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En plus du modèle de direction innovation proposé dans le Guide, Hospi'Up donne la parole aux acteurs de l'innovation en santé. Au travers des Entretiens Hospi'Up, explorez d'autres modèles d'organisations hospitalières dédiées au management de l'innovation et découvrez le point de vue d'acteurs économiques travaillant auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.

Entretien avec Armelle Dion

Directrice de l'innovation - Hospices Civils de Lyon

Retranscription de l'entretien


Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour, je m'appelle Armelle Dion. Je suis directrice de l'innovation aux HCL. En termes de parcours, j'ai commencé, il y a une petite vingtaine d'années avec une formation de directrice d'hôpital, et j'ai exercé en centre hospitalier, centre hospitalier universitaire. Depuis quatre ans, je suis aux HCL, aux Hospices Civils de Lyon. Trois ans en tant que directrice adjointe à la direction de la recherche clinique et de l’innovation et depuis un an, depuis avril 2021, je suis directrice de l'innovation, une direction qu'on vient de créer.

Quelle est votre définition de l'innovation ?

Alors on a beaucoup réfléchi à la définition de l'innovation. C'était une des premières étapes pour réussir à donner du sens à ce qu'on était en train de faire. Et donc on s'est arrêté sur une définition très simple qui est que l'innovation, c'est une invention qui rencontre son marché. Donc on trouve dans cette définition l'idée qu'il faut quelque chose d'inventif au départ, mais aussi l'idée qu'il faut aller jusqu'au bout du processus de maturation de l'invention, pour qu'à la fin elle réussit sa rencontre et son marché, soit un marché en termes capitalistique des choses avec des ventes, soit un marché en termes d'expérimentation, de mise à disposition des soignants ou des patients.

Donc, on a besoin du caractère inventif. On a besoin de répondre à un besoin non couvert. Et on a besoin qu’à la fin, parce que c'est expérimenter, parce que ça rencontre son marché, que ça fasse mieux avant qu'on ait véritablement une création de valeur, une transformation positive. Voilà notre définition de l'innovation aux HCL.

Quelle est votre définition du management de l'innovation ?

Alors, c’est vrai qu’au départ, on peut se dire si on a des projets innovants, on fait de l'innovation. Nous, on essaye de faire du management de l'innovation. C'est-à-dire que ma direction, ce n'est pas celle qui fait les projets innovants, qui a les idées. C'est celle qui aide les autres à avoir les conditions qui permettent de faire de l'innovation et donc manager l'innovation, c'est être une direction support, un appui à tous ceux qui veulent faire de l'innovation, en aidant d'une part à repérer les projets ou à faire émerger des nouveaux projets. Ensuite en identifiant les compétences spécifiques dont on peut avoir besoin tout projet, en faisant du sur-mesure, en aidant à aller chercher ses compétences et puis ensuite, à accélérer un petit peu les différentes étapes qui permettent de passer de l'invention au marché.

Comment a été menée la séparation de la direction de l'innovation de celle de la recherche ?

Alors d'abord, il a fallu donner du sens à cette séparation, expliquer pourquoi on considérait que finalement, identifier une direction de l'innovation séparée la direction de la recherche clinique et l'innovation avait du sens. Ce sens, on l'a trouvée à la fois pour la direction de la recherche et pour la direction de l'innovation.

Côté direction de l'innovation, on voulait faire passer le message qu’il n'y avait pas que la direction de la recherche clinique et l'innovation qui faisait l'innovation. Ça fait longtemps qu'on fait de l'innovation en systèmes d'information, de l'innovation organisationnel, sur les parcours de soin, de l'innovation managériale, de l'innovation en impression 3D. Donc en fait symboliquement sortir l'innovation de la direction de la recherche clinique, c'était dire, l'innovation concernent tous les secteurs dans un CHU. Par nature, elle peut concerner tous les professionnels et pas seulement les professionnels qui traditionnellement font de la recherche. Et donc on est une direction transversale, une direction facilitatrice pour tous ceux qui ont des projets innovants, et pas seulement les projets traditionnellement liés à une direction de la recherche clinique. Les projets liés à une direction de la recherche clinique, c'est de l'innovation technologique, scientifique, médical qui continue à se faire, mais ce n'est pas la seule.

Et côté direction de la recherche, passer d'une direction de la recherche clinique et l'innovation a une direction de la recherche en santé. C'est aussi faire passer le message que la recherche dans un CHU, ce n'est pas que la recherche clinique, même si c'est très important. C'est aussi de la recherche sur les données, de la recherche en sciences humaines et sociales.

