En plus du modèle de direction innovation proposé dans le Guide, Hospi'Up donne la parole aux acteurs de l'innovation en santé. Au travers des Entretiens Hospi'Up, explorez d'autres modèles d'organisations hospitalières dédiées au management de l'innovation et découvrez le point de vue d'acteurs économiques travaillant auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux.
Nicolas Castoldi et Nina Rognon partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent le programme @Hôtel-Dieu et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Bonjour Nicolas Castoldi, je suis directeur délégué auprès du directeur général de l’AP-HP et je pilote le projet @Hôtel-Dieu, ici à l'Hôtel-Dieu, dont la vocation principale est, on va dire, d'accélérer le tournant du soin digital dans les établissements de santé et en essayant de croiser, autant que faire se peut, trois mondes qui ont besoin de se parler. Celui du soin, celui de la recherche et celui de l'innovation. Et je fais ça parce que moi-même dans mon propre parcours, je viens des sciences humaines et sociales, je suis toujours haut fonctionnaire et j'ai beaucoup travaillé dans le secteur de la recherche. Aujourd'hui, j'essaie de faire ce communiqué 3 dimensions qui ont chacune leur logique, chacune leurs intérêts, chacune leurs forces et qui ont, je pense, beaucoup de choses à faire ensemble.
Alors en fait, c'est une très bonne question. C'est une très bonne question, c'est une question très compliquée aussi. Pour moi, l'innovation, c'est la ligne de frontière où on arrive à faire différemment des choses qu'on n'arrivait pas à faire jusqu'ici. Autrement dit, j'ai une approche très pragmatique de l'innovation. Je ne la définis pas par le transfert de technologie, je ne la définis pas par la propriété intellectuelle ou industrielle. Je la définis par le fait d'être capable, à un moment d'avoir un résultat, qu'on n'avait pas jusqu'ici. De l'avoir, parce qu'on a su mobiliser des technologies de rupture, de l'intelligence artificielle, des technologies numériques, des technologies physiques ou biologique, mais aussi quand on est capable de construire des modes d'organisation différents qui permettent à la fin d'avoir des prises en charge différentes. Je pense que c'est important d'avoir une définition large de la notion d'innovation, mais il ne faut pas se perdre au passage. Le risque qui vient immédiatement, c'est celui qui consiste à diluer la notion ou à mettre l'innovation sur tout. Donc à la fin des fins, la vraie question, c'est la transformation et c'est l'impact. Donc je définirai l'innovation par son résultat.
Par définition, innover, c'est faire autrement qu'on faisait qu'on pouvait faire jusque-là. Donc la question du management, de l'innovation, c'est comment on rend possible l'émergence de pratiques nouvelles. Et ça, ça suppose pour moi deux ou trois choses. D'abord de la liberté, c’est-à-dire, s'autoriser à réfléchir, imaginer, faire différemment. Ensuite, du cadre, c’est-à-dire, qu'il faut en gros une fois qu'on a commencé à agiter des idées, essayer de les inscrire dans un univers, un environnement, des objectifs, enfin bref, définir progressivement un espace dans lequel on va essayer de faire les choses différemment.
Du coup, le d'animation, ça suppose de croiser trois choses. Cette liberté, en la donnant à ceux qui vont innover. Cette capacité à construire un cadre, une fois que l’ébullition initiale a eu lieu. Et puis être capable d'assurer, dans ce cadre, ou dans cet environnement-là, le dialogue entre les différents univers, les différentes expertises, différentes préoccupations qui permettent d'atteindre une forme d'état stable.
En fait la naissance de @Hôtel-Dieu, c’est des séries de constat. Le premier constat, c'est la démultiplication des interactions entre les services de soins à l’AP-HP et des startups. C'est un constat qui s'est imposé, qui était une forme d’évidence. Deuxième constat, c'est que, malgré cette multiplicité de liens, on avait beaucoup de mal à travailler efficacement ensemble. Et pourquoi ? Parce qu'on fait, on avait tendance à mélanger les enjeux, mélanger les dimensions. Typiquement, en permanence, la question de co-développement, de la mise au point des innovations, la mise au point des technologies était une question qui était mêlée de préoccupations immédiates d'achats, de vente, de déploiement. Donc on avait quelque part une forme de confusion permanente et on avait besoin de séparer les choses, et de créer à l’AP-HP un espace, dont la vocation principale, et même unique, est d'être dans une logique d'innovation partagée, d'innovation ouverte avec une forme de relation nouvelle entre l'hôpital, les acteurs hospitaliers, les médecins, les soignants, les cadres administratifs et puis les startups et l'innovation.
Donc, on a créé cet espace-là, et on l'a mis en place. On a mis en place en se disant qu’il se passait quelque chose au-delà, du foisonnement, au-delà des difficultés. Que ce quelque chose, c'était une place croissante des technologies digitales dans le quotidien du soin, pas simplement sur la partie administrative des parcours, pas simplement sur la prise de rendez-vous, pas simplement sur des étapes initiales, administrative, l'enregistrement d'un patient. On commençait à voir le soin se transformer à l'épreuve de l'arrivée des technologies digitales. Et on a eu le sentiment qu'il ne fallait pas simplement construire de nouvelles manières de travailler ensemble, mais que la question derrière ça, c'était quel modèle on est en train de construire. C'est-à-dire à quoi ressemble soin, à quoi ressemblent les relations entre acteurs publics, acteurs privés, dans un univers où il y a des startups, qui propose des solutions de suivi à distance de patients dans un univers où les objets connectés collectent des data sur les patients eux-mêmes, dans un univers où, dans plein de registres différents, on est en train de voir arriver des choses que l’on n'avait pas vraiment anticipé.
Et notre sentiment, c'est qu'il faut donc pas simplement travailler ensemble, il faut aussi réfléchir ensemble à ce qu'on est en train de construire. La santé numérique, c'est aussi une forme de puzzle. Et le problème des puzzles, c'est que chaque pièce se pense indépendamment des autres. Une des vocations de @Hôtel-Dieu, c'est aussi créer un espace où l’on peut réfléchir ensemble à quoi ressemble l'univers et le soin qu'on construit. Le réfléchir ensemble, ça veut dire en écoutant ce que les uns et les autres ont à dire. Ça veut dire en disant que chacun a une forme de place dans cette équation. Mais on a besoin, je crois, de construire cette vision commune et partagée. Et qui n’est pas simplement une vision de l’AP-HP ou des startups qui travaillent avec l’AP-HP. @Hôtel-Dieu, c'est un environnement ouvert, ouvert sur les universités franciliennes, ouvert sur le monde d'innovation, ouvert aussi, à toute la diversité des établissements de santé. On a à cœur d'assumer jusqu'au bout cette dimension d'ouverture qui paraît centrale.
Je pense que, comme beaucoup de choses, le projet @Hôtel-Dieu est un enfant de la crise. C'est un enfant de la crise, parce que..., enfin, il y a un élément de contraste qui est assez important. Donc, si je devais raconter l'histoire, il y a peut-être deux ou trois étapes. La première, c'est qu’il y avait eu ici à l'Hôtel-Dieu, en 2017, un projet d'institut hospitalo-universitaire qui était porté par le professeur Philippe Ravaud, qui est aujourd'hui le directeur scientifique de @Hôtel-Dieu. Et ce projet était un projet qui justement anticipait ces questions de suivi à distance, de soin digital. Ce projet n'a pas été retenu. Il n'avait pas été retenu, y compris parce qu'il avait le sentiment parmi un certain nombre de personnes, que ces questions-là étaient encore des questions très lointaines. Que ce n'était pas important et qu'elles se poserait plus tard, première chose.
Deuxième chose, qui a fait contraste avec une expérience qui s'est imposée à nous dans la crise, à savoir le recours massif aux technologies numériques pour gérer une situation où l'hôpital n’était plus capable d'absorber les patients qui suivent en temps normal, où par ailleurs les médecins de ville et l'ensemble des médecins avaient besoin de pouvoir suivre des patients en dehors de l'environnement physique. Donc on a vu l'essor bien connu la téléconsultation. On a vu aussi l'explosion de suivi à distance. À l’AP-HP ou en Île-de-France, ça s'est traduit par COVIDOM qui a été construit et portée par l’AP-HP, l’URPS Île-de-France avec le soutien de l’ARS. Le succès de COVIDOM, c'est une très belle démonstration du fait que vous pouvez suivre des centaines de milliers de patients avec une application assez simple. Et donc la santé numérique ou la santé connectée ou le soin digital, ce n'est pas un petit sujet localisé, ponctuelle, c'est une transformation globale. En-tout-cas, c'est un sujet global très large.
Donc le contraste entre les deux, nous a conduits, sous l'impulsion de Martin Hirsch et avec Philippe Ravaud, à nous dire que c'était le moment, sans doute, de réinventer le projet d'IHU qui avait été construit ici et de le penser différemment. De le penser différemment, notamment en le tournant très fortement vers des startups, parce que le constat qu'on faisait tous ces contretemps, l'offre économique avait commencé à exploser. COVDOM, on l'a fait avec Nouvéal. On a vu qu’il y avait maintenant des acteurs économiques qui étaient capables de ne pas simplement réfléchir à ce qu'on allait faire, mais de le faire. Et donc on a, je pense, apporté une tonalité un peu nouvelle, qui était de faire de ce sujet-là, non plus seulement un sujet de recherche ou un sujet de soins, mais d’en faire très clairement un sujet d'innovation.
Je ne suis pas sûr qu'il y a vraiment eu de décision de créer @Hôtel-Dieu. En fait, @Hôtel-Dieu, c'est né d'abord de discussion entre Philippe et moi-même, sous l'impulsion de Martin Hirsch. Et ensuite @Hôtel-Dieu, ce n'est pas construit comme un projet de l’AP-HP. Ça s'est construit comme un projet partenarial de 3 grands acteurs. L’AP-HP, bien sûr. L'université Paris Cité, qui apporte au projet, dans son ensemble, une vision recherche qui est d'abord une vision de réflexion sur les systèmes, de réflexion sur le passage à l'échelle, de réflexion sur, justement, ce que veut dire ce soin digital. Et puis un troisième type d'acteurs, qui sont les startups. @Hôtel-Dieu c'est monté d'abord avec cinq startups Française Lifen, Nouvéal, Withings, Implicity et Nabla. Autour d'une vision partagée du type de partenariat qu'on avait besoin et des types d'objets autour desquels on voulait travailler. Donc c’est né comme un projet au croisement du monde académique, du monde du soin et du monde économique ou du monde des startups. Et du coup, les interrogations qui ont pu exister étaient plutôt les interrogations qui tenaient à l'émergence de ce type de partenariat original plutôt qu'au point de savoir si l'innovation était un sujet d'importance ou pas. L’AP-HP faisait déjà un certain nombre de choses en matière d'innovation. Le Hub innovation était en train de voir le jour, on était en train de se dire que globalement, on voulait construire des modalités d'interaction différentes.
L'originalité d’@Hôtel-Dieu, c'est d'avoir proposé d'emblée une méthode partenariale, en mode innovation ouverte et partagée au croisement de l'univers hospitalier et de l'univers des startups. Et ça, c’est ça force, c’est ça son originalité. Ça a pu surprendre, mais je crois que tout le monde voit assez bien que dans un univers où il y a une offre économique, qui est là, qui sollicite des services, qui vient interroger les médecins, les soignants, d'un côté. Et de l'autre, on a un hôpital qui lui-même, s'interroge sur la bonne manière de se digitaliser. Il est sans doute infiniment plus intelligent d'avoir ensemble des discussions en amont sur ce à quoi ressemble ce qu'on a besoin, sur la vision médicale sous-jacente, sur toutes les conditions d'intégration d'une solution numérique porté par un acteur privé à un environnement public. Tout ça, il vaut mieux qu'on le discute avant. De même qu'il vaut mieux qu’on fasse ensemble l'évaluation de l'impact réel des technologies. Plutôt que de continuer dans la voie qui était la voie habituelle, qui étaient des startups qui continuaient à développer des solutions. Et puis une épreuve du marché qui était celle de la réussite d'échecs, ou de demi-succès, ou de demi-échec.
Donc ce pari-là, je trouve, somme toute, qu'il a un peu surpris, mais qu'il a été assez vite bien accueilli parce qu'il répondait à une forme de besoins du moment.
Alors il faut bien reconnaître, qu'une partie de l'esprit même de l'initiative @Hôtel-Dieu est quelque chose qui est assez dérivés de choses qui se pratique dans des champs de recherche académique autres. Notamment, une des choses que j'avais à l'esprit, c'était la pratique des unités mixtes de recherche industrielle qui existe entre certains grands organismes de recherche et certains grands industriels. Et puis tout l'exemple des laboratoires communs, qui avait fleuri quelque part autour des années 2010, dans le secteur de la recherche. Et moi, ce que j'ai retenu de ces pratiques-là, que j'avais connu à l'époque où je travaillais sur les questions d'innovation et de valorisation au CNRS. C’était que ces structures étaient puissantes, parce qu’elles étaient finalement assez saines. À la fois, chacun savait assez clairement ce qu'ils venaient chercher dans le partenariat. Et du coup, on avait un vrai partenariat où les deux parties prenantes, ou plus, se sentaient comme chez elles dans la structure. Et je trouve que c'est un modèle intéressant et que c'est un modèle qui, si on prend ses principes, est un modèle qui mérite d'être transposé ailleurs.
Et donc pour moi, un de nos objectifs, c'est de faire en sorte à la fois que chacun soit très au clair sur son rôle, de ne pas confondre les choses, de ne pas laisser penser qu'on fera des choses qu'on ne fera pas, bref d'être clair. Et puis en même temps, d'arriver à créer un espace collaboratif où chacun se sent chez soi. En-tout-cas, chacun a le sentiment qu'il est à sa place, qu'il y a de l'espace pour lui et qu'on est dans quelque chose qui est profondément partenarial. C’est cet esprit-là qu'on a essayé de conserver. Et c'est ça qu'on essaie de construire à l’Hôtel-Dieu, en se disant que cet hôpital, qui vous voyez juste un endroit absolument merveilleux, qui est aussi un hôpital, qui se transforme et qui se réinvente. C'est un espace, c'est aussi un espace, parce que c'est un hôpital, ça restera un hôpital, très largement tourné vers le soin. Mais c'est aussi un espace, où on doit être capable, y compris parce qu'on est le plus grand CHU français, le plus grand CHU d'Europe, et que ça, il y a aussi des responsabilités qui vont avec ça. On doit être capable de travailler avec d'autres acteurs, qui ont d'autres agendas, d'autres préoccupations, académique, pas académique, privé, pas privé et on doit pouvoir travailler sainement et paisiblement. Ce sont un peu les objectifs qui sont les nôtres. Et c'est ce modèle-là qu'on essaie de construire jour après jour.
C'est une question importante. C'est une question, sur laquelle, moi, j'ai progressivement changé de regard. J'ai changé de regard parce que j'ai changé d'univers. Quand je m'occupais de la valorisation au CNRS, par définition, j'avais le sentiment que l'innovation se définissait d'abord par une dynamique de transfert de technologies, à la fois de ruptures et peu matures, qu'on allait amener progressivement à un stade de développement qui leur permettrait d'être utilisées massivement dans un certain nombre d’endroits. Et, j'avais le sentiment que l'essentiel de l'innovation se définissait par la technologie, par la rupture, par la propriété intellectuelle et donc par la science ou par la recherche. La recherche, parfois même, la plus à mon possible. Aujourd'hui, après deux années passées au quotidien à l'AP-HP, passées dans le monde hospitalier et passées à discuter avec de très nombreux partenaires publics et privés. J'ai un peu changé de regard, pour deux raisons.
La première, d'abord, j'ai mesuré à quel point la question de la capacité de se mesurer à l'usage, aux usagers, aux bénéficiers finaux, aux clients finaux, quelle que soit la formule qu’on utilise, elles sont souvent assez similaires. Mais, en-tout-cas, se confronter aux besoins et ceux qui, dans les systèmes de soins, vont utiliser ces technologies au bénéfice des patients. À quel point ça, c'est crucial, c'est central. À quel point il y a la une intelligence et une valeur absolument considérable. C'est mon premier point.
