qui sont pertinentes,  les valider et ensuite les déployer et donc tout ça, c'est un métier et ça nécessite une certaine organisation.

Pourquoi mettre en place une organisation dédiée au management de l'innovation ?

Alors déjà pour moi, l'innovation c'est fondamental parce que c'est ce qui permet de relever un peu la tête de l'eau, c'est à dire qu'en gros on est on est tous, à l'hôpital en particulier, dans l'opérationnel le plus complet, à gérer "day today", et l'innovation c'est ce qui va permettre du coup de capitaliser sur les nouvelles technologies, des nouvelles pratiques pour regagner du temps, augmenter la qualité des soins, etc. Pourquoi une direction de l'innovation ? Parce que si on prend pas les rênes de ce sujet là et qu'on se dit pas voilà il faut vraiment agir sur telle et telle métrique, lancer tel et tel projet, ça risque de passer un peu sous le radar et du coup vu que on est tous très occupés avec plein de trucs à faire, ça passe derrière la priorité et du coup on n'a pas assez de focus sur ce jeu là.

Connaissez-vous un modèle qui pourrait servir d’inspiration ?

Je ne sais pas si j'ai des modèles. En tout cas, je suis assez convaincu que quand on veut innover en fait, il vaut mieux essayer de prendre un sujet bien précis et le mener jusqu'au bout le plus vite possible, pour justement engranger les résultats, des changements parce qu'en fait quand on innove finalement, il y a une espèce de courbes en U. Quand on change d'habitude au début on paye un cout parce que c'est compliqué de changer, avant de tirer les bénéfices de ça et donc plutôt que d'essayer de tout changer partout, je trouve que c'est intéressant de se dire : ok je prends une bataille et j'ai fait super bien, super vite et comme ça je crée l'enthousiasme,  je montre que ça marche et après je peux en créer je peux attaquer une deuxième bataille, une troisième.

Existe-t-il nécessairement un continuum entre la recherche et l’innovation ?

Alors comme ça je dirais pas le serment. Ca dépend des cas, ça dépend de la recherche, ça dépend d'innovation. On peut faire de la recherche théorique qui ne mène pas innovation immédiate. A l'inverse, j'imagine que il y a de la recherche qui peut être appliquée et menée à  des idées de produits et donc l'innovation donc je dirais tout est possible.

Quels objectifs fixeriez-vous à une direction innovation ?

Je vais reprendre ce que je disais tout à l'heure. Je dirais de prendre deux trois thématiques/projets sur lesquels tu veux changer les choses, mets tout le monde aligné sur ses objectifs là et essaie d'aller le plus vite possible pour aller jusqu'au bout, et pas lancer 50 projets qui vont aller nul part parce que tout le monde va patiner etc. On est toujours déçu par la vitesse d'avancée des choses : tout prend plus de temps au tout début, tout est plus compliqué que ce qu'on imagine donc faut surtout essayer de se focaliser et aller essayer d'aller très très vite, comme ça on a une chance que ça aboutisse et d'en tirer le résultat. 

Comment devrait-elle être positionnée au sein de l’établissement ?

C'est multifonctionnel je dirais, puisque ça touche forcément à tout : ça peut toucher le médical, ça peut toucher la finance, évidemment il y a les liens avec l'IT (informatique) bien souvent, donc je dirais que c'est un peu indépendant du reste. C'est soit un département à part, soit ça pourrait être sous n'importe quelle des grosses fonctions s de l'hôpital mais du coup on perd un peu en indépendance, donc je dirais plutôt à part. Et oui si c'est indépendant ça peut reporter directement au directeur d'hôpital, au directeur adjoint, à la direction générale.

Quel devrait être le rôle d’un établissement de santé au sein de son écosystème économique ?

Ca c'est une question importante. En fait on voit que ça va évidemment dépendre beaucoup d'innovation dont on parle, mais il y a des innovations et peut-être une poche innovation énorme qui est dans le "travailler ensemble". On parle de l'hôpital et de la relation ville/hôpital ce sont des thématiques qui sont présentes depuis très longtemps et pour une bonne raison c'est qu'on a du mal à faire ce pont entre ces différentes organisations qui ont des systèmes différents, des organisations différentes, des métiers différents. Donc là il y a une poche innovation qui est énorme, qui ne pose pas de question sur comment on finance tout ça etc, mais globalement oui c'est sûr que si on peut arriver à travailler de manière territoriale, plutôt que chacun s'empresse sur son établissement, on pourra faire des choses que chacun ne peut pas faire tout seul.

De quoi les hospitaliers ont-ils besoin pour innover ?

Je pense qu'ils ont besoin de budget déjà. Sans moyen on ne fait rien. Après ils ont besoin de technologie c'est là que LIFEN peut intervenir pour faciliter le développement d'innovation dans l'établissement, pour diminuer le frein et les coûts, les délais, la complexité de déployer une telle solution tout en maximisant la sécurité, la conformité et l'usage,  parce qu'en fait si on parle d'innovation souvent en fait on parle de plein de solutions distinctes qui vont être très très spécifique sur une prise en charge, une thématique etc. Et du coup la question c'est comment j'arrive à, en tant que hôpital ou établissement,  comment j'arrive à avoir une vue complète, cohérente de l'ensemble cet applicatif là pour qu'il communique entre eux, pour que il y ait une même définition du patient,  pour que les praticiens puissent so logger facilement sur mon application, pour que j'ai un contrôle de sécurité etc. Tout ça nécessite des infrastructures sans quoi c'est extrêmement pénible de déployer des innovations à grande échelle.