De cette façon, la séparation amène à faire plus d'innovation, sur plus de champs. Et plus de recherches, sur plus de champs. Et les nouveaux champs de recherche nourrissent les nouveaux champs d'innovation et vice-versa. Donc en se séparant, on n'en fait plus que lorsqu'on était ensemble, même si on est bien sûr obligés de garder un lien extrêmement étroit puisqu’il y a un continuum entre la recherche et l'innovation et on a gardé des équipes qui sont en fait prestataire les unes pour les autres. On n'a pas totalement séparé les équipes, on continue à fonctionner de façons très imbriquées.

La création de cette direction a-t-elle été comprise par vos collaborateurs ?

Alors, les collaborateurs, il y a également la communauté médicale. Je me souviens assez nettement, au premier directoire où on a annoncé, cette décision d'identifier une direction de l'innovation à part entière, de la rattacher à la direction générale, de la séparer de la direction de la recherche, une professeure de médecine considérait que ce n'était pas une bonne chose à faire. Elle ne comprenait pas, elle avait peur, que ça paupérise la direction de la recherche et que le continuum entre la recherche et l’innovation ne soit pas maintenu, ou qu'il soit plus compliqué. Et donc il y avait un certain nombre de craintes ou d'incompréhensions sur, en quoi ce que l'on voulait promouvoir en tant qu’innovation avait besoin de s'autonomiser de la recherche pour exister. Alors qu'elle avait déjà l'impression, et ce n'était pas qu'une impression, qu’elle avait déjà pu, sans problème, déployer tous ses projets d'innovation en faisant le lien avec la direction de la recherche. Donc on a retravaillé sur nos arguments. On a surtout lancé notre premier appel à projets innovation. Et quand on est retourné devant le directoire, quelques mois plus tard, pour expliquer ce qu'on avait fait, l’appel à projets, les projets qui étaient revenus, comment on les avait sélectionnés, quels étaient ceux qu'on choisissait de retenir. Là, elle nous a dit : “Honnêtement, j'ai compris ce que vous souhaitiez faire. J'ai compris en quoi ça rend la recherche et l'innovation plus fortes et en quoi les deux vont se potentialiser, plutôt que s'appauvrir en s’étant séparées”. Donc elle a, elle a tout simplement présenté des excuses. On n'en attendait pas tant, mais en tout cas, ça montrait qu'on avait réussi à rendre un peu plus compréhensible, plus lisible, à expliciter, en quoi est ce qu'on voulait faire justement, une innovation qui ne pouvait pas être encapsulée dans la direction de la recherche qui avait besoin d'un périmètre un peu plus large pour prendre tout son sens.

Quels avantages apporte cette direction innovation ?

En termes davantage, je pense que ça nous a permis d'être positionnés, en offre de services auprès des autres secteurs de l'établissement, des autres directions, fonctionnelles et transversales ou des porteurs de projets, qui, lorsqu'ils voulaient porter un projet d'innovation organisationnelles et managériales numérique, soit devaient se débrouiller un peu tout seul, soit ne savaient même pas à qui s'adresser pour faire connaître leur souhait de déposer des projets. Donc se séparer de la direction de la recherche, pour dire, c'est toutes les innovations et donc vous pouvez venir nous chercher, si vous vous posez des questions, si vous avez besoin d'aide. Ou bien, nous pouvons aller vers vous pour mieux comprendre ce que vous faites et voir comment l'on peut vous aider.

Ça nous a aidé en matière de légitimité. Si on avait encore été une partie de la direction de la recherche, peut-être qu’aller vers eux ou venir nous chercher pour des sujets qui n'emportent pas d'études cliniques ou d'étude médico-économiques auraient été, peut-être, moins lisible. Donc, cette partie de transversalité, puis d'équipe très restreinte, mais plus agiles est aussi assez cohérente avec l'image de l'innovation, de l'agilité, de la transversalité, du côté pluridisciplinaire qui est indispensable de tout projet innovant.

Existe-t-il des dynamiques communes entre la recherche et l'innovation ?

Oui bien sûr. Typiquement, dès lors que l’on a à protéger, à valoriser ou à transférer des résultats issus de la recherche. Et bien les équipes de chargés de valorisation et de propriété intellectuelle, et les équipes de la direction de recherche travaillent absolument main dans la main. Que ce soit en amont, au stade de l'invention ou ultérieurement, quand on a produit des résultats de recherche et puis que l’on cherche un transfert de technologies. Ça, c’était totalement imbriqué avant, ça le reste absolument.

Des dossiers tels que les RHU, par exemple, sont aussi clairement de la recherche, mais avec une visée d'innovation, de mise sur le marché à court et moyen terme, donc c'est des dossiers aussi sur lesquels on fait ensemble.