Puis mon deuxième point, c'est que j'ai aussi mieux compris à quel point il y a en matière d'innovation des choses qui sont plus ou moins technologique, plus ou moins disruptives. Et j'ai le sentiment qu'il y a un nombre considérable de choses à faire, qui ne sont pas forcément très technologique. En-tout-cas, qui n'appelle pas une intensité technologique, l'intensité scientifique extraordinaire. Qui, après son compliqué à faire parce que ça pose beaucoup de questions d'usage, beaucoup de questions de déploiement, beaucoup de questions de qualité, d'expérience, de qualité de produits, de fluidité et que ces choses ne sont pas très scientifiques. Mais en revanche, ont un impact, une capacité à transformer le soin, le quotidien des soignants, le quotidien des patients d'une manière assez extraordinaire.
Donc, mon sentiment après deux ans, c'est de se dire qu'effectivement, on ferait sans doute une erreur, et même une assez grave erreur, si on réduisait l'innovation a du transfert de recherche scientifique amont. Je pense que c'est une partie importante du sujet, mais que ce n'est qu'une partie du sujet.
Je pense qu'il y a trois objectifs cardinaux, qui sont vraiment majeurs. Le premier, c'est d'être capable de mener jusqu'au bout des projets à fort impact, en partenariat avec des startups. Et donc la première pierre de touche, c'est notamment notre capacité à aller jusqu'au bout du projet qu'on a mené avec les cinq startups de l’AMI santé numérique. Et allé jusqu'au bout, ça veut dire, non pas simplement faire des études cliniques, mais arriver à un stade de déploiement, en ayant fait la preuve de l'impact des solutions. C'est une première chose. Je dis ça parce qu'il y a aujourd'hui beaucoup de projets qui sont écosystémiques, qui définissent leur valeur par le fait qu'ils créent une place dans laquelle les gens peuvent se rencontrer. Moi, je pense qu'on a besoin aussi pas au lieu de, mais aussi, de projets et d'environnements portés par des acteurs publics. Et de projets d'environnements qui ont comme vocation de faire des choses et de les faire jusqu’au bout. Ça, c'est mon premier point.
Mon deuxième point, c'est que pour moi, l'une des valeurs de l'Hôtel-Dieu, en tout cas @Hôtel-Dieu, il y a des choses qui a une importance, c'est d'offrir à tous ceux qui au sein de l’AP-HP, notamment tous nos jeunes médecins, tous les soignants ont envie de travailler sur ces sujets-là, de leur offrir un endroit où ils peuvent venir discuter, écouter, questionner, échanger sur ces sujets. Cette place-là n'existait pas, elle commence à exister avec @Hôtel-Dieu. Je pense que c'est un point important et pour moi, ça fait partie des éléments d'impact qui centraux.
Puis on a un troisième. Le troisième, c'est la contribution effective à la réflexion e au travail autour du nouveau modèle de soins qu'on doit construire autour des technologies numériques.
Si j'essaie de me poser deux secondes sur ces trois objectifs, on a plutôt pas mal avancé sur la partie projet. On a plutôt pas mal avancé sur la partie, dynamique collective le sujet de la structuration de ces modèles et modèle économique, modèle juridique, vision globale. C'est un peu le sujet qui est devant nous. C'est celui sur lequel on va essayer de pousser un peu les feux dans les mois qui viennent.
Alors, il y a eu plusieurs choix structurants qui ont été faits. Le premier, c'est à la fois de s'ancrer dans un environnement. Donc c'est celui de l'Hôtel-Dieu. Pourquoi l'Hôtel-Dieu ? Parce que c'était un hôpital central, qui a une place particulière dans l'histoire de l'AP-HP, dans l'histoire de la médecine française. Qui est en train de se transformer, où on était en train d'installer un incubateur avec Bio-Labs. Et donc on s'est dit que cette place centrale, cette maison, qui est aussi une mémoire de l'innovation dans le soin depuis des décennies, et même des siècles, pouvait être ce point, ce lieu de référence. En ayant conscience aussi du fait qu’il faille avoir des politiques de transformation globale. Bien sûr qu'il y a un sujet global de l’innovation à l’AP-HP, qui est traité par ailleurs. Donc, si on voulait essayer de pouvoir tester des choses différentes, si vous voulez essayer de pouvoir construire des modèles de partenariats différents. Il fallait pouvoir le faire à un endroit. Il fallait pouvoir se dire qu'on avait une zone, un espace dynamique. Ça, c'est un premier choix qui a été fait.
Le deuxième choix qui a été fait aussi, c'est porter ça en relation très forte avec la direction générale de l’AP-HP, parce qu'on a tous conscience que ces questions de changement de modèles, ces questions de transformations de la relation aux acteurs privés, sont des questions délicates. Ce sont des questions sensibles, sur lesquelles il faut pouvoir avoir, non seulement, tout le soutien institutionnel, mais aussi tout le recul institutionnel pour être capable de construire des choses qui fonctionnent et qui aient du sens.
On a fait ces deux choix-là. À la fois d'ancrer les questions d'innovation ouverte dans un site, de l’ancrer en l'ouvrant. Aujourd'hui, on travaille justement à créer des connexions structurées entre Hôtel-Dieu et puis d'autres services, d'autres hôpitaux un peu partout dans l'AP-HP. En ayant ici un site ouvert, qui a un peu vocation à être la tête de pont, pour le dire comme ça. Et puis un engagement fort de la direction générale parce que c'est un projet stratégique. Et qui dit projet stratégique, dit portage par la direction de l'établissement, ce qui est évidemment essentiel.
Je pense que les établissements de santé ont une place absolument centrale. Et qu’ils ont effectivement une place centrale dans leurs écosystèmes, au milieu des acteurs économiques. Cette centralité même, et aussi ce qui parfois rend difficile d'assumer cette position. Si je prends l'exemple de l’AP-HP, mais je pense qu'on peut retrouver dans beaucoup d'établissements de santé publics, privés, de tailles très différentes. Vous avez aujourd'hui un niveau de sollicitation par les acteurs privés qui est impressionnant et ça ne va pas se calmer puisqu'il y a aujourd'hui des politiques publiques, très fortes, de soutien à la création d'entreprises, au développement d'entreprises. Donc on va voir se multiplier ces sollicitations. Donc je trouve qu'une des difficultés qui existent aujourd'hui pour l'hôpital, pour les hôpitaux, c'est d'arriver à jouer ce rôle central sans se laisser déborder par ce rôle. Et donc ça, ça veut dire une chose, ça veut dire qu'à la fois il faut réfléchir à des stratégies ouvertes. Ça veut dire être capable d'identifier les fonctions clé, en-tout-cas ce qui ne peut pas avoir lieu s'il n'y a pas de partenariat avec l’hôpital. J’en vois basiquement trois, qui sont :
Donc ses fonctions-là, il faut réfléchir dans un mode ouvert. Il faut se dire qu'elles sont clés pour des développements d'acteurs économiques. Ce qui a en retour un impact direct sur le soin, parce que ce sont des solutions qui in fine, seront utilisées par les services. Ce n'est pas une question, simplement d'impact économique. C'est une question d'impacts, in fine, sur les pratiques de soins et donc sur les patients. Voilà, donc il faut mesurer ses activités. Et puis il faut être capable du coup, de proposer ou de rendre ce service-là, mais le terme n'est pas bon. En-tout-cas, il faut être capable d'offrir cet accompagnement-là, à un nombre d'acteurs économiques, qu'à mon avis, il faut avoir sélectionné et choisir sur la base de besoin ou de priorités qui soient exprimées par la gouvernance et le terrain. Il y a plein de modalités possibles. Je pense qu'il faut choisir ses combats. Il faut les choisir sur des enjeux qu'on estime important. Et il faut essayer de conjoindre la qualité de relation et l’investissement stratégique.
Je pense que si on essaie simplement d'ouvrir les portes de l'hôpital, l’hôpital risque à un moment de ne pas tenir la promesse qu'il fait d'une part et d'autre part d'être débordés par le mouvement qui crée. Donc je pense qu'il faut avoir ce double courage-là de faire ce double mouvement.
C'est une bonne question, je pense qu'honnêtement, objectivement, avec deux années de recul, on ne peut pas constater grand-chose. Je pense en-tout-cas que ça... Je vois deux impacts, très positifs, à mon sens. Le premier, c'est que ça traduit aux yeux des uns et des autres. Le fait que ces questions-là étaient importantes, que l'innovation était un sujet central. Et ça a contribué, je pense, faire émerger, à faire s'exprimer un peu partout un ensemble de projets ou d'idées qui existaient, qui s'exprimaient par d'autres canaux, ça, je le constate quotidiennement. Je pense que c'est un effet très heureux et très positif. C'est vrai du côté des soignants, c'est vrai aussi des startups. Et puis aujourd'hui, du coup, le vrai défi pour nous, c'est d'arriver à voir comment on tient les engagements qu'on a pris, pas simplement avec un petit groupe de startups initiales, mais avec plus de startups.
Puis un deuxième effet, c'est, je pense que beaucoup de soignants étaient en attente, notamment les plus jeunes, mais pas simplement eux, étaient en attente de pouvoir avoir des échanges, un environnement dans lequel travailler sur ces sujets-là. Je crois que de la même manière, l'existence de l'initiative, ce qu'on a pu organiser ici, ce qu'on essaie de faire conduit un certain nombre de gens à venir nous voir. Ça, je pense que c'est la mesure la plus évidente de l'impact qu'on a déjà eu. Ce qui est devant nous maintenant, c'est de faire la preuve du fait que ça permet de transformer réellement, profondément et positivement des activités hospitalières, le soin, ce qui est fait pour le patient. C'est ce qui est devant nous parce qu'on est sur un projet qui dans son volet “projet partenarial”, avec cinq startups sur trois ans, donc plus gros est évidemment devant nous. Mais c'est ça notre enjeu direct et immédiat.
Je pense qu'il y a des choses sur lesquelles j’ai le sentiment d'être conforté dans l'expérience, sur certains choix. Puis je pense que l'expérience a aussi attiré mon attention sur des points que je n'avais pas forcément vus, ou pas assez vus, ou pas assez compris. Ce sur quoi, je me suis senti conforté, c'est à la fois, d'abord, le sentiment qu'il y a indiscutablement un moment et une envie collective de faire. Ça, c'est une évidence.
Je pensais aussi qu'il était possible de créer des dynamiques partenariales, ouverte et coopérative, avec des startups. Et je pense que l'expérience a montré que c'était effectivement possible. Aujourd'hui, qu’un certain nombre d'acteurs ont envie de participer à construire quelque chose de plus grand qu’eux, c'est vrai, et c’est aussi à ses propres à la santé, je pense. Il y a cette conscience-là, en-tout-cas chez une partie des startups et évidemment chez les soignants. Et puis, je pense aussi que le fait que l'espace hospitalier soit un environnement où l'environnement naturel, celui où ce genre de choses peuvent se faire et avoir du sens. Toutes ces choses-là ont été évidemment confortées.
Après, je vois encore deux grandes questions devant nous, qu’on a commencé à travailler. J'avais anticipé la place des études cliniques, mais je n'avais pas anticipé à quel point être capable de travailler avec des startups, des acteurs économiques, avec une orientation qui soit à la fois scientifique, intellectuelle et industrielle, était quelque chose qui allait appeler un investissement ou du temps, un temps un peu considérable et un investissement considérable. Et au passage, je pense qu'il est très clair que l'accès à la recherche clinique, fait partie, chacun le sait, c'est une banalité de le dire, mais fait partie des facteurs clé ou des éléments clé d'attractivité de l'univers hospitalier. Et ça reste évidemment un sujet délicat que d’être capable d'accueillir cette demande dans un univers qui est déjà très sollicitées par ailleurs, par les appels d'offres et par plein d’autres dynamiques. Cette question-là est assez centrale pour moi.
La deuxième, c'est mesurer ce qui est une évidence. Mais je pense qu'on a besoin de commencer à le faire, d'être capable de structurer des réseaux de soignants, de médecins qui soient non seulement, qui n'aient pas simplement envie de travailler ponctuellement avec telle ou telle startup, ou qui s’intéressent à tel ou tel sujet, mais qui soit dans un exercice collaboratif et prospectif. Je pense qu'on a besoin aujourd'hui dans un univers qui connaît de multiples transformations, c'est banal de le dire, d’être capable de construire la projection collective, y compris dans les champs technologiques, y compris dans le champ des changements de pratiques, y compris dans la réflexion sur ce à quoi ressemble un tel ou tel secteur du soin dans trois ans, dans cinq ans, dans dix ans. C'est vrai dans le champ chirurgical, c'est vrai dans le champ de l'imagerie, c'est vrai dans plein de dimensions d'activités médicales. J'ai le sentiment qu'aujourd'hui, et peut-être plus que je n'aurais imaginé, on n'a pas forcément de manière organisée de manière ouverte, de manière écrite aussi, en tout cas accessible à tous. On n’a pas travaillé ou mené jusqu'au bout cette réflexion. Donc ça, c'est quelque chose sur lesquelles je pense qu'on va essayer de travailler dans les semaines et dans les mois qui viennent, parce que je pense qu'on a collectivement besoin de pouvoir se projeter. Et ce n'est pas un besoin de projection, juste au sens d’y voir clair demain. C'est avoir une vision collective de ce à quoi ressemble dans plein de champs de spécialités et puis à l'hôpital, dans son ensemble, plein de mouvements, notamment technologiques, qui sont engagés. Je pense que faire ce travail-là, nous aidera collectivement au jour le jour, à y voir plus clair sur ce qu'on fait, avec qui et comment.
Je pense que les facteurs clés de succès, ils sont assez évidents. Mais ils sont importants et il ne faut pas passer à côté. Il faut un soutien institutionnel qui soit fort, c'est évident. Il faut un engagement. Pour moi, c'est un engagement de direction générale et ça doit être un axe stratégique aux yeux des établissements, premier point.
Deuxième point. Il y a un vrai sujet de leadership médical. Il faut pouvoir avoir un engagement d'un ou plusieurs médecins qui aient d'emblée une vision large. Je pense que ce ne sont pas uniquement des questions de transformation dans telle ou telle spécialité, dans tel ou tel champ. C'est de se dire qu'on est sur une dynamique globale. Et assumer le fait d'avoir, en-tout-cas, des ambitions et une vision qui sera forcément plus large que les projets eux-mêmes. Ça, c’est mon deuxième point
Puis le troisième, qui est un peu en contradiction avec le deuxième, mais qui vient le tempérer. C'est de dire qu'il faut pour moi, être capable de se concentrer d'abord sur un nombre limité de projets qui aient des impacts matériels et des impacts stratégiques qui soient clés et cruciaux.
Et puis, le quatrième point, c'est, je pense, qu'il faut accepter de dire que quand on monte un espace d'innovation, il faut créer quelque chose qui va fonctionner selon des règles un peu différentes, des règles habituelles. Il y a aujourd'hui plein d'expériences là-dessus, plein de choses à regarder dans l'univers du soin bien sûr et ailleurs. Je pense qu'il ne faut pas craindre d'aller regarder comment fonctionnent ces modèles partenariaux et coopératif. Je pense que c'est aussi de nature à rassurer tout le monde. Il y a une inquiétude latente qui existe. Des modèles de partenariats public-privé qui marchent, des choses qui soient saines, ça existe, ça existe même depuis des années. C'est intéressant pour tout le monde, je crois de s’en inspirer.
C'est une très bonne question. Je pense qu’en même temps qu’on lancerait un premier projet un peu structurant. Je pense qu'on lancerait d'emblée une démarche collective prospective. Pour, en quelque sorte, en être la contrepartie grand-angle. Je pense que ce besoin de prospective, donc ce besoin de se projeter, c’est quelque chose que j'avais un peu sous-estimé au début. Peut-être parce que j'imaginais aussi qu’il y avait plus de choses disponibles qu'en réalité. Je pense que j'essaierai d'avancer aussi vite en parallèle sur ce sujet que sur les autres sujets.
Je pense que le meilleur argument, c'est juste la liberté intellectuelle. Ce sont juste les effets sur les personnes. Moi, je suis très frappé de voir. En-tout-cas de mon point de vue ici, à l'AP-HP avec les gens avec qui je travaille, avec qui j'ai la chance de travailler. J'ai vraiment le sentiment que ça apporte quelque chose. Le terme de bouffée d'air frais, est un truc excessif, qui donne le sentiment que ce n'est pas ce qu'on veut dire, mais en réalité, c'est un peu de ça qu'il s'agit. J'ai vraiment le sentiment que c’est une dimension dans laquelle on peut faire des choses, de faire des choses différentes en se nourrissant de la recherche ou pas, mais en se nourrissant intellectuellement. Je trouve que c'est vraiment quelque chose qui a des effets catalyseurs, des effets même parfois libérateurs. En-tout-cas, ça donne un élan, ça donne de l'énergie. C'est important, je pense, dans un univers de soins qui est sous pression permanente, qui est confronté à de vraies difficultés, à une vraie crise, de pouvoir aussi avoir des espaces, des projets, des moments, des manières de fonctionner, qui soient des choses qui donnent de l'énergie, qui donnent du mouvement pour aller plus loin.