Selon vous, quels sont les facteurs clés de succès ?

Je suis pas sûr d'être très pertinent pour ça mais je dirais simplement bien se poser la question des KPI clés par projet comme ça dépend de chacun des projets. Mais se dire voilà si je déploie telle chose,  qu'est-ce que j'en attends, et puis au niveau peut-être la direction globale,  une des KPI clé ce serait effectivement combien de projets est-ce que j'ai réussi à évaluer et déployer correctement, quel usage derrière, un usage pérenne, pas juste je fais un test et après je ne le regarde plus,  et est-ce que j'accroix la vélocité de déploiement de l'innovation, est-ce que ce que je peux faire trois projets au lieu d'un, cinq projets au lieu de trois, etc. La question de vélocité j'y reviens est toujours hyper importante.

Selon vous, pourquoi est-il nécessaire d'organiser le management de l’innovation ?

L'argument que je donnerais, c'est le secteur médical, l'hôpital en particulier, est face à des challenges immenses, qui vont faire que ça croit dans les prochaines années parce que on connaît tous les problèmes de financement, de démographie médicale ou de démographie  de la population. Face à ces changements face à ces challenges qui sont immenses, si on met pas le paquet pour innover,  malheureusement je pense on va avoir des problèmes. Je pense que mettre une direction innovation en place, c'est pas la garantie du succès mais c'est pour moi requis si on veut s'armer et correctement se mettre en position pour pour lutter contre ces challenges là.

Pensez-vous que les innovateurs ont besoin d’être accompagnés ?

Je pense que ça dépend de la maturité de l'innovation c'est à dire qur quand on est très en amont, que ce soit un médecin chercheur qui a une idée d'innovation, que ce soit une entreprise, une start-up qui se monte et qui a une idée, c'est essentiel de confronter cette idée là à la pratique au quotidien et d'aller voir les voilà les hôpitaux  typiquement, pour voir si ça peut s'insérer pendant une pratique. Des fois il y a des bonnes idées qui sont super sur le papier et en fait on se rend compte que c'est infaisable parce que ça ne rentre pas dans les usages. Cette phase là est hyper importante et vu que la médecine et l'hôpital sont quand même un système assez complexe,  il est fondamental de regarder sur le terrain et donc de créer ce lien entre l'innovateur et l'utilisateur potentiel de cette innovation. Quand on est sur des phases plus en aval où l'entreprise a déjà validé son produit, on a besoin de faciliter le déploiement et donc là c'est plutôt la gestion du changement qui est importante. Dans les deux phases,  je dirais qu'on a des besoins assez différents mais des besoins énormes dans tous les cas.

Quels verrous lever pour faciliter le développement de l’innovation ?

Il y a toujours plein de plein de frein, après il y en a qui sont faciles à lever, il y a la question de la commande publique qui revient tout le temps. Pour la startup qui se monte, c'est pas facile de se faire référencer dans une centrale d'achat, c'est compliqué pour l'établissement de faire des appels d'offres,... Ca c'est malheureusement on ne peut pas beaucoup agir dessus mais c'est un frein, après moi j'aurais plutôt tendance à dire que finalement à par ce type de choses,  on a plutôt envie que le législateur entre guillemets nous laisse tranquille nous innovateurs, nous opérateurs.  C'est les opérateurs qui sont au plus près du terrain qui peuvent évoluer et qui peuvent comprendre en fait les besoins et discuter avec les innovateurs qui veulent rencontrer ce marché, donc on a besoin de favoriser les rencontres, de diminuer les contraintes techniques etc.  En termes de législation, je trouve qu'il n'y a pas de frein particulier : dans le cas du soin courant le l'innovateur peut être sous-traitant de l'hôpital et en terme rgpd aussi,  il y a pas de problème particulier ; pour la recherche sur les usages secondaires de la santé, il y a un cadre qui est relativement favorable sur les entrepôtres de santé se développent, donc je suis plutôt positif en disant que je pense que le cadre réglementaire tel qu'il est permet à l'innovateur de travailler. Il reste la question du financement qui elle est toujours présente et pas simple.  Comment je finance quelque chose qui rentre pas dans les cases ? Si j'améliore l'adressage des patients aujourd'hui je suis pas sûr qu'il y a un guichet et financement pour ça. Comment je finance la prévention ? Il y a plein de thématiques là aussi qui sont connues de tous mais pour lesquelles il n'y a pas forcément de réponse. Le financement reste un reste un sujet important mais après le cadre réglementaire, je trouve qu'il est suffisamment ouvert pour louper, donc je dirais juste ce mot :  il faut évidemment qur le cadre protège les acteurs, protège les citoyens etc. On n'a pas envie qu'il surprotège donc attention à ce que l'État ne soit pas à vouloir trop légiférer parce qua vouloir trop légifférer, on peut potentiellement mettre trop de barrière à l'innovation donc moi j'ai plutôt envie de dire là il est pas mal,  pas besoin de plus, et si on peut faciliter la commande publique et faciliter remboursement je pense que ce sera super.