Lorsque l'on essaye de nouer de nouveaux partenariats stratégiques avec, que ce soient des startups ou des industriels, on essaye toujours de mixer les approches recherche et innovation. Donc ça, c'est des choses qu'on fait complètement ensemble.

Quels sont les objectifs de votre direction innovation ?

Au niveau stratégique, on a vraiment deux objectifs, qu'ensuite on décline. D'une part, notre objectif est que Lyon, soit reconnu comme le lieu, un des lieux, où s'invente l'hôpital, la médecine de demain. Y compris en dehors de l'hôpital, en lien avec les partenaires du territoire, de la ville et du domicile. Et donc au niveau stratégique, ça nous permet de la mettre à disposition, cette innovation, de nos patients, plus vite de nos professionnels et d'avoir cette reconnaissance au niveau national, voire international. Et donc ça, c'est une de nos ambitions, de nos objectifs.

L'autre objectif, il est très managérial. On est persuadé que développer une culture de l'innovation dans notre établissement, c'est important pour la résilience de nos organisations. On l'a vu avec la covid. Un établissement dans lequel les professionnels ont l'habitude d'être impliqués dans des projets innovants. Ce sont des gens qui ont l'habitude de partir des besoins, et pas de structure hiérarchique, pour émettre des propositions de façon assez souple, en s'ouvrant également aux suggestions qui peuvent être apportées par des gens totalement différents, des gens qui viennent d'autres univers. Donc cette horizontalité, cette pluridisciplinarité, le fait d'être agile, d'expérimenter, y compris avec le risque de se tromper. C'est des valeurs qui sont très fortes dans l'innovation. On est persuadé que si les professionnels des HCL ont l'occasion de les mettre en pratique dans des projets innovants, y compris, dans les organisations de soins, dans le quotidien, pas innovants. Ces valeurs et ces expériences vont diffuser et nous permettre au quotidien d'être plus agiles, plus résilients en cas de choc.

On pense aussi que, à l'heure où on le sait, l'attractivité, attirer, motiver, fidéliser les professionnels de santé, ce n'est pas quelque chose d'évident dans nos établissements, en ce moment. Avec la crise des vocations. On pense qu’être un établissement reconnu par le fait qu’on propose à nos professionnels de participer à des projets innovants. Le fait qu'on finance ses projets. Qu'on offre de la formation au porteur. Ça, c'est quelque chose qui peut nous différencier et attirer des gens de valeur, qui ont envie de s'investir dans l'hôpital public.

Quel est le positionnement de cette direction innovation au sein de l'établissement ?

Alors ça, c'est très important. On est directement rattaché à la direction générale. C'est-à-dire qu’avant, la thématique innovation était à l'intérieur de la direction de la recherche, et donc la personne en charge de l'innovation, déjà un peu moins à l'époque, n'avait pas de rattachement direct à la direction générale. Donc, en faisant les deux directions (direction de la recherche en santé et direction l'innovation), on a clairement positionné la direction de l'innovation en N-1 de la direction générale. Et ça, symboliquement, on sait ce que ça veut dire dans un organigramme. C'est quelque chose d'important.

J'ai aussi la chance d'être en binôme avec un médecin, depuis le début de l'aventure, qui est nommé par le directeur général et le président de la CME, comme référent de toute la dynamique d'innovation, à mes côtés. Ça a été un PU-PH pendant la première année. Maintenant, c'est une autre personne, qui est aussi engagée dans une démarche universitaire, qui prochainement accédera probablement au grade de PU-PH. Enfin, peu importe. Des porteurs jeune dynamique déjà engagés dans des projets de recherche, et ayant de l'appétence pour la spécificité de l'innovation, au-delà de la recherche. Et qui anime avec moi, la dynamique d'innovation. Donc ça, ça montre bien, le fort soutien proposé par la gouvernance des HCL, que ce soit direction générale ou CME, à ce dispositif. Parce que de l'innovation en faisait déjà avant, mais ce que l'on fait vraiment, depuis un an, c'est qu'on a un dispositif structuré, en action, en gouvernance, avec des moyens dédiés, quand même à hauteur de 2,5 millions, sur fonds propres. Et puis avec une visibilité interne et externe nettement plus importante que ce qu'on pouvait faire avant. Donc c'est vraiment structurer l'intégralité des actions de soutien à l'émergence, à la dynamisation et puis à la valorisation de nos projets d'innovation qui fait la différence cette dernière année.

Quel est son positionnement vis-à-vis de l'écosystème économique ?