Je pense que le besoin d'accompagnement, il est double ou il est triple. D'abord, il y a une première chose qui est importante. En-tout-cas, moi, c'est ce que j'entends dans ce que me disent les médecins, dans ce que me disent les soignants. C'est qu'ils ont d'abord besoin d'entendre, de la part de leurs institutions que, ces activités d'innovation font partie à part entière des choses qu’ils peuvent faire. Quand je dis des choses qu’ils peuvent faire, je ne dis pas que tout médecin, que tout soignant a vocation à travailler avec une startup, à créer une startup, ce n’est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est que ça fait partie du champ des possibles, ça fait partie des choses qu'un acteur, qu’un soignant peut faire. Ça fait partie de ses missions, qu’il y a des cadres pour ça, que ce n'est pas problématique. Ce n'est pas une source d'interrogation, c'est quelque chose qui est possible. Et ça, je pense que c'est effectivement une décision institutionnelle que de dires ça. Il y a dans notre pays une loi qu'on appelle la loi Allègre, qui a été votée à la fin des années 90 et qui a une loi qui a organisé la création de startup par des agents publics dans le champ académique au sens large. C'est une loi qui s'applique à l'hôpital comme ailleurs, et c'est une loi qui a en quelque sorte ouvert la possibilité de faire un certain nombre de choses qui se font aujourd'hui. Donc la première chose, c'est juste de pouvoir tenir ce discours, de pouvoir rassurer chacun sur cela. Et on sait que dans le monde de la santé notamment, cette vague de création d'entreprise, d'accompagnement de la création d'entreprise est quelque chose qui a démarré plus tard, qui est parfois plus compliqué, y compris parce qu'il va de soi que les relations avec le secteur privé sont potentiellement plus sensibles, dans un univers qui est l’univers de la santé. Donc première chose, il faut cette décision.
La deuxième chose, c'est qu'il ne suffit pas de dire qu'on veut innover, qu’on veut travailler avec des entreprises pour arriver à faire. Je pense qu'il y a une très forte demande qui s'exprime parmi les soignants, en-tout-cas les soignants avec qui je travaille, qui est de l'intérêt pour ces questions. Et puis le sentiment qu'il faut être un peu épaulés. Il faut être un peu accompagné pour faire ça. Épaulé, accompagné parce que pour construire ou créer une startup ou pour construire un partenariat, ça ne va pas de soi. Et donc il y a plein de questions qui se posent juridique, économique, ce qui est possible, ce qui ne l'est pas, ce qui est souhaitable, ce qui ne l’est pas. Il y a plein de questions qui se posent. Et donc je crois qu'il y a une très forte demande qui est une demande d'accompagnement méthodologique, d'accompagnement juridique. Il y a besoin d'avoir à côté de soi des interlocuteurs. Et il y a besoin aussi d'avoir le sentiment que ses interlocuteurs, ils sont en sympathie avec l'objectif global, qu’ils sont là pour permettre à ce projet d'aller jusqu'au bout.
Après, je pense qu'il a besoin d'accompagnement aussi, c'est mon troisième point. Parce que ça reste des situations compliquées, ça reste des objets délicats. Ce n'est pas simple de fixer la ligne. Ce n'est pas simple de trouver les bons objets. Donc c'est un exercice qui pour moi ne se pratique pas en solitaire. Je pense que l'innovation solitaire, ça peut faire rêver. Ça aboutit parfois à de grands résultats, mais très souvent, c’est dysfonctionnel. Et donc je crois qu'il y a un vrai besoin de pouvoir inscrire toutes ces démarches dans un collectif.
Puis je finirai par un dernier point, qui nous ramène à la question du système ou de la vision globale. Il y a aujourd'hui un foisonnement d'initiatives, de startups, de produits. Il se passe clairement quelque chose. Ce qui est sur le plan économique et sur le plan sanitaire est plutôt une bonne nouvelle. Mais ça pose une question, qui est comment dans ce foisonnement-là, on arrive à construire des choses qui soient plus grandes ? Qui a du sens ? Qui a un modèle économique ? Qui n’ait pas déjà été fait vingt-trois fois ? Qui éventuellement créé une plus grande valeur ? Et ça, ça suppose aussi, en parallèle de tout l'accompagnement des innovateurs, de l'innovation, encore une fois, de construire une vision plus large. D'être capable de dire un médecin ou un soignant qui veut créer une entreprise, que le sujet, la question à laquelle il s'attaque, en un sens, elle semble avoir été réglée ou elle a déjà fait déjà l'objet d'un projet ou d'une entreprise qui marche très bien. Donc pouvoir lui dire que ce n'est pas forcément le bon sujet. De la même manière, c'est de pouvoir se poser la question de savoir si telle ou telle innovation a une chance quelconque un jour de rencontrer un marché. Une question évidente qui est souvent répétée, souvent abordée, mais qui a une question majeure et qui est d'autant plus une question majeure aujourd'hui qu’en matière de santé numérique, la barrière d'entrée est assez faible, assez peu élevé. Ce n'est pas très compliqué de développer un produit. En-tout-cas, un premier produit, ce n'est pas très compliqué d'essayer d'accès au marché. En-tout-cas, ça en donne le sentiment. Et ça aboutit aussi à ce qu'on voit aujourd'hui fleurir beaucoup de tout petits projets qui auront peu d'impact, qui n'ont pas de modèle économique et qui ont peu de chances d'aller jusqu'au bout. Et donc il faut aussi pouvoir être capable d'avoir cette discussion avec tous ceux qui veulent porter des projets. Parce que c'est la nécessaire réflexion préalable, elle ne doit pas être éternelle. Mais ça pose aussi du coup la question de la compétence, de l'expertise de tous ceux qui, de près ou de loin, accompagne ses projets.
Pour répondre à la question sans y répondre, je pense qu'aujourd'hui, on est devant un sujet d'amorçage, de nouveaux modèles de partenariat et de nouveaux modèles de soins. Que l'une des difficultés, c'est, pour le système hospitalier, d'être capable d'allouer de la ressource au démarrage d'une activité. Et dans un monde du soin qui est confronté à une équation financière n'est pas triviale. Faire ce choix est un choix difficile. Donc, de mon point de vue, il y a une vraie nécessité à être capables de donner accès à des enveloppes d'amorçage de ce type. C'est d'être capable de mettre une première série de moyens à disposition pour amorcer des dynamiques de partenariat. Parce que ça suppose de l'investissement humain. Ça suppose de l'investissement en compétences. Ça suppose le travail juridique, économique. Ça appelle beaucoup de ressources, beaucoup d'énergie et de compétences. Ce que je constate aujourd'hui, c'est qu'il y a à la fois beaucoup de lignes de crédit qui sont ouvertes, mais qu'elles sont toujours très tournées vers des logiques de projet très précis et d'autre part, deux quelles sont toujours dans la logique de cofinancement. Je pense qu'aujourd'hui ce système atteint ses limites. C'est-à-dire que si on veut pouvoir faire émerger de nouvelles dimensions d'activité, il faut être capable à un moment d'apporter des moyens initiaux d'amorçage qui fonctionne. Je pense aussi qu'il faut tirer les leçons des échecs rencontrés dans d'autres secteurs. Je l'ai déjà dit dans cet échange. Moi, j'ai eu la chance de beaucoup travailler dans le secteur de la recherche. J'ai connu la création des 14 SATT. J'ai connu le désordre que ça a pu semer, mais aussi tout ce que ça a apporté. Et j'ai aussi mesuré à quel point le fait d'avoir créé des structures de partenariats industriels, de valorisations en leur disant qu'elles devraient être autofinancées à horizon 10 ans, à intégralement déformé le système en faisant peser sur lui une obligation de retour économique immédiat qui n'était pas la bonne. Je suis convaincu que ces activités peuvent, en tout ou en partie, s'équilibrer, voir rapporter de l'argent à l'hôpital, spécialement à l'hôpital. Mais je pense qu'il faut être capable de faire cet amorçage initial.
Et puis je ferai un dernier commentaire. Je pense que si on veut être capable de prendre des virages technologiques assez profond. Si on veut être capables de redéfinir des pratiques dans des secteurs humains compliqués comme la santé. On a indiscutablement besoin d'avoir en accompagnement de toute la stratégie de transfert, d'accompagnement, de partenariat, d'évaluation, dans toutes les opérations, en accompagnement de ça, on a besoin d'avoir de la réflexion, du recul, de l'intelligence, de la structuration intellectuelle des sujets, de la vision systématique, de la vision d'ensemble. Et ça, à ma connaissance, c'est la recherche et la recherche seulement qu'il aborde. Donc j'ai aussi une question qui est de dire aujourd'hui vous avez indiscutablement une très grande attention des pouvoirs publics qui tourne sur les sujets de santé numérique. Je pense qu'on a aussi une question de recherche, de réflexion intellectuelle, de réflexion scientifique autour de ce tournant, autour de ce virage, autour de ces technologies. Et cette réflexion, ce n'est pas simplement financer de la recherche, et il en faut sur les générations à venir de solutions et de produits. C'est aussi financer la réflexion et le travail sur ce que dessine comme mon nouveau et comme question nouvelle, le mouvement qu'on voit aujourd'hui. Nous, on a fait le choix dans @Hôtel-Dieu d'avoir d'emblée une partie recherche portée par Philippe Ravaud. On a eu la chance, dans le cadre de la santé numérique, d'obtenir des financements, non pas seulement pour le co-développement, pour l'évaluation, mais aussi pour cette partie de recherche. Je dois dire que ça a été un point extrêmement positif de la discussion qu'on a pu avoir avec l'État et avec BPI. Je pense qu'on a collectivement besoin de ça. Je pense que cet effort-là, il faut qu'il accompagne celui qui est fait en termes de moyens humains, en termes de processus, en termes d'agilité contractuelle.
Elle apporte exactement ça. Ce qui est vrai pour les parties prenantes diverses et variées est aussi vrai que pour moi qui suis une partie prenante. Je pense qu'avoir la chance de pouvoir bâtir un projet d'innovation, un peu structurant, dans un environnement aussi magnifique que celui-ci, parce que c'est un lieu majeur, il est central, c'est quelque chose qui est extrêmement épanouissant, extrêmement nourrissant, extrêmement libérateur. Voilà, c'est un plaisir.
Il y a plein de choses très compliqué tout le temps, mais la démarche d'ensemble. Cette idée qu'on essaie de construire ici quelque chose d'un peu différent, qu'on n'a pas forcément vu ailleurs. Cette idée qu'on essaie ici aussi d'avoir une forme de relation entre université, hôpital qui est un peu différent de ce qu’on voit ailleurs. Cette idée aussi qu'on a besoin au même titre de la recherche, du soin, des startups. Qu'on est capable de monter des projets communs. Qu’on est capable d'essayer de faire des choses qui n'ont pas forcément été faites, ou pas comme ça. C'est quelque chose que je trouve, moi, qui est extrêmement enrichissant, extrêmement plaisant. C'est un bonheur.
Je ne sais pas si les principaux verrous sont législatifs. La réponse est sans doute oui. C'est-à-dire qu'il y a toujours des verrous législatifs ou réglementaires, parce que les textes sont adaptés à un état du monde, que le monde change, et quand le monde change, il faut changer les textes.
Après, pour moi, les principaux verrous, ils ne sont pas par nature réglementaire. Je pense que le principal sujet, enfin il y a deux sujets. Le premier, c'est d'être capable d'organiser réellement des expérimentations. Autrement dit, de s'appuyer sur un certain nombre de projets, de lieux partout en France, parce qu'encore une fois, il n'y a pas que l’AP-HP. Voilà, il y a un nombre considérable de projets et avec la FHF vous les voyez les uns et les autres. Il y a aujourd'hui beaucoup de choses qui se passent, dans beaucoup d'endroits, il se fait des choses intéressantes. Et je trouve que ces projets, il faudrait les voir, aussi, comme des laboratoires de ce qui vient et du coup des adaptations que ça appelle. Et ça, pour le coup, c'est mon deuxième point, ce n'est pas une démarche à laquelle on est habitué en France. Être capable de suivre ce qui se passe sur le terrain, d'anticiper les conséquences de tout ça. Éventuellement de construire avec les acteurs dans leur diversité, les besoins d'adaptations réglementaires ou législatives. C'est quelque chose qui n'est pas beaucoup dans notre tempérament, pas beaucoup dans notre culture politique. Je pense qu'on aurait besoin de ça.
Moi, à titre personnel en tout cas, j'aimerais qu'ici, on soit capable de contribuer à la réflexion sur l'adaptation des modèles, d'être capable d'anticiper les problèmes juridiques qu’il va y avoir. Être capable aussi de faire des propositions et de les faire pas simplement d'un point de vue, mais en alliant les différents points de vue. Je pense que ce serait une force pour tout le monde et ce qui est vrai ici, est vrai ici, est vrai ailleurs. On a vraiment besoin, je crois, de faire ce travail-là.
Et aussi cette conversion qui consiste à se dire que pour une partie, on attend, je pense, tous de l'État. Je pense que l'État peut répondre présent, d'être capable d'accompagner ce qui se passe à un certain nombre d’endroits, d'être capable en avance de phase, de comprendre ce que ça va appeler comme justement divers et variées.
Je m'appelle Nina Rognon, je suis directrice de projet innovation à l'AP-HP et je travaille plus particulièrement sur une initiative qui s'appelle @Hotel-Dieu. J'ai commencé dans la tech avant de me tourner vers la santé ce qui m'a permis d'évoluer dans des environnements très différents : start-up, gafam, industriel et maintenant l'hôpital public.
J'aime bien utiliser une méthode qu'un professeur m'avait appris à centrale, j'aime bien caractériser l'innovation par la matrice UMPC. U pour utilité une innovation, c'est quelque chose qui doit répondre à un besoin, qui a un cas d'usage, avec des utilisateurs derrière. N c'est pour la nouveauté : l'innovation ça peut être une solution, ça peut être une innovation incrémentale, une amélioration qu'on apporte à une solution existante ou ça peut être quelque chose de totalement nouveau sur ce marché donc une innovation de rupture. Le P c'est profitable : l'innovation c'est quelque chose qui a un marché et qui est profitable à la fois pour le client et l'entreprise ou l'organisation qui porte l'innovation. Et C c'est pour concept, c'est pour dire qu'une solution conceptuelle ou un prototype est concrètement réalisable, que la solution est efficace, efficiente. Une fois qu'on a dit ça, je trouve que c'est important aussi dans notre contexte de distinguer l'innovation de la recherche. La recherche c'est quelque chose qui est assez prégnant dans nos hôpitaux, dans notre milieu hospitalier. Je fais la distinction entre innovation et recherche : pour moi la recherche, c'est la création de connaissances ou l'application de connaissances au développement de nouvelles solutions donc ce qui est un peu différent de l'innovation, et puis dernière distinction que je trouve utile, c'est les différents types d'innovations qu'on rencontre dans notre environnement hospitalier. On a l'innovation clinique, thérapeutique, des nouvelles méthodes de séquencage par exemple, on a l'innovation technologique et numérique et puis il y a les innovations plus organisationnelles. Ca peut être tout à la fois, ça peut être deux de ces choses là ça peut être une seule d'entre elles.