Alors ça, c'est une dimension essentielle, et depuis le début. C'est-à-dire qu’au départ, on aurait pu se dire, on va d'abord se structurer en interne. On a assez d'enjeux à faire comprendre ce qu'on a à faire en interne, à faire un peu bouger les lignes, et puis après, quand on saura ce qu'on raconte, on ira le raconter à nos partenaires. Ce n'est pas le parti qu'on a pris. Au contraire, dès le début, on a créé un comité des innovateurs. Qui est composé quasiment de façon paritaire. Il y a une vingtaine de personnes, ce n'est pas très grand, mais sur ces vingt personnes, il y a huit représentants de notre écosystème, donc il est quasiment paritaire internes et externes. On retrouve :

  • L'université Claude Bernard Lyon 1 ;
  • Le pôle de compétitivité, qui est spécialisé en santé à Lyon, LYONBIOPOLE ;
  • La SATT, qui s'appelle PULSALYS, et qui fait presque la moitié de son activité sur des dossiers santé ;
  • La métropole de Lyon ;
  • La région Auvergne Rhône Alpes ;
  • Un représentant des usagers ;
  • Un directeur de startups studio, on voulait quelqu’un, soit d’une startup, soit d’un startup Studio ;
  • La fondation HCL, qui est l'équivalent d'un fonds de dotation, qui nous accompagne et qui finance une partie de nos projets.

Donc, dès le départ, dès la première réunion, quand on a lancé notre appel à projets innovation, et qu'il fallait analyser 45 dossiers, en sélectionner les lauréats, les plus prometteurs. Et bien en fait, on a associé tout notre écosystème à la sélection des projets. On ne les a pas sélectionnés tout seul, on les a sélectionnés avec eux. C'était très important parce qu'ils nous ont apporté cette vision externe, en disant, ce projet qui est intéressant, mais moyennement pour vous, je vous assure que pour le reste de l'écosystème celui-là, il est très prometteur.

Et donc, ils nous ont aidés aussi à prendre conscience, par exemple, que certains segments, notamment tout ce qui était pré-maturation, preuves de concepts, étaient probablement insuffisamment financer et insuffisamment soutenus par les Hospices civils de Lyon, parce que ce n’est pas de la recherche et ce n'est pas encore l'innovation. Quand vous êtes au stade de l'invention et que vous devez faire votre preuve de concept, pour savoir s'il y a matière à protéger ou pas. On n'avait pas suffisamment structuré ce domaine. Et c'est là où la fondation HCL, dorénavant nous finance, à hauteur de minimum 200’000 euros par an, pour quatre projets de preuve de concept. Et c'est vraiment PULSALYS, LYONBIOPOLE et nous, en collectant toute cette matière qui nous a été apportée, lors du premier appel à projets innovants. On s’est rendu compte que ces projets ne rentraient pas stricto sensu dans les critères d'éligibilité de l'appel à projets innovation, parce qu'ils étaient trop en amont. Et l'innovation, on est proche du marché, donc on est beaucoup plus en aval. Mais ce n'était pas parce qu'il ne rentrait pas dans les critères d'éligibilité qu'il n'avait pas un besoin. Si on n'investit pas sur l'invention à la fin, on n'aura pas d'innovation. Et donc on s'est mis tous ensemble. Et en quelques mois, on a réussi à trouver un financeur, la fondation HCL, et on a déjà quatre projets de ce type qui sont dorénavant financés dans les tuyaux, dont on espère qu’à la fin, ça nous fera de belles innovations.

Comment est-elle organisée et quels sont ses moyens ?

Alors au niveau de notre organisation très concrète. Comme je disais tout à l'heure, on est issu de la direction de la recherche. Donc, en fait, venant de la direction de la recherche, on a emmené avec nous deux équipes. Des petites équipes, mais des équipes expertes. La première équipe, ce sont les chargés de valorisation, propriété intellectuelle, transferts de technologies. Donc on a deux chargés de valorisation qui continuent, comme je disais tout à l'heure, à travailler de façon extrêmement étroite avec les juristes de la direction de la recherche, avec les chefs de projets, avec tous ceux qui nécessitent leur expertise. Mais, ça, on a considéré que par nature, c'était indispensable à l'innovation. À la fois très en amont, au niveau de l'invention, et puis à la fin, quand on essaye de faire du transfert. Donc cette équipe, on l'a emmenée dans la direction de l'innovation.