Je travaille sur l'initiative qui s'appelle @Hotel-Dieu, qui est porté par l'AP-HP, CHU de la régio, Île-de-France et l'Université Paris Cité, qui a vocation à permettre à des soignants, des chercheurs et des startups de travailler ensemble différemment, au sein de l'Hôtel-Dieu, l'un des plus anciens hôpitaux français au pied de Notre-Dame de Paris. Le point de départ de ce qu'on fait sur @Hotel-Dieu c'est la révolution du numérique en santé et toutes les questions que ça soulèveb : comment on tire partie des outils numériques pour répondre à des problématiques de santé notamment dans le cadre des maladies chroniques ? Comment on structure la réflexion nécessaire pour construire tous les nouveaux modèles qui vont nous permettre d'amener du numérique dans la santé ? Et donc le management de l'innovation pour moi c'est créer les conditions appropriées pour répondre à toutes ces questions soulevées par cette révolution et concrètement, on essaie de faire trois choses en cas de l'initiative @Hotel-Dieu. D'une part on essaie de développer un nouveau mode de relation partenariat public privé de R&D : donc concrètement ça veut dire qu'on essaye de construire des grands projets d'innovation avec des acteurs économiques. Aujourd'hui on le fait déjà en co-construisant avec 5 entreprises : LIFEN, Nouveal, Withings, Nabla et Implicity, une plateforme de suivi à distance un peu nouvelle génération qui essaye de répondre un peu aux limites aujourd'hui de la télésurveillance. Ca c'est la première chose, la deuxième chose qu'on fait c'est essayer de faciliter l'accès à l'expertise hospitalo-universitaire notamment pour les acteurs économiques, les startups. Donc concrètement on construit un tiers-lieux d'expérimentation donc une plateforme d'accompagnement de start-up en partenariat avec des acteurs spécialisés dans ce domaine donc notamment Biolabs qui construit des communautés d'innovation notamment dans le sur les sciences de la vie et du numérique en santé, et puis avec le Digital Medical Hub. Et troisième point de notre activité en termes de management de l'innovation c'est d'essayer de renforcer les liens entre acteurs du soin et acteurs économique de l'innovation et la recherche. On essaye d'ancrer le travail de ces gens-là dans de la recherche, donc concrètement on essaye de construire un grand lieu d'innovation où tous ces acteurs là vont pouvoir travailler ensemble à de nouveaux modèles qui sont nécessaires pour faire advenir un soin plus numérique.
@Hôtel-Dieu a emmergé d'une réflexion globale autour du grand projet de transformation du nouvel Hôtel-Dieu, avec d'un côté un projet médical qui depuis 2015 se tourne vers les nouveaux modes de prise en charge des patients, un projet immobilier qui va voir un futur espace parvis accueillir 10 000 m² d'espace pour accueillir une communauté d'innovation gérée par Biolabs et puis une vision scientifique forte portée par le professeur Philippe Raveau de la transformation du soin à l'heure du numérique donc @Hôtel-Dieu c'est l'articulation d'un projet médical, d'un projet scientifique et un projet immobilier.
Alors je pense que notre démarche est bien comprise aujourd'hui par les acteurs qui portent des projets de création de start-up à l'hôpital ou qui porte des projets de collaboration avec des startups. Pour les autres je pense que c'est un travail au long cours qu'on a à faire et je pense surtout que la compréhension a évolué ces derniers mois au fur et à mesure que nous-mêmes on a été en mesure de préciser notre positionnement notamment par rapport aux autres initiatives existantes à l'AP-HP
L'initiative @Hôtel-Dieu vient s'inscrire dans le prolongement des actions engagées par l'AP-HP pour accélérer l'innovation en santé avec notamment en 2017 la création de l'entrepôt de données de santé pour soutenir la recherche le pilotage de l'activité hospitalière, la création de l'Institut Carnot en 2020 pour accélérer la recherche partenariale et puis en 2021 la création du hub innovation qui est une porte d'entrée numérique pour tous les porteurs de projets innovants qui veulent travailler avec l'AP-HP. @Hôtel-Dieu vient compléter ce dispositif en offrant un grand lieu d'innovation où les soignants, les chercheurs et les startups peuvent travailler ensemble différemment dans un cadre assez exceptionnel au sein de l'Hôtel Dieu au pied de Notre-Dame de Paris.
Oui tout à fait la DRCI est partie prenante de l'initiative @Hôtel-Dieu. Deux exemples concrets : par exemple la DRCI accompagne depuis le départ une start-up qui est issue de l'AP-HP qui s'appelle Echopen, qui a été cofondée par le docteur Mehdi Ben choufi médecin de santé publique à l'Hôtel-Dieu, qui développe aujourd'hui un dispositif d'imagerie ultra-portable qui est encore aujourd'hui basé à l'Hôtel-Dieu. Un autre exemple, la DRCI travaille main dans la main avec Biolabs, qui va émerger une communauté d'innovation à l'Hôtel-Dieu demain, donc il travaille main dans la main pour être capable d'apporter demain l'expertise de la DRCI en termes de développement, montage de partenariat public/privé aux startups émergées par Biolabs.
On se donne trois objectifs dans le cas de l'initiative @Hôtel-Dieu. D'abord au service des modes de prise en charge à l'Hôtel-Dieu on essaye d'appuyer la communauté hospitalière de l'Hôtel-Dieu dans la mise en œuvre du projet médical de l'établissement, c'est-à-dire en favorisant l'émergence concrètement de nouveaux modes de prise en charge des patients de l'hôtel. D'autre part au service de 38 hôpitaux de l'AP-HP on se donne pour objectif de construire un modèle du soin numérique en facilitant l'accès, d'une part à l'expertise hospitalier universitaire et à des terrains d'expérimentation pour les startups, et d'autre part en accompagnant les soignants l'AP-HP dans leur projet de suivi à distance innovant. Dernier objectif qu'on se donne au service d'un modèle universitaire hospitalo-universitaire de l'innovation en santé, c'est de construire un nouveau mode de relation partenariale de R&D avec des startups et surtout faire la preuve que ce qnuveau type de relation peut amener à développer des solutions plus pertinentes avec un retour effectif pour l'AP-HP et l'ensemble des parties prenantes dans ce type de relation.
@Hôtel-Dieu, c'est un projet qui est ouvert sur l'ensemble des trente huit hôpitaux de l'AP-HP, qui mobilisent différents hôpitaux, différents groupes hospitaliers universitaires et directions de l'AP-HP : la direction de la stratégie, la direction de la recherche clinique et l'innovation, la direction des services numériques et donc, à ce titre, elle est rattachée à la direction générale de l'AP-HP. Concrètement la direction exécutive de l'initiative @Hôtel-Dieu est assurée par Nicolas Castoldi, qui est directeur délégué auprès du directeur général de l'AP-HP et la direction scientifique est assurée par le professeur Philippe Rabeau, professeur des universités, praticien hospitalier en épidémiologie, qui dirige un laboratoire basé à l'Hôtel Dieu. et au quotidien, l'équipe est installée à l'Hôtel Dieu, et travaille en lien étroit avec la direction de l'établissement et la direction du groupe hospitalier universitaire auquel appartient à l'Hôtel-Dieu.
Par nature, @Hôtel-Dieu est tourné vers l'externe, notamment les acteurs économiques qui développent des solutions innovantes en santé, les start-up surtout avec qui on travaille. On bénéficie aussi de l'appui de partenaires de longue date de l'AP-HP notamment pour sourcer et qualifier les start-up comme Medicen, le pôle de compétitivité de la santé en Île-de-France ou Take Care Paris, plateforme d'innovation de la ville de Paris. Dans la manière dont on se positionne par rapport à notre écosystème, on essaye aussi d'être très attentif à ne pas faire doublon avec ce qui est déjà proposé par les acteurs existants : les accélérateurs, les incubateurs etc., et notamment par rapport à deux acteurs qui ont émergé un peu au même moment que @Hôtel-Dieu qui sont Paris Santé Campus et Futur4care et c'est pour ça qu'on a signé un partenariat global avec ces acteurs, pour articuler au mieux nos expertises, chacun dans notre domaine. Paris Santé Campus dans le champ de la recherche, la formation Futur4care dans le champ industriel, et puis @Hôtel-Dieu dans le champ hospitalo-universitaire et donc c'est ce partenariat qui doit nous permettre demain d'offrir une programmation bien articulée des événements communs.
Aujourd'hui on est organisé autour de trois grands domaines d'activités. D'abord la gestion de grands projets d'innovation en partenariat avec des start-up comme la plateforme de suivi à distance qu'on développe actuellement avec cinq entreprises. Deuxième domaine d'activité, c'est le développement de notre tiers-lieux d'expérimentation et son offre d'accompagnement pour les startups on développe en partenariat avec Biolabs et le Digital Medical Hub. Troisième domaine d'activité, c'est la gestion de notre grand lieu d'innovation à l'Hôtel-Dieu où on essaye de faire se rencontrer soignants chercheurs et start-up et à ancrer le travail de ces acteurs dans la recherche notamment la recherche des chaires qui sont hébergées à l'Hôtel-Dieu et pour faire tout ça aujourd'hui on est une équipe de quatre personnes : le directeur exécutif : la direction exécutive adjointe : le directeur médical de la plateforme d'accompagnement et moi-même pour la coordination des grands projets d'innovation qu'on mène avec des start-up. Et on s'appuie bien sûr en plus sur l'ensemble des ressources de l'AP-HP notamment de direction du siège de l'AP-HP, direction de la stratégie, direction la recherche clinique et de l'innovation et direction des services numériques.
Je pense qu'il y a eu une expérience fondatrice qui a été l'expérience covidom qui a démontrée la pertinence d'une certaine vision du soin à l'heure du numérique et la pertinence d'un nouveau mode de relation entre l'hôpital et des start-up, et dans notre cas c'était la relation entre l'AP-HP et la startup Nouveal. On a travaillé ensemble, l'AP-HP a travaillé avec Nouveal pour développer en quelques jours une application qui a permis d'enrôler plus d'un 1.4 millions patients en pleine crise covid pour assurer leur suivi à distance. Je pense que ça a été une expérience dans le cadre de laquelle on a tous beaucoup appris et par ailleurs on s'inspire aussi, on essaye de s'inspirer de ce qui se passe à l'étranger. On monte des échanges, des ponts, avec différents acteurs. Ces 6 derniers mois on a accueilli une délégation belge, une délégation canadienne par exemple ici à l'Hôtel-Dieu et on monte des relations on essaie de construire des ponts avec d'autres organisations.
On a créé un espace à la fois de dialogue avec les acteurs économiques de l'innovation et un espace qui permet à tous les acteurs de l'innovation à l'AP-HP de se rencontrer, d'échanger. Très concrètement sur le volet du co-développement avec des startups, on a monté un premier projet de développement d'une plateforme de suivi à distance avec cinq entreprises qui a obtenu un premier financement significatif puisqu'on a été lauréat de l'AMI santé numérique. On a obtenu un financement d'environ 17 millions d'euros. Sur le volet grand lieu d'innovation, renforcement du lien entre acteurs du soin de la recherche et de l'innovation, on a monté depuis un an un rendez-vous mensuel qui permet à tous secteurs de se rencontrer d'échanger dans un cadre convivial. On a monté des matinées de réflexion collective entre ces acteurs pour faire bouger les lignes de la recherche, permettre à ces gens-là travailler sur des projets de recherche ensemble et puis on a monté un moment fort sur deux jours à l'Hôtel-Dieu en septembre 2022 en proposant dans le cadre d'une agora du soin digital des ateliers, des conférences, différents moments qui ont permis de faire dialoguer acteurs du soin, de la recherche et l'innovation. Sur le volet tiers lieu d'expérimentation, accompagnement de start-up, on a créé un premier réseau d'équipes de soins d'hôpitaux à l'AP-HP qui sont motivés par les démarches, qui seront des terrains expérimentation demain et puis on travaille aussi étroitement avec Biolabs et le Digital Medical Hub à rendre accessible les différentes expertises de l'AP-HP.
Alors le projet @Hôtel-Dieu, il est maintenant structuré, lancé. Nos enjeux ils sont nombreux mais le principal ça reste de monter en puissance pour faire la preuve complète de la pertinence d'un modèle d'innovation ouverte partenariale au service du soin. Ca veut dire concrètement qu'aujourd'hui on a besoin de faire monter en puissance nos activités, notamment en renforçant l'équipe @Hôtel-Dieu, on a besoin de rendre visible nos actions et puis on a besoin de démontrer avec les succès effectifs, la pertinence, du co-développement de la plus-value pour apporter le co-développement de solutions innovantes avec des startups par exemple avec la startup Echopen ou dans le cadre du projet qu'on mène avec cinq entreprises pour développer une plateforme de suivi à distance et on a besoin d'accompagner, de continuer à accompagner d'autres start-ups avec ce même niveau de qualité dans nos interactions.
Alors je pense que ce qui fonctionne bien, pour nous, les facteurs clés de succès, ils sont nombreux à réunir mais je pense que les principaux pour nous, c'est d'abord un ancrage médical et scientifique fort de notre démarche. Autre facteur clé je pense important c'est le support de l'institution de notre démarche. Et puis troisième facteur clé, c'est la participation, l'inclusion de toutes les parties prenantes et je pense notamment aux patients représentants des usagers et des acteurs qui développent les solutions innovantes en santé notamment dans le champ de la santé numérique notamment les start-up. Et puis dernière partie prenante clé pour moi c'est les soignants notamment les jeunes générations de soignants qui s'intéressent particulièrement à cette démarche.
Je pense que c'est encore tôt pour répondre à cette question. Un enseignement que moi je tire de ces 12 derniers mois c'est qu'on ne perd jamais de temps à aller sur le terrain et échanger avec le personnel hospitalier, les soignants, les médecins, les paramédicaux, les représentants des usagers, les directeurs des opérations, donc s'il y a une chose que je devais faire un peu différemment ça serait d'aller passer encore plus de temps à aller échanger sur le terrain
Alors je pense que le meilleur argument, c'est de dire que de toute façon l'innovation, elle se fera sans vous : sans vision stratégique partagée, sans structuration, si on n'a pas d'organisation dédiée à l'innovation. je pense qu'avoir une organisation dédiée, c'est se donner la chance d'une part de démultiplier la portée des projets innovants qui sont portés par les professionnels de santé de notre institution et d'autre part de construire et porter une vision stratégique de ce que doit être votre institution demain plutôt que de subir celles qui l'auront construit sans nous.
A titre personnel, je trouve ça passionnant d'évoluer au croisement de la recherche, du soin, de l'innovation : c'est très multidisciplinaire c'est extrêmement stimulant intéressant mais surtout je suis extrêmement heureuse d'être à cet endroit à ce moment parce que je pense qu'on vit un moment assez inédit d'accélération de la santé numérique qui va avoir je pense, j'espère, c'est ça qui est motivant, un impact significatif positif sur le système de soins et sur notre santé à tous plus largement.
Sébastien Duré partage son expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de cet entretien, il nous donne sa définition de l'innovation et du management de l'innovation. Il nous présente sa vision d'une direction hospitalière de l'innovation et nous détaille les objectifs, le positionnement et les moyens qu'il lui donnerait. Enfin, il partage avec nous de précieux conseils pour qu'un établissement de santé collabore au mieux avec les autres acteurs de l'innovation en santé.
Bonjour, je m'appelle Sébastien Duré. Je suis directeur général et cofondateur d'Hoppen, société que j'ai créée avec Mathieu Malledant en 2011 et qui a pour objectif d'accompagner les établissements de santé sur les parcours de leurs patients aussi bien en amont de l'hospitalisation, qu'en aval et durant le séjour hospitalier.
Alors pour moi, l'innovation c'est principalement le fait de créer quelque chose de nouveau, qui apporte de la valeur. Avec ces deux éléments, on peut distinguer différents types de d'innovation, aussi bien de l'innovation de rupture, de l'innovation radicale, sur laquelle on va avoir un changement de contexte complet sur un processus, un service ou une offre, ça peut être de l'innovation incrémentale, sur laquel on va avancer progressivement et pas à pas pour améliorer un certain nombre d'éléments, de services, d'usages au bénéfice des usagers et des acteurs du service. Et après, dans l'innovation, il n'y a pas que l'aspect progression finalement d'un nouveau sujet qui arrive sur la table, mais aussi la manière de mettre en oeuvre et l'accompagnement au changement que l'innovation va générer.
Et je pense que ça, c'est un point important qu'il ne faut jamais oublier. A chaque fois qu'on va avoir quelquechose de nouveau qui va arriver sur la mise en oeuvre d'un service, il va y avoir la mise en oeuvre opérationnelle et l'accompagnement au changement qui va être nécessaire, associé à cette innovation.
Alors justement, le management de l'innovation, c'est vraiment tout ce qui va toucher à la fois la capacité à détecter une innovation donc présenter, exprimer, récupérer finalement l'expression de besoins qu'il peut y avoir, détecter des choses issues plutôt de la recherche fondamentale sur lequel le besoin n'est pas exprimé, mais qui peut apporter une innovation importante, pour apporter des nouveaux services ou améliorer des usages actuels.
Mais le management de l'innovation, c'est aussi justement accompagner au déploiement de ces innovations et accompagner la conduite du changement nécessaire à la mise en oeuvre opérationnelle de ces innovations, justement.
Le fait de mettre en place une organisation dédiée à l'innovation et potentiellement séparée de la recherche, est pour moi extrêmement important, voire fondamental. En effet, la recherche est un des éléments sur lesquels peuvent surgir des éléments d'innovation, justement, principalement de rupture, ou des éléments d'innovations radicales.
Mais assez souvent dans la recherche sont émis des sujets plutôt technique en termes d'éléments d'innovation. Or l'innovation est beaucoup plus large que ça : elle doit toucher tous les domaines, notamment le domaine organisationnel, le domaine des services, qui sont souvent assez peu adressé par le monde de la recherche. Donc la recherche pour moi, est un élément source d'innovation sur lequel le management de l'innovation doit justement s'appuyer, mais pas uniquement, puisque on doit pouvoir aussi détecter l'innovation de la part des utilisateurs réels, faire que les opérationnels terrain puissent eux-mêmes, être acteurs de l'innovation et remonter des idées. Et ensuite dans le management de l'innovation, l'organisation de l'innovation qui doit être fait, on doit être là aussi pour accompagner la mise en oeuvre opérationnelle de ces projets, ce qui n'est en général pas du tout le métier, ni la culture, ni le cursus des acteurs du monde de la recherche.
Alors on voit certains établissements de santé, notamment en Suisse par exemple, sur lesquels les établissements dits d'excellence, mettent en oeuvre des organisations dédiées à l'innovation, avec vraiment un schéma où les managers de l'innovation sont très transversaux au sein de la structure, sont vraiment capacité d'aller chercher des projets d'innovation qui sont vraiment à l'horizontal à travers les différents silos de l'organisation de de l'établissement de santé, et qui construisent à la fois avec des acteurs issus de la recherche académique, extérieurs à l'établissement, mais aussi des acteurs du monde privé qui vont être là pour les accompagner justement sur la réflexion autour de l'innovation.
Et ensuite ils ont une petite équipe qui va vraiment être dédié à la mise en oeuvre opérationnelle, la partie projet, toute la partie finalement maîtrise d'ouvrage, qui est souvent assez peu structurée, organisée et staffée dans un établissement de santé, et qui est un besoin fondamental justement pour pouvoir apporter l'innovation, mesurer les différents indicateurs à mettre en oeuvre pour s'assurer que les innovations apportent des bénéfices réels et concrets, auprès des établissements de santé et de ses usagers, patients ou collaborateurs.
Je pense qu'il n'y a pas forcément à continuum entre la recherche et l'innovation , comme je le disais, la recherche est un élément source de certaines innovations, notamment les innovations radicales sur lequel les nouveaux préceptes, et notamment si on prend typiquement les aspects thérapeutiques ou le soin, le monde de la recherche fondamentale pour ce type d'innovation.
Il y a d'autres innovations parfois plus organisationnelles, est en général plus incrémentales sur lequel les besoins et les idées vont remonter plutôt du terrain opérationnel et pas forcément de la recherche. Et donc c'est pour ça, le fait de potentiellement trop corréler l'innovation comme un élément postérieur à la recherche bride complètement le mode de fonctionnement sur lequel on doit chercher des innovations auprès des opérationnels terrain pour aussi apporter de la valeur et créer des bénéfices quotidiens aux établissements de santé et à leur personnel.
Alors si je devais mettre en place une direction de l'innovation, je pense que je lui fixerai trois objectifs principaux.
Le premier, déjà, c'est de faire connaître l'activité de l'innovation auprès des personnels terrain de manière que chacun puisse se sentir acteur. Les gens du terrain peuvent être là justement pour remonter des idées, à proposer des solutions, être innovateur en tant que tel, et la cellule innovation a vraiment pour objectif d'accompagner ces idées pour les mettre en oeuvre, mettre en place des KPI concrets pour mesurer ses projets : peu, un ou deux maximum par projet ou par innovation, de manière à pouvoir vraiment mesurer une plus-value réelle, de manière à montrer que l'innovation peut apporter des bénéfices concrets pour le personnel et les patients d'un établissement de santé.
Le deuxième objectif que je mettrai, il serait plutôt sur justement la capacité à aller valoriser les asets et les résultats de la recherche pour aller apporter des innovations concrètes, encore une fois au sein des établissements de santé, en allant chercher encore une fois quelques projets pour aller justement apporter de la valeur.
Et troisième axe en termes d'objectifs, c'est de se limiter aussi à quelques projets d'innovation : ne pas soupoudrer avec une multitude d'activités et de projet sur laquelle on va être ni en capacité finalement de mettre vraiment les moyens pour l'innovation aille au bout et apporte ses bénéfices, et sur laquelle, en plus, si on crée trop de d'éléments et projets d'innovation en parallèle, finalement, les différents acteurs de l'hôpital vont être noyés sous un certain nombre d'éléments d'information et finalement, les bénéfices et la plus-value vraiment ajoutés vont être noyés dans un maelström un peu compliqué. Et donc pour moi, il faut vraiment cadrer sur quelques projets principaux, bien mesuré par certains KPI et sur lesquels les acteurs opérationnels doivent être vraiment présent au quotidien.
Alors pour moi, le management de l'innovation doit être rattaché directement, soit porté par un directeur général adjoint (DGA) soit porté par un acteur rattaché à direction générale. Pour moi, il y a deux raisons principales à ça.
La première, c'est que beaucoup de sujets d'innovations vont être transversaux. Or justement, le mode de fonctionnement des établissements de santé, l'hôpital en particulier, est souvent assez vertical, avec des directions métiers bien identifiées. Or aujourd'hui, je pense que les enjeux d'innovation sont justement très transversaux, et doivet être portés assez haut pour justement pouvoir toucher l'ensemble des acteurs et vraiment les embarquer dans le projet.
Et le deuxième point, c'est que les projets d'innovation, s'ils sont vraiment concrets, vont apporter énormément d'éléments sur le changement. Or, la conduite changement, ça doit s'impulser par la direction générale. Ça doit vraiment pousser au quotidien, par une volonté de la direction de l'établissement pour vraiment que les acteurs opérationnels du terrain se disent que c'est une volonté générale, que demain on ne va pas changer d'avis, qu'ils ne vont pas mettre de l'énergie sur un projet qui potentiellement ne va aller au bout. Donc ça doit vraiment être impulsé par la direction générale de l'établissement. Pour moi, c'est pour ça que ça doit être rattaché, un peu comme la qualité, à un très haut niveau dans l'établissement.
Alors les établissements de santé, c'est déjà un acteur de poids dans le système économique. En général, dans un bassin d'emploi, c'est souvent le plus gros pourvoyeur d'emplois sur une ville, sur une zone, sur une région, que ce soit le CHU ou le CH local, ça draine énormément d'acteurs locaux, intervenants divers et variés. Tous les gens de la population, tous les citoyens, sont un moment donné en contact avec l'hôpital, soit pour eux-mêmes, soit par leurs proches, c'est sujet forcément qui touche au coeur de chacun, qui est le soin.
Donc c'est un élément économique très très fort, sur lequel l'ensemble des acteurs se sentent impliqués et incarnés. Pour moi l'hôpital de par sa complexité et de par le volume d'activité que ça génère, et le nombre d'intervenants divers et variés qui travaillent au quotidien, ça génère une source de problèmes récurrents, quotidiens extrêmement important, donc par nature, c'est un terreau très fertile pour l'innovation.
Et c'est pour ça que pour moi, c'est un acteur clé dans la manière dont on peut finalement faire innover le système et si on prend les CHU qui sont à la frontière entre des éléments de recherche amont, des éléments de recherche universitaire plus classiques, plus le fait d'être dans des activités opérationnelles très concrètes et très terrain, donc en contact aussi avec beaucoup de d'acteurs, notamment du monde privé, il y a vraiment une capacité de la part de l'établissement de santé justement, de rapprocher un univers, plus institutionnel et plus universitaire avec le monde du privé pour faire émerger justement des éléments d'innovation clés en lien entre ces deux mondes.
Je pense que le plus gros besoin aujourd'hui n'est pas technique. Il est plutôt humain et financier.
Humain d'un côté, parce que je pense qu'on a vraiment besoin de gens qui ont la compétence et la formation, justement pour être en capacité de gérer le management de l'innovation, à la fois sur l'aspect détection de besoins et l'accompagnement à la mise en oeuvre opérationnelle des projets d'innovation.
Et après financier, bien sûr, parce que quand on parle d'innovation, on n'est pas sûrs d'avoir forcément un ROI à la clé. Il faut accepter dans la mise en place de l'innovation, d'avoir une culture que j'appelle de l'échec, c'est à dire tenter, essayer, potentiellement se tromper parfois, mais le détecter 1, suffisamment vite pour pouvoir réagir et avant qu'on dépense entre guillemets, trop d'argent sur un élément qui ne va pas aboutir ou 2, tester et pouvoir réorienter rapidement l'innovation ou l'améliorer pour pouvoir finalement la mettre en oeuvre de manière opérationnelle.
Donc pour moi, ils sont sur de ces deux éléments là : l'aspect technique étant un peu moins nécessaire au sens où je pense qu'il est déjà pas mal couvert aujourd'hui par les modes de financement qui existent au sein de l'hôpital.
Pour moi, les éléments les plus importants dans la mise en place de l'innovation, justement, c'est de mettre en place à la fois une équipe qui est en capacité d'identifier des besoins, de se focaliser sur quelques projets d'innovation clés qui vont vraiment avoir un impact à la fois pour apporter des bénéfices concrets après l'établissement, mais aussi pour donner confiance au près des opérationnels sur le fait que la cellule innovation peut apporter des bénéfices concrets dans leur quotidien.
Un facteur clé du succès extrêmement important, c'est la mesure des indicateurs clés de succès, les KPI pour utiliser l'anglicisme assez classique, qui doivent être très peu nombreux, un ou deux maximum par projet et qui doivent être vraiment là pour mesurer le succès de l'innovation qu'on va mettre en oeuvre.
Et enfin, le troisième facteur clé de succès selon moi justement, c'est inculquer la culture d'échec au sein des opérationnels également. C'est à la fois un enjeu sur la direction générale pour avoir la capacité de se dire je finance des projets qui, pour certains d'entre eux, n'ont pas forcément aboutir. Mais c'est important aussi de l'inculquer au sein des équipes, parce que quand on met en place des éléments et des projets d'innovation, on va demander de l'énergie pour le changement auprès de ces opérationnels. Et si un projet n'aboutit pas ou semble apparaître comme un échec, les gens peuvent finalement se décourager, se démotiver. Or, justement, il faut arriver à faire comprendre à un moment donné que quand on met en place un projet, on ne va pas forcément atteindre le succès dès le premier coup, donc il faut être en capacité de leur faire comprendre que un semi-échec peut se transformer en un très grand succès si finalement on prend quelques éléments clés, qu'on rationalise, qu'on rechange, l'innovation de départ qui finalement ne va pas aboutir mais avec quelques éléments va apporter une nouvelle innovation, qui elle va aboutir et va apporter de vrais changements en tant que tel. Et pour ça, il faut pas perdre la motivation des équipes terrain et opérationnel. Et donc il faut leur inculquer le fait que par moment un sujet qui ne marche pas complètement n'est pas forcément un échec à long terme.
Si je dois retenir qu'un seul argument, je dirais la capacité à accompagner la conduite du changement de manière opérationnelle. Je pense que c'est le point le plus important aujourd'hui pour arriver à mettre en oeuvre des projets innovants.
Alors je pense effectivement que les innovateurs ont besoin d'être accompagnés parce que assez spuvent, les innovateurs ont une idée, un point de départ, associée à un besoin ou non clairement exprimé. Mais ensuite, la je reviens sur la pratique de la mise en oeuvre opérationnelle, justement, et la conduite du changement que ça génère.
Assez souvent quand je crée une innovation, on a tendance à sous-estimer le frein au changement qui va être mis en place par les usagers ou par les gens del'écosystème sur la mise en oeuvre opérationnelle de cette innovation. Et en fait, c'est là où l'accompagnement est vraiment nécessaire, parce que pour qu'une relation fonctionne, il faut être en capacité d'accompagner sa mise en oeuvre avec la conduite du changement, les pratiques de résistances naturelles qui font que un acteur sur lequel on va dire que quelque chose a changé dans son quotidien, par nature va avoir d'abord les effets négatifs avant de comprendre et de mesurer les éventuels effets positifs de cette innovation. Et donc ça, ça se manage, ça se gère opérationnellement et c'est en général assez peu fait, ce qui fait que les innovateurs en général ont parfois du mal à mettre en oeuvre leurs innovations.
L'autre aspect, c'est sur les méthodes de mesure de la mise en oeuvre de de l'innovation. Assez souvent, lorsqu'on remplace l'innovation, on trouve que c'est une idée qui est super, qui apportent plein de qualitatif, on la met en oeuvre et ensuite on est un peu dans un élément de complexité pour mesurer les apports réels. Or ça passe justement par des organisation assez précise sur comment je mesure l'existant, pour ensuite mesurer les mêmes types d'indicateurs clés a posteriori pour savoir se dire finalement mon innovation réellement apporte un bénéfice. Et ça, c'est pareil, c'est partout dans la culture des innovateurs par nature et c'est des éléments que doivent apporter typiquement les managers d'innovation qui peuvent être mis en place dans l'établissement de santé.
Je pense que ces dernières années, on a pas mal progressé avec les notions de l'article 51, avec les appels à projets innovants qui permettent de financer jusqu'à une certaine enveloppe sans appel d'offres ou de mise en concurrence.
Pour autant, je pense qu'on reste trop limité aujourd'hui en termes d'outillage, les appels d'offres innovants par exemple, il y en a très, très peu sur le territoire. Alors est-ce que c'est dû à la complexité de mise en oeuvre ? Est ce que c'est dû à la limitation au cent mille euros de financement qui pose problème? Je ne sais pas exactement, mais en tout cas, le constat fait qu'aujourd'hui, il y a quand même très très peu de de mise en oeuvre.
Je pense qu'aujourd'hui un des freins principaux sont justement à ces systèmes d'appels d'offres publics avec la mise en concurrence qui ont tendance à tirer les appels d'offres vers une dimension prix vers le bas au détriment souvent de l'innovation et des bénéfices, qui sont difficilement mesurables en amont et à l'écriture du cahier des charges. Et donc ce qui fait que, justement souvent les acteurs se battent sur un aspect prix plus sur un aspect bénéfices et résultantes à terme. Il y a certaines initiatives qui commencent à émerger sur le territoire, les établissements de santé cherchent à monter des partenariats avec des structures, qu'elles soient institutionnelles ou des entreprises privées. Et je pense que c'est probablement un bon axe pour aller chercher l'innovation sans avoir ce frein, finalement de se dire, je dois me mettre dans un carcan de mise en concurrence sur lequel les gens se basent sur des prix et sur lequel les cellules d'achat, justement, vont être là pour aller challenger aussi cette dimension prix. Elle est importante et il faut garder l'équité entre les structures, ùais je pense qu'elle est généralement un frein à l'innovation et l'industrialisation des systèmes innovants aujourd'hui.
Thomas Le Ludec et Emilie Barde partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent la Direction Innovation du CHU et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Bonjour, je suis Thomas Le Ludec, directeur général du CHU de Montpellier. J'ai exercé dans plusieurs CHU en France, à Lille, à Lyon et ici à Montpellier. J'ai également exercé des fonctions de directeur de centre hospitalier en région parisienne, et j'ai fait quelques incursions dans le domaine de la régulation sanitaire, à la Haute autorité de santé et à l'Agence régionale de l'hospitalisation du Languedoc-Roussillon à la fin des années 90.
La définition de l'innovation que je pourrais vous proposer, c'est l'invention de nouveaux procédés. Donc, ce sont à la fois des techniques, mais aussi des savoir-faire, qui sont d'abord utiles, à qui ? Utiles au patient et utiles aux professionnels de santé. L'innovation, c'est à la fois rechercher l'amélioration continue d'une qualité, d'un service rendu. C'est aussi avoir une rigueur d'évaluation qui permette de dire oui, c'est plus utile ce que l'on va faire demain que ce que l'on faisait hier ou avant-hier.
Alors le management de l'innovation, c'est pour moi créer les conditions favorables à des créations différentes. Alors que les conditions favorables, quelles sont-elles ? C'est promouvoir des profils de compétences différents, des gens qui pensent interdisciplinarité, interprofessionnalité et qui se posent des questions, parfois de manière décalée. Donc, c'est leur donner des espaces d'expression, comme par exemple l'extracteur d'innovation que nous avons créée en 2016 au CHU de Montpellier. C'est leur donner aussi les moyens de cette expression, par des programmes de recherche et d'innovation en commun avec des industriels. C'est une manière de voir l'hôpital pour créer de l'attractivité par la créativité.