Une autre équipe très experte, c'est la cellule d'expertise des DM innovants. En 2006, la circulaire qui créait les cellules innovations, a donné lieu aux HCL à la création de ce qui s'appelait à l'époque la cellule innovation et donc maintenant la cellule d'expertise des DM innovants. Donc on y retrouve des méthodologistes, des économistes de la santé, qui travaillent en lien avec aussi des ingénieurs biomédicaux et qui sont spécialisés dans l'évaluation des dispositifs médicaux innovants. Que ce soit des équipements innovants, donc plutôt biomédical, ou des dispositifs médicaux stérile innovants. Donc ça, ça fait 15 ans que ça existe. Depuis 15 ans, ils avaient bien structuré tout ce qui était plans d'équipements innovants spécifiques ou de recensement de DM stériles innovants en lien avec la COMEDIMS. Donc, cette équipe qui est donc à cheval entre la recherche, parce que pour une partie de leur temps, ils sont rattachés au pôle santé publique et ils font des études cliniques et médico-économiques. Mais pour une partie de leur temps rattaché à la direction de l'innovation, montre bien le continuum recherche innovation. Ça, c'est la deuxième équipe de la direction innovation valo/PI et cellules d'expertise des DM innovants.

Et puis le troisième secteur de la direction de l'innovation, que l’on a créé de toute pièce, c’est un poste de chargé de mission partenariat innovation et impression 3D. Donc, c'est quelqu'un qui coordonne toute la thématique l'impression 3D, qui était depuis plusieurs années un de nos segments d'innovations différenciant. Mais qui m'a aussi aidé à monter toute l'ingénierie de l'appel à projets innovation, qui est pour nous bien sûr notre programme d'intrapreneuriat très important. Donc, la coordination des instances, la sélection des projets, puis une fois que les projets lauréats sont déterminés, le suivi professionnalisé et personnalisé de chacun des projets avec un master plan, des jalons, des livrables, des décaissements à organiser. Donc, il y a une personne au sein de mon équipe qui m'aide à structurer, à suivre tous ces nouveaux champs de l'innovation moins liés à la recherche et très ouverts sur les autres secteurs de l'établissement et sur notre écosystème.

Vous êtes-vous inspiré d'autres modèles ?

Alors, comme très souvent, dans l'innovation, je pense qu’au départ, on peut avoir l'éclair de génie, l'invention qui sort de la tête et que personne d'autre n'a eu, mais pour transformer l'invention en innovation, il faut quand même beaucoup s'intéresser à ce que font les autres, et se nourrir de ce que font les autres.

Donc c'est ce qu'on a fait, bien sûr. Donc, moi, j'ai été très marquée par un voyage que j'ai fait à Montréal, dans le cadre des entretiens Jacques Cartier. Et donc on a rencontré l'institut trans-MedTech et la politique d'innovation du CHU de Montréal. Donc ça, c'est vrai que c'étaient des exemples très inspirants.

On a également échangé, au moment de l'imagination, de la création de ce qu'on pouvait faire, mais encore maintenant, avec d'autres établissements. Alors, il y a eu Toulouse initialement avec Innov’Pole Santé, l’AP-HP avec aujourd'hui leurs HUB innovation, Brest avec leur centre W.INN. Il est important pour nous d'être en contact avec en France ou dans les pays francophones, avec d'autres établissements qui, comme nous, chemine sur ce que ça veut dire de faire de l'innovation autrement. C'est-à-dire de vraiment structuré l'appui à l'innovation plutôt que d'additionner des projets innovants. Nous, on est vraiment là pour apporter la couche de structure et d'appui pour permettre de libérer un petit peu les énergies de tous ceux qui veulent faire des projets innovants. Et ça, c'est des choses qu'on voit de façon très forte aussi en Suisse ou dans certains ESPIC. Mais, voilà, on continue à rester en veille sur toutes les expérimentations et les retours d'expérience qui peuvent nourrir notre réflexion.

Depuis sa création, qu’a-t-elle apporté à votre établissement ?

Alors, on a eu à la fois des projets très concrets, mais aussi, dès le premier appel à projets innovation, ce qui est ressorti, c'est le besoin de mettre en place des plates-formes. Donc, sur la thématique plateforme, on a structuré quatre plateformes, qui sont là aussi des espèces de lieux de rencontre, de lieux qui permettent l'émergence, le codéveloppement ou l'évaluation de projets. Donc il y a un plutôt sur le numérique, un plutôt sur l'électronique et la robotique, un sur l'impression 3D et puis le quatrième, plutôt sur des bases de données d'images, d'intelligence artificielle en imagerie et biologie. Donc ça, c'est des choses qui sont apparues très fortement comme des besoins de structuration, vraiment au cœur de nos établissements de santé. Une forme de tiers-lieux ou de Living Labs thématisés, si on veut.