Alors nous avons voulu profiter d'une dynamique recherche extrêmement forte au CHU de Montpellier, depuis de nombreuses années, en la prolongeant, en créant une identité innovation, que je considère comme différentes, mais complémentaires des travaux de recherche. Et les raisons profondes, c'est que l'innovation mobilise des acteurs un peu différents, qui peuvent être des gens qui ne sont pas des chercheurs professionnels, mais qui peuvent être des gens qui se pose un certain nombre de questions.
Et, il y a aussi e des activités de support qui sont différentes à mettre en œuvre pour appuyer les initiatives. Donc, les raisons profondes, c'est d'abord aider. On retrouve cette notion de créer des conditions favorables à l'innovation. Donc comment on a fait, et bien ce qu'on a fait, c'est qu’on a identifié les meilleures compétences, qui pouvaient être présentes au CHU ou en allant les chercher ailleurs pour les rassembler au sein de notre direction de la recherche et l'innovation. Et nous avons plusieurs outils plateformes qui sont à leurs côtés. Pour pouvoir travailler dans cette direction.
Alors je crois que dans les éléments déclencheurs, ils sont multiples. Ça peut être un appel à projets. Ça peut être également une idée, qui est née. Notamment, nous avons quelques enseignants ici qui ont créé des entreprises, des startups et qui ont une expérience dans ce domaine, qui se sont dit, mais finalement, c'est vrai que ce n'est pas notre métier d'être créateur d'entreprise, mais c'est notre métier de nous poser des questions innovantes. Et, aller chercher l'idée à la racine, au milieu des professionnels, ça a été une très forte mobilisation, pour nous. C'est une motivation parce que quelqu'un qui adhère à l'innovation, c'est quelqu'un qui adhèrent à cette idée d'être intra-entrepreneur et c'était ça une des motivations. Et je trouvais que l'attractivité des personnels hospitaliers pour l'hôpital passait aussi par la réalisation de projets individuels qui servaient le collectif.
Alors, j'ai trouvé beaucoup d'enthousiasme, parce que quand on a par exemple créé l'extracteur d'innovation, dès la première année, on a identifié une quarantaine de potentiel créateur de projets. On les a évalués et ce qui a été intéressant, c'est que cet extracteur, il disait oui, mais il disait non aussi. Il disait même souvent non, on peut faire autrement et on réoriente votre projet et on ne rentre pas dans la logique de l'extracteur d'innovation. Mais ce qu'ils ont apprécié, c'est d'avoir un accompagnement, d'avoir des conseils, d'avoir des ingénieurs qui travaillaient avec nous, qui viennent d'écoles environnantes, pour étudier la preuve de concept et voir si on peut passer d'une idée à une réalisation possible, voire à une création d'entreprise.
Alors, nous nous sommes inspirés de modèles qui existent parfois depuis très longtemps depuis des décennies. Puisque les clusters, à la fois académiques et industriels, sont nés plutôt à la fin du 19ème siècle, dans la vallée du Rhin, entre Fribourg et Strasbourg, toutes ces villes qui sont dans cette zone-là, mais qui sont nées aussi, à peu près de manière contemporaine aux Etats Unis.
Cette rencontre entre l'industrie et l'hôpital, elle est très présente dans ce type de pays, et ça va jusqu'à la conception de filiales, de gestion des brevets et de gestion de l'innovation. Et je trouvais extrêmement intéressant d'aller dans cette direction-là. Puisque je considère que l'un des chaînons manquant de l'ordonnance de 58, c'est de nous confier une mission de valorisation économique, de création économique aux côtés des industriels.
Et pour moi, c'est une motivation très profonde, très ancienne aussi, puisque j'avais rencontré cette ambition, notamment au CHU de Lille, au début de ma carrière, avec le programme Eurasanté.
Nécessairement, ça me paraît exclusif, parce que parfois, vous avez des innovations de ruptures qui naissent à côté de l'activité de recherche de l'établissement, qui peuvent provenir d'organismes qui lui sont totalement extérieurs. Alors si on élargit le spectre en dehors du CHU, oui, je crois que nécessairement peut être juste, puisqu’il peut y avoir une rencontre entre différents acteurs, qui sont présents, soit ici à Montpellier, soit à l'extérieur. Mais il faut bien qu'il y ait une production de connaissances pour qu'il y ait une innovation. Je ne crois pas qu'aujourd'hui, on puisse imaginer ce qui a existé dans les siècles passés, c'est-à-dire un inventeur génial, dans son coin. C'est la plupart du temps un foisonnement de connaissances qui conduit à un moment, à une idée et à la création d'une activité de recherche, puis une création innovante.
Alors, l'objectif que j'ai fixé à ces nouvelles organisations, je peux les résumer en trois. La première chose, c'est de me donner les meilleurs conseils et les meilleures orientations pour soutenir ou non un projet. La deuxième orientation, c’est de concourir à l'appui évidemment des professionnels et nous détecter des projets le plus rapidement possible. Et qui puissent alimenter l'autre objectif, le troisième objectif, c'est de participer à une dynamique qu’à Montpellier, on appelle MedVallée. C'est-à-dire de pouvoir conduire des projets de fertilisation croisée entre l'académique, le soin et l'industriel. Dans un cadre qui nous fédère avec l'université de Montpellier, avec les EPST avec ces industriels présents ou non dans l'écosystème Montpelliérain. Et ce troisième objectif prend un relief tout particulier, en ce moment à Montpellier, puisque nous avons tenu les premières assises, MedVallée, lundi dernier au Corum à Montpellier, où il y avait 700 personnes présentes.
Alors le pôle recherche et innovation m'est directement rattaché. J'ai le plaisir de rencontrer les directions de ce pôle très régulièrement, plusieurs fois par mois, et autant que de besoin. Donc ce positionnement hiérarchique auprès du directeur général me paraît essentiel parce que c'est la marque d'un engagement personnel de la direction générale pour soutenir la recherche et l'innovation.
Et il est vrai que vis-à-vis de nos interlocuteurs internes, comme nos partenaires à l'extérieur du CHU, le fait que chacun sache que le directeur général est impliqué dans les projets de recherche d'innovation change le regard et le niveau de crédibilité que l'institution peut avoir et que nos équipes peuvent avoir pour aller décrocher les appels d'offres ou décrocher des plans de financement.
Alors, le rôle d'un établissement de santé dans son écosystème économique, c'est d'aller vers. D'être à la rencontre de ceux qui favorisent la création économique. Ça peut être la société d'accélération de transfert technologique, par exemple, AXLR de Montpellier, qui est extrêmement dynamique et dont nous sommes actionnaires depuis cette année. Je suis membre du conseil d'administration de la SATT. Et ça nous permet d'échanger sur les différentes dynamiques du territoire en termes de création d'entreprises dans différents domaines d'ailleurs. Et parfois, il peut y avoir des fertilisations croisées qui nous intéresse. Être dans son écosystème, c'est aussi contribuer à son animation. Je prends un exemple concret, nous avons un centre de recherche en innovation biologie santé, qui va prendre son essor fin 2024 dans le nouveau site unique de biologie du CHU. Pour conduire l'implantation d'entreprises dans des 1100 mètres carrés utiles qui seront dévolus à la recherche-développement. Nous avons conduit une réflexion avec plusieurs industriels et nous avons un système de gouvernance partagée pour d'abord lancer un appel à manifestation d'intérêt et ensuite pour choisir des entreprises qui seront nos partenaires de ce centre régional d'innovation en biologie santé.
Donc la présence du CHU dans différents lieux de réflexion économique, me paraît essentielle, mais toujours avec un axe qui est un axe académique, c'est-à-dire le sérieux de la recherche et le respect des bonnes pratiques de la recherche clinique sur laquelle nous ne devons pas transiger pour assurer notre crédibilité. Et ça, je le dis, très souvent à nos partenaires industriels. Nous serons avec eux, mais nous attendons aussi qu'ils soient avec nous dans cette éthique de la recherche.
Alors l'impact dans notre établissement, c’est d'abord de sensibiliser toute une commission autour de la recherche et l'innovation. D'avoir des gens qui manifestent leur intérêt et donc nous avons un certain nombre de personnels hospitalo-universitaires, ou non d'ailleurs, qui lèvent le doigt pour dire moi, j'ai des projets à vous proposer. Il y a ceux qui ne lèvent pas le doigt aussi. C'est-à-dire que nous voyons qu'ils ont un potentiel de création extrêmement important et nous les mettons sur le chemin de l'innovation. Je pense particulièrement à un médecin, avec lequel on travaille depuis des années et des années sur la question des usages en matière numérique. Et nous avons construit, peu à peu, d'abord une compétence et ensuite une envie de créer un centre de recherche et développement dans le domaine des usages du numérique en santé. Et nous avons d'ailleurs développé cette plateforme, qu'on appelle et Erioz. Nous avons obtenu un financement substantiel de la BPI au mois d'avril, 3,6 millions d’euros et on a une dynamique extrêmement intéressante. Et je dirais que l'envie grandit et on l'a vu, à l'université de Montpellier, la faculté de médecine de Montpellier, nous a emboîté le pas, sur un programme de formation numérique en santé, l'université numérique en santé. Et là aussi, cette semaine, nous avons appris qu'il y avait un financement de 4,5 millions d'euros qui avaient été dégagés en répondant à un appel d'offres. Et les deux projets vont se potentialiser merveilleusement et on est en train de déposer un troisième. Donc, je pense que la réceptivité est forte, elle est très forte, d'autant plus qu'il y a une base très intéressante à Montpellier, à savoir que le ratio de production scientifique par praticien hospitalier très élevé au CHU de Montpellier.
Ce qui a le plus évolué, c'est très clairement l'impact d'une politique publique définie localement par la métropole de Montpellier, à savoir le programme MedVallée. Nous étions loin d'imaginer en 2018 que d'investir dans une startup, allait nous conduire à imaginer un projet industriel et économique à l'intérieur du CHU, avec une construction que pour la biothérapie, qui ouvrira ses portes en 2025. Et je dirais que ce qui est le plus frappant, c'est que notre ambition n'a fait que croître. Et à force de repousser, si je puis dire, les frontières de la réflexion, on arrive aujourd'hui à 4 projets clé MedVallée et qui représentent à chaque fois énormément de ressources et ce que ça, pour le coup, c'était absolument imprévisible. En 2016, on est en 2022 donc six ans après, je trouve que c'est un délai court pour voir déjà une telle inflexion.
Alors si je devais donner un conseil, c'est qu’il faut rêver, mais pas trop.
Le deuxième conseil que je donnerais, c'est observer, écouter et sentir, et se donner le temps de sentir ce que je dirais, ce qui va faire l'envie de consacrer du temps et de l'argent à un projet. C'est ce que certains appellent chez nous au CHU de Montpellier, le modèle ETA. Ce n'est pas une organisation terroriste, c’est Envies, Temps, Argent. Donc je pense que la question de l'envie est essentielle. On ne forcera pas des gens qui n'ont pas envie de formaliser des projets, de consacrer du temps et du temps pour les réaliser, pour aller chercher de l'argent permettant de réaliser.
Donc, mes conseils, c'est ça. C'est le rêve, le réalisme, la réalisation, parce qu'en rester uniquement sur une déclaration d'intention, c'est la perte de crédibilité, en plus d'être la perte d'énergie.
Alors si je devais changer le braquet, je trouve déjà qu’on a beaucoup appuyé sur l'accélérateur. Donc, je mettrai davantage d'évaluation sur certains sujets. Je mettrai davantage d'évaluations peut-être extérieures, sur la manière dont on mobilise les données, par exemple. Parce que j'aurais souhaité, par exemple, aller plus vite sur l'entrepôt de données de santé. J'aurais peut-être imaginé mettre davantage d'évaluation sur notre tremplin recherche, parce que je crois que plus on mesure ce que l'on fait, plus on améliore l'impact, parce que, comme le disent les sociologues, un système observé change sa pratique. Donc je ferai plus d'évaluation.
Alors le meilleur argument pour la mise en place d'une organisation dédiée pour l'innovation, c'est le suivant. C'est qu'une organisation qui ne pense pas sa recherche-développement et son innovation est condamnée, à plus ou moins brève échéance, parce que les autres organisations, elles bougent. Et notre environnement, c'est ce qui nous fait bouger en premier. Donc, je vous dirais, innover ou stagner, moi, je préfère innover.
Alors, les innovateurs ont besoin d'être accompagnés parce qu’on est innovant, la plupart du temps, parce qu'on a une idée dans son champ de métier. Mais cette idée pour qu'elle passe à une phase d'industrialisation, et même avant de preuve de concept et en aval de commercialisation, ça suppose la mobilisation d'autres métiers.
Ça suppose aussi d'avoir des conseils avisés pour protéger son invention, des conseils avisés pour taper aux bonnes portes, pour obtenir des tours de table financier. On est en général un bon artisan dans son domaine. En revanche, quand il faut passer à un autre stade du développement, il faut aller chercher les bonnes compétences. Donc accompagner les innovateurs me paraît indispensable.
Alors mieux innover suppose d'avoir la masse critique en termes de plateau technique. Des plateaux techniques de biologie, des plateaux techniques d'imagerie, des plateaux techniques de haute volée sur le plan technologique. Par exemple, au CHU de Montpellier, nous avons une des plus performantes plateformes de protéomique en Europe. Avoir ce type de dispositif, c'est clairement offrir nos chercheurs, mais également aux industriels qui travaillent avec eux, leur offrir vraiment des atouts majeurs. Donc la partie plateau technique me paraît essentielle. Le deuxième élément essentiel, c'est d'avoir une masse critique d'activité suffisante et suffisamment diversifiée pour qu'un chercheur puisse conduire une étude, un protocole de manière multidisciplinaire. Ça suppose également d'avoir une pharmacie à usage intérieur capable de conduire des essais, d'avoir les ressources pour les conduire. Donc, l'aspect plateau technique, l'aspect compétences est le point-clé. Ce sont les points clés pour accompagner les chercheurs, les innovateurs.
L'autre point-clé, c’est aussi l'accompagnement par une direction de la recherche et l'innovation pour monter des projets européens, pour aller chercher des fonds là où ils peuvent être présents et qui peuvent être des fonds industriels évidemment.
Et puis alors peut-être que pour aller plus loin et pour que la recherche française brille davantage faudrait-il imaginer d'autres manières de faire, mais là, on est sur des débats qui sont plus des débats réglementaires ou statutaires. Comment conduire des achats innovants lorsque l’on est dans le cadre de la commande publique ? Comment recruter les meilleurs alors que nous avons des statuts qui sont ceux de la fonction publique ? Ce sont des questions qu'il faut se poser et je pense que ce sont des questions qui peuvent, dans leurs conséquences et dans leur réponse, aller très loin y compris dans une réflexion sur peut-être, une vision par filiale de la recherche clinique de nos CHU. De telle sorte que nous puissions avoir davantage d'agilité, celle, en-tout-cas, que les opérateurs privés peuvent avoir.
Alors il y a deux manières de voir la question des verrous. Soit on le voit uniquement par des mesures très ponctuelles. Soit on essaye de se poser et de se mettre autour d'une table avec les acteurs concernés, pour voir quelles sont les réformes systémiques qui nous permettraient d'aller plus loin.
Qu'est-ce que je veux dire par là ? Quand je parle de statut de la fonction publique, quand je parle de commandes publiques, tout ça doit pouvoir être interrogé, parce que, là aussi, il faut évaluer la pertinence des outils dont on dispose. Aujourd'hui, vous avez un statut de la fonction publique qui parfois reconnaît très mal les carrières passées, l'expérience, la valorisation d'une expérience passée. Donc, on applique des critères du 20ème siècle à un marché du travail où les gens vont et viennent entre différentes expériences. Je pense que ça, ça doit être interrogé et je pense que c'est un verrou à recruter les bonnes compétences et à se donner de l'agilité. C'est un verrou.
Qu'est-ce que je veux dire, aussi, par mettre les acteurs autour de la table ? Je crois qu'il faut regarder aussi lucidement le fait que tout le monde ne peut pas être dans un écosystème innovant. Et comme je l'ai dit tout à l'heure, il faut atteindre une masse critique assez considérable. Et que nous sommes déjà petits, même nous CHU de Montpellier. Donc, pour pouvoir atteindre cette masse critique et donner, redonner des couleurs à la fois la recherche, l'innovation française et à l'industrialisation française, il faut se regrouper. Et je pense qu'un des principaux verrous, c’est de regarder, je dirai à une échelle qui est une échelle trop petite, et donc je pense que les réseaux de CHU sont aussi une manière de surmonter un certain nombre de nos verrous.
Alors personnellement, l'aventure innovation et recherche m'apporte énormément, c’est de l'oxygène. C'est de l'oxygène parce qu'on entrevoit le futur. C'est de l'oxygène parce qu'on rencontre des gens incroyables. On rencontre des gens qui croient en l'avenir. Et dans un monde où beaucoup s'interrogent, voire même sont dans une logique régressive, et bien, c'est une bouffée d'espoir et c'est un moteur.
Émilie Barde, je suis aujourd'hui directrice du pôle recherche et innovation et spécifiquement directrice de l'innovation. J'ai eu un parcours varié puisque j'ai exercé plusieurs postes de directrice adjointe dans des établissements de tailles différentes, dans une structure sur l’AP-HP, au centre hospitalier de Briller, au CHU de Nîmes et aujourd'hui à Montpellier. Et des directions, j'ai fait des ressources humaines, du système d'information, de la qualité. Donc voilà un parcours assez diversifié depuis, quinze ans dans les hôpitaux.
Alors ça, c'est la question, que tout le monde se pose et à laquelle nous ne sommes pas tous d'accord ou arriver à une vraie définition. Ce qui est compliqué aujourd'hui, c'est qu'il y a beaucoup justement de définition de l'innovation. Innovation organisationnelle, innovations managériales. Moi, par rapport à mon parcours et à ce que je fais à Montpellier, j'ai une vision plus restrictive, sur plutôt l'innovation, comme transférer finalement dans le monde économique des services des biens, qu'on a soit construit, soit construit, en général, avec des partenaires académiques ou plutôt industriel en fait. Donc, on a une focale quand même d'une production de quelque chose dans le monde économique. Ce n'est pas forcément, enfin qui est un peu restrictive, par rapport à ce qu'on peut entendre comme innovation.
Alors le management de l'innovation, c'est répondre, je pense à deux choses. À de la mise en relation, que ce soit de la relation interne, parce que dans nos grandes maisons, ce n'est absolument pas possible de dire, il y a juste une direction d'innovation qui s'occupe justement ces sujets. Même si on a une définition plus restrictive, ça touche forcément à d'autres collègues, d'autres directions, plusieurs services, donc il y a un côté de mise en relation interne. Et de mise en relation externe, parce qu'on est très en lien avec un écosystème, avec des métiers, des structures, des acteurs économique et politique que pas grand monde ne connaît à l'hôpital. Donc on a quand même ce rôle de mise en relation, donc ça, c'est le premier axe.
Le deuxième axe du management, c'est de donner le bon cadre. Parce que voilà l'hôpital public, c'est quand même beaucoup de réglementation, beaucoup de règles, beaucoup de choses qu'il faut respecter, beaucoup de sens, mais qui ne sont pas très propices à l'innovation. Donc notre travail de management, c'est aussi de dire, le cadre est comme ça, mais comment je travaille avec et comment je fais en sorte que l'innovation fonctionne quand même et aboutit quand même, malgré on va dire, ou avec ce cadre.
Alors, en fait, l'histoire, c'est qu'il y a eu des aventures et des organisations qui ont un peu émerger toute seule, au CHU. Notamment l'extracteur d'innovations porté par des médecins, qui vise à aller dans les services, à identifier des idées et à aider nos professionnels, à créer un produit, une entreprise, ce qu'on appelle une innovation sortante. Donc on a comme ça des professionnels qui ont fabriqué, inventé, monté des entreprises et créé des choses.
On avait structuré aussi un hub innovation qui vise à être plutôt sur de l'innovation entrante. Donc ce sont les entreprises qui ont besoin de travailler avec nous, qui n'ont pas trouvé tout seul la porte d'entrée du CHU, parce que souvent, ils y arrivent. Ils arrivent déjà avec des médecins ou avec des partenaires internes, mais des fois, ils n’y arrivent pas. Donc ce hub, c’était ce temps de rencontre.
On avait aussi de gros projets, mais on y reviendra peut-être, pour structurer l'innovation sur du numérique, sur de la biologie santé, etc.
C'est des choses qu'on accompagnés, nous, à la direction de la recherche. Et depuis une grosse année, on s'est dit bon, ça prend quand même des proportions, une dynamique et une complexité telle, qu'il faut quand même qu'on structure en face la direction de l'innovation, au sens services administratifs support. Donc on est encore en train, on n'est pas complètement au bout, mais de vraiment structurer la direction pour accompagner, ces initiatives qui sont venues du terrain toutes seules, qui me semblait le mieux. Je préfère placer la direction de l'innovation après, sur le contenu qu'avoir pensé en direction de l'innovation, finalement son contenu. Donc on l’a plutôt pensé dans ce sens et on est encore en train de se structurer, puisque j'ai, en gros, beaucoup de profils de juristes chargés de valorisation, de chef de projets. Mais il faut que je structure un peu mieux et que j’organise un peu mieux pour accompagner tous ces projets d'innovation.
Ils sont encore en train d'essayer de bien comprendre comment, parce que je suis un peu en train de casser justement l'organisation et de structurer plutôt des équipes projets autour de gros axe. Puisque, voilà, nos gros projets d'innovation sur le numérique, sur la biologie, etc., sont en train de structurer des axes. Je suis en train de mettre plutôt des équipes projets, juristes, chef de projets, etc., autour d'axes. Plutôt que la logique que j'avais avant, mon équipe de juristes, mon équipe de chef de projets, mon équipe de gestionnaires. Donc ça donne du sens, je pense, mais ils sont en train de se l'approprier, ça casse un peu les codes.
Je pense que ça donne du sens. C'est-à-dire qu'un juriste qui fait du contrat, c'est super, mais je pense que l'avoir mis autour des porteurs de projets sur le numérique que ce soit et ERIOS (Espace de Recherche et d'Intégration des Outils Numériques en Santé), l'entrepôt de données de santé. Être au service finalement de vrais projets de développements, déjà ça les spécialise parce que quand même, au final, ça fait des contrats avec une approche sur l'aspect donné ou sur l'aspect de thématiques particulières. Et puis ça leur donne du sens, d'avoir aussi les porteurs médicaux auxquels ils sont rattachés finalement et auprès de qui ils sont en conseil. Je pense que c'est quelque part plus stimulant à mon avis, dans leur exercice professionnel.
Alors complètement. Alors, il y a des choses différentes. C'est-à-dire qu'on se rend compte, puisque je gère le pôle recherche et l'innovation, donc j'ai une collègue qui fait la recherche, et moi, j'ai pris l'innovation. On a des sujets très communs. Il y a aussi des fois, on ne parle pas du tout la même chose, donc voilà, mais quand même dans le parcours de création d'une innovation, il y a certaines innovations qui ont à un moment donné un passage sur la recherche. Au sens où nous on a mis derrière la recherche finalement quand même des études cliniques et des essais cliniques avec des patients. Donc c'est vrai que certaines innovations que moi, j'appelle peut-être de manière maladroite de la low innovation, c'est-à-dire un truc tout bête, une utilisation, un usage qu'une secrétaire médicale peut avoir pensé dans son exercice professionnel. Là, on ne va pas faire d'essais cliniques. Il n'y a pas une approche de recherche clinique, par contre sur des dispositifs médicaux ou des choses plus de technologie santé, là, bien évidemment, le lien avec la recherche et est évident à un moment donné.
Donc ça dépend finalement des types d'innovations. On peut avoir des liens et un continuum avec la recherche ou pas. Donc il y a quand même beaucoup d'innovations qui se pense aussi sans la recherche.
Je pense qu'on a un objectif d'accélération. C'est-à-dire en mettant une vraiment une équipe dédiée auprès d’axe. Il faudrait être plus réactif dans la connaissance de l'écosystème, la connaissance des industriels, la contractualisation, le suivie des projets. Voilà, au bout d’un moment, quand même, ça fait des équipes qui connaissent mieux les thématiques.
Et la structuration, c'est aussi ce sécurisé quand même. C'est-à-dire qu'il faut qu'on arrive à mieux connaître un certain nombre de réglementations, pour encore une fois, bien les appliquer, les adapter, voilà les intégrer dans nos démarches d'innovation. Donc il y a ce côté quand même de professionnalisation qui est important pour moi.
Donc, moi, je suis rattachée directement au directeur général pour l'ensemble de l'activité. Avec des liens réguliers et cadrés. J'ai même envie de dire presque des liens très quotidien quasiment, avec lui, parce qu'on est sur des projets d'envergure et de positionnement stratégique. Et ça, c'est un point qui est très important.
Le message de l'innovation tel qu'en plus, nous, on l'entend, à savoir le rôle du CHU dans du développement économique, qui est quand même une rupture dans nos missions, dans nos valeurs, peut-être pas dans nos valeurs, mais, en-tout-cas, dans ce que porte en général le service public. Il faut que ce soit porté au plus haut et c'est indispensable que le directeur général puisse porter ces messages.
Il faut qu'on soit très en lien avec cet écosystème-là. Moi, il y a cinq ans que je suis dans la direction de la recherche et l'innovation. Au début, j'ai travaillé en point à point avec les entreprises. On s'est complètement noyé. C'est-à-dire qu'il y a trop d'entreprises, trop de sollicitations, on n'était pas du tout réactif.
Et ça ne fait qu’un an et demi, deux ans, où je me suis vraiment dit, et c'est comme ça qu'on a structuré notre hub innovation, il faut que je mette autour de la table des porteurs d'affaires, des pôles de compétitivité, les SATTs et l’agence de développement économique de la région. C'est à eux de nous porter, en fait, des projets et des demandes. De faire un peu le filtre, de faire le retour avec le monde économique. Parce que voilà, c'est leur métier, ils savent très bien faire et ça nous permet d'être plus efficaces de part et d'autre. C’est donc un travail très lié avec l'écosystème.
Et peut-être la spécificité, moi, je trouve qu'on a, et c'est ce qu'on a proposé à Montpellier, c'est un rôle d'accueil de l'écosystème aussi. C'est-à-dire que moi, je pense que l'innovation, on arrivera vraiment à la faire en santé, si on arrive à ouvrir encore plus que ce n'est le cas aujourd'hui, nos services à des partenaires. Alors académique, on sait faire, industriel, c'est plus compliqué. Les ressources sont à l'hôpital, les patients sont à l'hôpital, les professionnels sont à l'hôpital, ils ont du mal à sortir. Donc, le mieux c'est quand même qu'on fasse venir, les besoins et les demandeurs au plus près des services cliniques pour apporter des projets d'innovation. Je n'arrive pas à faire sortir mes médecins et je n'arrive pas à faire sortir les patients et les ressources biologiques. Ça fait très hospitalo centré, on nous l’a souvent reproché, mais malheureusement, c'est compliqué de ne pas faire in situ.
Et c'est vrai que sur le CHU de Montpellier, on a une vraie stratégie, et c'est monsieur Le Ludec qui la porte avec beaucoup de conviction et il vous l'a dit, son passage à Lille, il y a quelques années, a aussi guidé sa réflexion. On a écrit notre livre blanc architectural du CHU, pour les vingt ans à venir, avec la reconstruction d'un énorme bâtiment. Enfin un projet très ambitieux. Et en fait, il a pensé à chaque fois que ça a été possible, des espaces conséquents pour accueillir des partenaires industriels et académiques. Encore une fois, l'académique, on avait l'habitude, on a des laboratoires Inserm en nos mur depuis longtemps. Les industriels, ils venaient de temps en temps dans nos laboratoires pour un petit projet, etc. Là, on a un projet de 1200 mètres carrés, un autre de 1500 mètres carrés et un bâtiment entier sur les biothérapies. Donc, là, on a vraiment prévu de l'espace et l'accueil d'entreprises en nos murs. Donc ça, c'est assez révolutionnaire, je pense, sur l'ouverture de l'établissement. Et pour moi, c'est une vraie clé de succès de nos collaborations public-privé et de la production d'innovation, du coup, en santé.
Alors j'ai une équipe d'une dizaine... Sur l'innovation parce que le pôle recherche et innovation est bien plus important. Sur la direction de l'innovation, elle-même, une dizaine de personnes, dont principalement des profils de juristes et de chef de projet.
J'ai bénéficié historiquement de pas mal de plateformes de recherche, qu’on avait déjà structurées, donc ces personnels-là, aussi que je remobilise sur des projets d'innovation. Pour cette équipe, on panache en fait les ressources. On a, à la fois, des dotations que touche l'établissement, qu'on flèche sur l'innovation. On a l'investissement que met l'établissement, on a un gros plan tremplins recherche, recherche et innovation, parce que ces cinq millions d'euros par an qu'on met pour soutenir nos équipes initialement de recherche, mais du coup d'innovations aussi. Et puis dans les contrats, qu'on passe avec les industriels ou les partenaires, et bien, on a des modèles économiques, où on finance aussi une partie des équipes support, parce qu’il y a besoin de ces équipes pour suivre les projets, contractualiser, assurer le suivi, etc. Donc ça commence quand même à faire des enveloppes intéressantes pour structurer une équipe.
Non, ce n'est pas trop inspiré, on a un peu fait au feeling et beaucoup fait au besoin, en fait. Ce qui est plus compliqué quand même, pour mes équipes, c'est le reengineering un peu permanent, quoi. C'est-à-dire que, là, on a déposé de gros appels à projets, que ce soit celui de tiers-lieux d'expérimentation, l’appel à projets numériques. On a de gros financements qui arrivent sur la biothérapie, etc. On cale nos axes un peu aussi au fur et à mesure des projets qui arrivent. Ce qui n'est quand même pas le plus simple non plus pour les équipes. Voilà, donc on a plutôt fait pour répondre aux besoins qui étaient les nôtres, que vraiment chercher un modèle d'organisation interne.
Je pense que la structuration de l'innovation a apporté, quand même, une image du CHU, de son ouverture, des nouveaux liens qu'on a créés avec l'écosystème. Des gens comme les pôles de compétitivité, aujourd'hui, sont extrêmement content de travailler avec nous. Ils nous ont vraiment bien identifiés. On a aussi aujourd'hui, des partenaires, avec des gens comme la DRESS, les représentants en région du ministère de l'Economie et des Finances. Moi, il y a encore deux ans, je travaillais beaucoup avec le ministère de la Santé et celui de l'Enseignement supérieur et de la recherche. Aujourd'hui, on est identifié et on travaille avec des interlocuteurs qui n'étaient pas les nôtres jusque-là. Je pense que ça, c'est important pour montrer ce qui se passe, quand même, dans le CHU et la dynamique de l'établissement.
La mise en œuvre de gros projets, c'est-à-dire que là, on a vraiment tenu des projets de grosse envergure. On est encore en train de déposer aussi des projets de RHU, que j'espère voir aboutir. Donc après, il y a vraiment, maintenant, des phases opérationnelles concrètes qui sont devant nous. On va rentrer dans le dur sur certains dossiers, on va dire.
Je pense que le côté écosystème, quand même l'innovation, on touche après à des sujets qui ne sont pas clairement l'ADN du CHU au départ. Quand même des développements économiques, des business modèles, etc., on sait en faire, mais l'activité académique d'un hôpital et du soin, donc savoir s'entourer et travailler avec l'écosystème, savoir être conseillé par des juristes en droit des sociétés, par des cabinets, quand même, qui connaissent certains montages financiers. Alors pas pour tous, mais quand on commence à être sur des choses d'envergure et des négociations avec des grosses entreprises, c'est aussi prudent et nécessaire qu'on s'appuie sur des expertises extérieures.
C'est vrai que c’est une question difficile. Qu'est-ce qu'on ferait différemment ? Qu'est-ce qu'on ferait différemment ? Je ne sais pas ce qu’on ferait différemment, je ne sais pas.
L'aspect, peut-être, conseil encore plus fortement. C'est-à-dire que là, je me rends compte. Aujourd'hui, on prend des conseils complémentaires sur certaines structurations dans les startups, dans les entreprises, qui arrivent peut-être tardivement. Ça, je pense que oui, ça, c'est le bon conseil. C'est que quand, notamment sur les prises de participations, par exemple. Quand on est au début de l'aventure, que les entreprises ont beaucoup besoin des établissements de santé, qu'on ouvre beaucoup de portes, qu'on sécurise beaucoup de choses. C'est le bon moment pour négocier la place de l'établissement de santé dans les pactes d'actionnaires, dans l'organisation de la structure. Parce que, quand après, il y a des levées de fonds, et notre métier, ce n'est pas quand même faire des apports financiers conséquents, on peut être facilement noyer dans les entreprises. Donc, voilà, la négociation initiale, bien accompagnée par des cabinets, s'il faut, est très importante pour garder la main dès le départ.