Et à l'intérieur de ces plateformes, ou bien de façon totalement séparée, on a différents types de projets. Je peux citer un projet par exemple, de systématisation, de recours à l'activité physique adaptée dans tous les parcours de soin des enfants pris en charge dans notre hôpital pédiatrique. En-dehors des parcours urgence ou consultation pures. Dorénavant aux HCL, tout enfant qui entre dans un parcours de soins qui dure un petit peu dans le temps, va se voir proposer de l'activité physique adaptée, quelle que soit la raison pour laquelle il vient à l'hôpital. Alors que, pendant longtemps, on pouvait considérer qu'au contraire l'activité physique était totalement contre-indiquée en fonction de la pathologie. C'étaient des choses qu'on faisait de façon sporadique avant, et là, le projet qu'on finance permet au contraire de passer un cran, de passer à l'échelle et d'en faire vraiment quelque chose de différenciant, on le pense pour tous les patients pédiatriques qui sont adressés aux Hospices civils de Lyon.

Je peux donner peut-être un autre exemple plutôt sur de l'intelligence artificielle. C’est quelque chose qu’on a pas mal expérimenté sur la Covid, mais on avait envie d'aller plus loin. C'est-à-dire que l’on sait qu'au niveau bibliographie, il sort en permanence des dizaines, des centaines parfois des milliers de papier dans les différentes revues. Et puis aussi la littérature grise entre guillemets. Il est très difficile pour un praticien à l'hôpital, et a fortiori pour un professionnel de santé en ville, de savoir comment mettre à jour, quasiment en temps réel, les bonnes pratiques au vu des nouvelles études qui sortent. Sachant que toutes n'ont pas exactement le même niveau qu'en même de méthodologie et donc le même niveau de preuve. Et donc, par des algorithmes d'intelligence artificielle, mais par aussi une bio-curation, réalisée par des experts humains. C'est-à-dire que c'est vraiment la symbiose entre l'outil d’intelligence artificielle, mais toujours la validation, la vérification par de l'humain. Une équipe de bio-curation, comme ça, qui a permis en quasi temps réel, lors de la phase Covid de compiler l'intégralité de ce qui était publié et d'indiquer de façon extrêmement visuelle quel était le niveau de preuve et donc le degré d'intégration dans la pratique qui était recommandé pour telle ou telle publication. Et donc si on pose une question très particulière sur telle molécule ou tel standard de soins à appliquer. Bien, cet outil qu'on a appelé “Global evidence” ou “Meta evidence” dans le cadre du Covid, permet de façons extrêmement ergonomiques et facilitées pour celui qui pose la question d'avoir une réponse en temps réel, sans avoir lui-même à analyser toute la littérature, ce qui est physiquement impossible et demandent des compétences très particulières.

Quelles sont vos prochaines échéances importantes ?

Alors, à très court terme, comme beaucoup d'établissements, je crois. Notre échéance, elle va être de répondre à l'appel à projets, tiers-lieux d'expérimentation santé numérique. C'est une opportunité importante pour nous de valoriser ce qu'on a déjà commencé à faire avec notre Living Lab platine, auquel je faisais référence tout à l'heure, sur l'innovation numérique. Et c'est l'occasion aussi de nous aider à compléter nos équipes avec des expertises, très particulières, dont on a besoin lorsqu'on fait de l'innovation, telle qu’on la développe. C'est-à-dire aussi de la facilitation du design, de l'aide à l'émergence. Et puis des renforts très concrets sur la méthodologie de l'économie de la santé, des ingénieurs informatiques et des ingénieurs biomédicaux, mais avec cet état d'esprit innovation, qui est quand même une certaine spécificité. Donc ça, c'est notre actualité à très court terme.

Nos objectifs forts pour l'année à venir, l'année 2022/2023, ce sont des objectifs de communication interne, d'animation de notre communauté, en fait. On a lancé un programme de webinaire mensuel. On veut mettre en place un système de formation pour nos porteurs de projets. Parce qu’en fait, on est vraiment dans une démarche d'intrapreneuriat, de repérer des gens qui ont envie de porter des projets innovants et de les aider en leur apportant des compétences spécifiques et pas seulement des financements, mais aussi des compétences. Donc la mise en place de ce projet de formation, c'est une de nos priorités, en partenariat avec des grandes écoles.

Un autre axe prioritaire, c'est de faire se rapprocher et de potentialiser, innovation et RSE (responsabilité sociale des entreprises). C'est pour nous un axe important. Donc, comment mettre plus d’innovation dans les RSE et plus de RSE dans l’innovation, avec aussi l’état d’esprit un peu “low-tech”. Puisque comme pour nous, l'innovation en tant que levier managérial est très importante, donc on n'est pas que dans de la très haute technologie, on est aussi dans l'innovation managériale, “low-tech”, en lien aussi avec tout ce qui est santé populationnelle, innovation et handicap. On a déjà lancé l'année dernière un premier appel à projets avec la métropole de Lyon sur l'innovation et handicap et continuer sur ce côté RSE, “low-tech”, c’est important.

Et puis, toujours dans l'idée de l'innovation managériale. On souhaite nouer des partenariats avec des grandes écoles, à la fois pour la formation de nos professionnels et pour la mise en place de conférences inspirantes. Ce sont des choses qu'on souhaite approfondir à court et moyen terme.

Un autre objectif forcément, qu'on poursuit à court, moyen et long terme, c'est d'approfondir les partenariats stratégiques qu'on a déjà avec des partenaires privés qui soit industriels, gros industriels, startups ou parfois aussi avec des partenaires comme le pôle de compétitivité, notre SATT ou les collectivités locales, donc approfondir ce qui existe déjà. Et puis nouer de nouveaux partenariats, ça bien entendu, ça fait aussi partie de nos objectifs de court, moyen et long terme.

Selon vous, quels sont les facteurs clés de succès ?

Alors les facteurs clés de succès ? Le soutien de la direction générale ! En premier, sans aucun doute. Le soutien de la direction générale qui vraiment donne l'impulsion, la stratégie, le cadre dans lequel ensuite nous, on exerce. Mais cette vision de l'innovation comme changement culturel en fait, la diffusion d'une culture de l'innovation. Ça, je pense que c'est à la fois ce qui fait qu'on peut travailler dans de bonnes conditions, être compréhensibles et lisibles, vis-à-vis de tous nos partenaires internes et externes. Et je dirais qu’au-delà de ce soutien qui pourrait être un soutien, en disant faites-moi de l'innovation et dans un an, je veux trois licornes. Nous, on a la chance que d'avoir un soutien de la direction générale qui ne méconnaît pas la dimension culturelle, et donc temps long de notre action. Donc, qui ne nous a pas demandé de sortir avant tout des projets, bien sûr des projets, il y en avait plein, les gens avaient envie. Mais qui nous a demandé de mettre en place les outils qui permettent de structurer dans le temps long pour que ce ne soit pas quelque chose comme ça qui fait mode, “startups nation”, etc., et qui fait pschitt ! On est sur un appel à projets, où les gens peuvent déposer en permanence et où deux fois par an, on choisit des lauréats et on les accompagne dans le temps. On se positionne dans une perspective de temps long, de diffusion de culture, d'accompagnement, de création d'une communauté des intrapreneurs, des innovateurs internes et de communautés aussi avec notre écosystème. Donc soutien du DG et inscription dans le temps long.

On en parlait tout à l'heure, le fait de tout de suite faire avec l'écosystème, de faire avec l'externe. Ça pouvait être un petit peu stressant au départ. Puisque comme je le disais, en interne, on n'avait pas encore aligné absolument tout le monde, mais au contraire ça a contribué à faire comprendre, y compris en interne, que c'était une forte attente de l'externe et faire comprendre à l'externe un petit peu les dynamiques à l'œuvre en interne. Donc, ce travail de traducteur, interprète entre interne/externe, et de mettre en place la membrane qui permet l'osmose entre interne et externe. Ça, c'est quelque chose qu'il faut intégrer tout de suite. On ne peut pas faire de l'innovation tout seul dans nos CHU, mais on ne peut pas non plus faire de l'innovation qu'avec des startups sans embarquer l'interne. Parce qu'à un moment donné, ça va se voir que les dynamiques ne sont pas du tout intégrées l'une à l'autre. Donc je dirais que ce sont, vraiment, les trois facteurs clés de succès pour notre démarche à ce stade.

Et puis aussi le droit de se tromper et puis une certaine humilité. On s'est lancé véritablement depuis un an, donc on n'a pas encore eu beaucoup, beaucoup de cycles qui nous permettent de faire le retour d'expérience et d'améliorer nos outils. Et donc on apprend en marchant, mais dans un état d'esprit qui est très collaboratif. Donc ça, c'est vraiment, globalement, l'état d'esprit sans lequel ça ne peut pas se faire. On ne peut pas piloter ce genre de démarche en disant que dès le début, on doit avoir imaginé le schéma cible qui va être parfait tout de suite et qu'on ne se lance pas tant que l'on n'a pas le schéma parfait. Il faut accepter de faire évoluer le cercle des partenaires en permanence, les outils en permanence, la façon de communiquer en permanence. Tout bouge tout le temps. Ça fait partie du jeu.

Si vous deviez recommencer, que feriez-vous différemment ?

Le Covid a été, à la fois, un facteur accélérateur et frénateur de tout ça. Je pense que cette séparation de la recherche et l'innovation, même si ce n’est pas le seul ingrédient, c'est quelque chose qu'on voulait faire et qu'on avait annoncé en janvier 2020. Donc vous voyez que vraiment le timing était parfait. Peut-être que si on pouvait refaire les choses, on l'aurait fait plutôt. Mais, à l'époque, on imaginait une séparation et puis une montée en charge de l'innovation beaucoup plus progressive. On assumait peut-être un peu moins. Je pense que finalement, à l'arrivée, de notre directeur général actuel et le Covid qui a tellement tout modifié de nos perceptions et de l'absolu nécessité d'organiser l'agilité. Ce sont des choses qui nous ont permis, quand on s'est lancé finalement de le faire de façon beaucoup plus décomplexée et beaucoup plus ambitieuse.

Réponse un petit peu ambivalente, c'est-à-dire si on l'avait fait avant, elle ne l'aurait pas fait comme ça. Donc, finalement, peut-être que je ne changerai rien.

Selon vous, pourquoi est-il nécessaire d'organiser le management de l'innovation ?

Je dirais que le meilleur argument, c'est que non seulement, on en a absolument besoin. Ça, j'en suis persuadé en termes avant tout d'attractivité, de motivation, mais les gens en ont envie. Ma perception à ce jour, c'est qu'on ouvre un nouveau champ qui est motivant, qui permet aux gens... Alors qu’on le sait, la situation est particulièrement difficile dans les hôpitaux. C'était déjà le cas il y a plusieurs années, mais depuis deux ans, ça, c'est quand même acutisé. D'une certaine façon l'innovation, ce n'est pas la cerise sur le gâteau qu'on fait part de son boulot. C'est certes quelque chose qui peut nous sortir de notre quotidien, mais c'est quelque chose qui infuse dans le quotidien et donc c'est pour ça qu'on en a, à la fois, besoin et envie. Ce serait pour moi la raison pour laquelle on l'a fait. Et un an après qu'on se soit lancé, aucun des témoignages retour que j'ai des porteurs de projets de notre écosystème ou des gens en interne, ne m'amène à penser que notre intuition était mauvaise. Au contraire.

Personnellement, qu'est-ce que cette aventure vous apporte ?

C'est, je pense, une des aventures les plus stimulantes de ma carrière. D'une part, parce que ça me permet de rencontrer des personnes, des profils, des entités, avec lesquels, en tant que directeur d'hôpital en général, on a peu d'interaction. Donc ça ouvre vraiment un champ complètement différent. Celui de l'innovation, du design, de l'entrepreneuriat, des collectivités locales, mais sous un autre angle. Donc ça, c'est assez fascinant, assez passionnant, même si au départ, on ne comprend rien, mais bon, on finit par s'y mettre.

Je dirais aussi que c'est quelque chose de très motivant, de pouvoir à rebours de ce qu'ont connu la plupart des établissements, notamment les HCL pendant une petite dizaine d'années. On était quand même beaucoup dans des réductions de lits, réduction de budgets, réduction de personnel. Là, c'est une façon non seulement d'accroître l'activité, bien sûr, mais c'est une activité qui n'est pas hors-sol. C'est une activité qui est là pour résoudre des problèmes jusqu'à présent non couverts. Répondre à des besoins non couverts. Donc, on part vraiment des besoins des professionnels. Et c'est aussi une thématique sur laquelle on peut beaucoup embarquer les patients. Et le partenariat patient, c'est quelque chose d'important pour notre établissement, c'est important pour moi à titre personnel. Donc, dans la constellation de profils qu'on peut embarquer dans les démarches d'innovation, il y a vraiment, partir des besoins des professionnels, partir des besoins des patients et essayer de les résoudre en ayant le droit de tâtonner. Ça change quand même assez profondément de la vision assez traditionnelle, où soit c'est prévu par un texte, soit ce n'est pas prévu. Où on est dans des structures beaucoup plus pyramidales. Avec plutôt des objectifs où la valeur créée est avant tout une valeur financière. Là, on peut être sur des créations de valeurs qui sont éthiques, organisationnelles, managériales, création de sens, bien sûr en réponse à des besoins et création de valeur économique, ce n'est pas un gros mot, au contraire.

Donc, c'est cet élargissement des partenaires et voir la création de valeur de façon pluridimensionnelle que je trouve particulièrement stimulants dans cette aventure.