Je crois assez qu'on a un rôle en tant que CHU, de participer à un développement économique pertinent. On l'a fait beaucoup en recherche clinique sur les médicaments, les dispositifs médicaux arrivent. Sur le numérique, sur d'autres outils, il faut que nos professionnels comprennent que pour avoir des bons outils, des bons produits demain pour eux et pour nos patients, on a un rôle à jouer en termes de validation, de méthodologie, de co-développement. Donc ça, c'est un point vraiment important de dire, on a cette mission de donner les clés pour avoir un développement économique pertinent.
Alors ça m'apporte et ça m'a apporté quand même beaucoup de fraîcheur, parce qu'on touche des sujets assez géniaux, assez inventifs. Et j'ai le plaisir avec Monsieur Le Ludec d’essayer de trouver des concepts, des organisations, des montages, une place d’un CHU... Qui sont voilà, c'est assez grisant de réfléchir à tout ça. Ça nous sort d'un quotidien hospitalier qui n'est pas toujours simple. Donc il y a un vrai plaisir de réfléchir sur ces sujets-là.
Florence Dupré partage son expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de cet entretien, elle nous donne sa définition de l'innovation et du management de l'innovation. Elle nous présente sa vision d'une direction hospitalière de l'innovation et nous détaille les objectifs, le positionnement et les moyens qu'elle lui donnerait. Enfin, elle partage avec nous de précieux conseils pour qu'un établissement de santé collabore au mieux avec les autres acteurs de l'innovation en santé.
Bonjour, je suis Florence Dupré, présidente de Medtronic France, Metronic leader des technologies de santé dans le monde. Mon parcours est le suivant : j'ai rejoint Metronic il y a 2 ans maintenant pour en prendre la présidence, et précédemment j'étais dans les industries du médicament. De formation, je suis scientifique, à normal sup et puis j'ai été complété mon cursus par un cursus marketing à l'ESSEC.
Alors pour moi, l'innovation c'est produire quelque chose, c'est permettre de faire quelque chose qui n'était pas possible de faire avant. Bref il doit y avoir un avant et un après, ça doit être nouveau, ça doit aussi être utile et ça doit être utilisé parce qu'une innovation qui n'est pas utilisée, elle ne sert pas à changer le monde dans lequel on vit. Les innovations sont multiples : elles peuvent être technologiques, elles peuvent être organisationnelles, de financement. Il y a aussi de l'innovation qu'on peut mettre dans les process : on peut inventer une autre façon de manager nos process et des process qu'on peut dire innovants. On peut aussi avoir un leadership innovant : on peut inventer une autre façon de mener nos équipes vers le succès, de développer nos équipes. On peut créer de façon innovante des cultures apprenantes, bref c'est quelque chose de très multiple. C'est aussi un élément qui doit être systémique parce que il ne faut pas qu'on saucissone l'innovation avec les différentes dimensions dont je viens de parler. Ca doit être quelque chose qu'on infuse, qui est systémique et qui permet que, quelque part, la somme soit supérieure à chacune des parties, le résultat est supérieur à la somme des parties. Je l'ai dit il faut qu'elle ait un impact et nous, Medtronic, en tant que leader des technologies de santé, ce qui est important pour nous, c'est de contribuer à changer la médecine de demain, la chirurgie de demain, et c'est l'empreinte qu'on souhaite laisser à travers des projets innovants.
En tant que dirigeante, je suis responsable du cadre, et quand on parle de management de l'innovation, le cadre qu'on met en place va permettre ou pas d'aller vers de l'innovation. La première chose qui est importante, c'est d'avoir un management inclusif. Moi c'est vraiment une valeur à laquelle je suis totalement attachée parce que c'est ce qui permet ce qu'on dit en anglais, ce qu'on appelle en anglais le speak up, c'est à dire que quelqu'un puisse venir nous dire à un moment qu'on va dans le mur ou qu'on est parti dans la mauvaise direction et, nous interroge, nous questionne, et que l'on puisse les entendre pour qu'ils puissent contribuer à apporter leur valeur ajoutée. Donc un, un management inclusif : pour moi c'est la pièce maîtresse d'une société qui se veut innovante. La deuxième chose c'est que l'innovation ça s'invente pas : il y a des méthodologies, il y a des formations, il y a des process à mettre en place, donc ça c'est important d'être structuré dans le management de l'innovation c'est-à-dire d'avoir des cursus de formation, d'avoir des process. Trois, c'est de donner du temps : en tant que dirigeant, il faut accorder des temps qui ne sont pas des temps morts mais qui sont des temps propices à générer de l'innovation c'est à dire ne pas être en production, mais être en période de création et de créativité. La dernière chose qui est vraiment est essentielle dans le management de l'innovation, c'est le reward, c'est à dire la façon dont on va récompenser les personnes qui vont apporter de l'innovation. C'est très important de se dire et bien qu'il y a un droit à l'erreur parce que dès qu'on a une culture qui donne pas le droit à l'erreur, ça tue l'innovation. Donc le droit à l'erreur c'est important. Moi, en tant que dirigeante, je suis très souvent saisie par mes équipes, par des communautés qui se sont mises en place sur certains sujets, et qui vient de me voir, et parfois je comprends pas tout de suite là où elles veulent en venir mais en les écoutant, en comprenant la façon différente qu'elles ont de penser et d'avoir processé leur innovation, et bien il faut se donner ce droit aussi en tant que dirigeante à l'incompréhension, se dire qu'il y a des personnes personnes qui vont apporter des idées qu'on n'aurait pas eu nous-mêmes, les repérer, leur donner leur place, et bref permettre ce qu'on appelle ce "test on learn" : cette agilité, cette collaboration, et puis se dire que l'innovation c'est l'affaire de tous et de toutes, et donc il faut l'infuser au plus près de nos business, au plus près de nos managers dans une culture apprenante.
Je pense que c'est important de séparer la direction Recherche & Développement et la direction de l'innovation. Recherche & Développement et Innovation sont des choses distinctes mais connectées. Il est important que la direction de l'innovation reporte directement à la direction générale. Pourquoi ? Parce que si on veut que l'innovation soit l'affaire de tous et de toutes, la meilleure place qu'on puisse lui donner, c'est une place stratégique, en direct avec la direction générale : c'est là où elle pourra infuser partout. On l'a dit tout à l'heure, l'innovation est bien plus large que le domaine de la Recherche & Développement. On peut l'appliquer à bien d'autres choses donc c'est en cela qu'il est important qu'elle reporte à la direction générale et puis cette distinction aussi entre les deux, c'est que la Recherche & Développement est quelque chose de très structuré, de très réglementé, et l'innovation finalement c'est la partie la plus créative. Autre chose qui est importante de garder en tête, c'est que parfois l'innovation peut servir la Recherche & Développement en permettant à la Recherche & Développement d'être plus créative, plus efficiente, plus efficace et donc progresser. Et puis pour nous industriels, c'est important dans les directions générales des établissements, dans ces services, d'avoir des personnes qui sont dédiées à l'innovation. Pourquoi ? Parce que l'innovation c'est un langage différent, c'est une culture différente, c'est des process, c'est des formations différentes et donc avoir un interlocuteur qui partage le même langage ça peut nous permettre d'aller ensemble beaucoup plus loin.
Moi, je peux partager avec vous quelque chose qu'on a mis en place chez Metronic, donc par la direction de l'innovation, et en trois ans, on a formé plus de 100 collaborateurs et collaboratrices aux techniques de l'innovation. Ce programme s'appelle "destin action". Son objectif, au-delà de la formation, c'est de pouvoir faire un appareillage entre des ambassadeurs qui ont envie de s'investir, de progresser, de grandir sur les méthodes d'innovation avec des startups, qui ont été sélectionnés, et puis de les faire travailler ensemble autour de projets parce que c'est important de parler innovation mais pas de façon théorique, de façon concrète. Donc elles ont travaillé sur des projets avec des startups et y compris des projets de commercialisation, pour permettre la commercialisation de produits qui auront été co-créés entre nos employés et les startups. Bref, elles apprennent en faisant et notre objectif et bien, c'est de continuer à insuffler cette culture de l'innovation dans laquelle chacun et chacune peut grandir, et de former plus de d'ambassadeurs et de travailler sur plus de projets d'innovation. Donc toujours pour moi, aller vers l'humain, utiliser l'humain, la culture pour faire grandir l'innovation dans l'entreprise et voilà la recette que je peux partager avec vous.
Alors je dirais non, il y a pas de continuum nécessaire entre l'innovation et la Recherche & Développement, parce que l'innovation est plus large que la Recherche & Développement, et quand on fait de l'innovation en termes managériale, de process, de leadership ou d'organisation d'un service, on n'est pas forcément dans un projet de recherche. Parfois, parce que on travaille sur de l'innovation, on peut aider la Recherche & Développement à être plus innovante. Et donc elle peut soit précéder la Recherche & Développement, soit être intégrée à la Recherche & Développement, soit être après la Recherche & Développement. Donc il n'y a pas forcément de continuum : l'important c'est que la direction de l'innovation reporte à la direction générale pour être au cœur de la stratégie et toucher l'ensemble des départements
Alors si je devais créer un département innovation dans un établissement de santé, le premier objectif que je fixerai, c'est le changement culturel. Comment insuffler l'innovation au sein des équipes ? Donc c'est essentiellement le premier projet, c'est comment insuffler cette innovation dans l'établissement. La deuxième chose, c'est que si on veut apporter des projets innovants qui vont vraiment changer les choses, il faut répondre à des enjeux. Donc il faut identifier pour l'établissement les plus gros enjeux. Alors il y en a qui sont face à nous comme celui de la santé numérique, comme celui de l'intelligence artificielle, de la gestion des données, donc on peut on peut avoir tous ces enjeux qui sont confiés à une direction de l'innovation mais en premier le changement culturel.
Alors sans équivoque, je positionnerai une direction de l'innovation dans un établissement de santé au niveau de la direction générale : c'est là où elle a sa place. C'est lui donner une dimension stratégique et surtout systémique.
Alors on est tous, qu'on soit industriel ou établissement de santé, dans un écosystème et c'est important de travailler avec les différents éléments de cet écosystème, que ce soit les partenaires privés, industriels, avec les hôpitaux mais aussi et surtout n'oublions pas les patients, parce que on est dans le soin, on est dans la santé et c'est important de les intégrer. Donc cette collaboration publique/privée, en tenant compte des associations de patients, des enjeux qu'ils peuvent avoir, de la vie au quotidien des patients dans les établissements de soins on peut apporter beaucoup d'innovations là aussi.
Pour moi les hospitaliers ont besoin, pour mieux innover, d'avoir du temps qui est consacré à l'innovation, à la réflexion, à la créativité. Un exemple nous en interne, dans notre projet "destinaction", on avait décidé de donner 20 % de temps disponible pour nos ambassadeurs. Donc le temps c'est important, ce qui est aussi important c'est la méthode donc toujours, on revient sur ces éléments de formation. Donc du temps, de la méthode de formation et puis cette ouverture sur l'extérieur, cette capacité à regarder ce qui se passe dans l'écosystème. Et puis quand on réunit tout ça, on permet aux cadres hospitalier aussi de réenchanter leur quotidien parce que c'est important de passer du temps sur des choses qu'on aime et de réenchanter son quotidien, c'est vraiment quelque chose que l'innovation nous permet de faire : ça nous fait rêver.
Les facteurs clés de succès. Le premier c'est d'impliquer par essence les collaborateurs : ça ne peut pas être une direction déconnectée de l'ensemble des collaborateurs d'un établissement de soins. Donc ça c'est le premier point. Le deuxième, c'est qu'il y a des directions hospitalières qui s'y sont mises, qui ont mis en place des choses, c'est toujours important, en termes d'innovation d'aller faire du benchmark, d'aller regarder ce qui se passe à l'extérieur, que ce soit auprès de vos collègues directeurs d'établissements ou que ce soit auprès d'industriels. Donc s'ouvrir à l'extérieur et puis impliquer vos équipes pour pas que ce soit de l'innovation en chambre. L'innovation en chambre elle ne produit rien de bon, il faut qu'elle soit systémique et chaleureuse et au cœur de nos organisations.
Je dirais qu'on a pas le choix si on veut pouvoir progresser, si on veut répondre aux enjeux de la santé de demain et on sait qu'ils sont importants. Le monde dans lequel on vit est un monde de plus en plus complexe. L'innovation, l'agilité c'est la clé pour arriver à progresser donc je dirais qu'on a pas le choix. Il faut créer une direction, se donner les moyens de mettre l'innovation au cœur de nos organisations, qu'on soit industriels ou qu'on soit directeur ou directrice d'établissements : c'est une vraie force pour l'avenir.
Alors oui les innovateurs ont besoin d'être accompagnés. Ils ont besoin d'être accompagnés au niveau fondamental, en termes de méthodologie, en termes de formation, en termes de compréhension : ça bouge très vite la théorie de l'innovation. Ils ont aussi besoin d'être accompagnés dans un cadre qui leur permette d'avoir ce fameux droit à l'erreur. On peut pas innover tout seul dans son coin, c'est quelque chose de de collaboratif, c'est quelque chose de systémique et donc il faut leur donner un cadre dans lequel ils peuvent expérimenter aussi sur du concret. Parfois ce ne sont pas des énormes ou des grosses innovations qui vont révolutionner d'un coup d'un seul. Une grande innovation parfois elle vient de petites innovations qui vont s'enchaîner les unes avec les autres, vous savez cette espèce de start learning qui permet de d'avancer et au final qui aboutissent à des choses qui sont marquantes. Et ce droit à l'erreur, ce droit à l'expérimentation, il est absolument fondamental donc oui il faut les accompagner pour créer une culture de l'innovation et de l'expérimentation.
Alors je crois que ce qui est important, c'est que l'innovation puisse être reconnue donc qu'elle puisse être évaluée de la bonne façon. Quand on se place au niveau des technologies de santé, si on change pas les critères d'évaluation, on n'arrive pas à financer l'innovation. Donc, ouvrir nos critères d'évaluation, de ce que sont des innovations, de ce qu'elles apportent en termes d'efficience en santé : parce qu'il s'agit pas uniquement d'être dans la Recherche & Développement et apporter quelque chose de clinique. Il y a aussi de l'innovation organisationnelle, donc ça nécessite de changer son schéma de pensée, sur l'évaluation de l'innovation, donc ça c'est le premier point. Le deuxième point, c'est que quand on innove, on innove pas dans son coin. On innove au sein d'un établissement, on innove entre un établissement et des industriels, on innove entre un établissement et des associations de patients, donc il faut décloisonner, ne plus considérer qu'on est contre mais au contraire, qu'on est avec, et que c'est en toute logique qu'on construit avec. Donc c'est le deuxième point c'est décloisonner pour permettre à l'innovation de donner pleinement son effet et de changer nos vies et de changer nos modèles organisations.
Frédéric Espenel et Juliette Daeschler partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent le GHT Navarre Côte Basque et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Bonjour, je suis Frédéric Espenel, directeur du Centre Hospitalier de la Côte Basque et de quatre autres établissements qui sont insérés dans le Groupement Hospitalier de Territoire Navarre Côte Basque. Je suis arrivé à Bayonne il y a maintenant deux ans et demi après un long parcours partout en France.
Je dirais que l’innovation, c'est surtout un processus d'accompagnement du changement, ou plus exactement un processus qui permet de résoudre un problème qui se pose à une équipe, et de le résoudre de façon collective.
Le management de l'innovation, peut-être, comporte plusieurs étapes. La première étape, c'est de rendre cette notion familière à tous, que chacun puisse se l'approprier, ne pas en avoir peur et se dire qu'au fond, on peut faire de l'innovation partout où l'on est et quelle que soit la place qu'on occupe dans l'établissement.
La deuxième étape, c'est sans doute libérer les énergies et envoyer le signe à chacun qu'il est possible d'innover à l'hôpital.
Et la troisième étape c'est aussi d'intégrer l'hôpital dans un écosystème, puisque l'innovation ne peut pas se faire seul. L'hôpital ne peut pas être seul pour mener l'innovation : il faut qu'il soit effectivement inséré dans un écosystème propice à l'innovation.
Alors la direction de l'innovation de notre GHT est une direction jeune puisqu'elle a maintenant un peu plus d'un an.
Il y avait plusieurs raisons à la création de cette direction l'innovation. D'abord je pense que c'est un levier managérial très important : je pense qu'envoyer le signe aux équipes que l'on peut faire de l'innovation dans notre GHT, c'est aussi envoyer le signe qu'on est un GHT dynamique et en termes d'attractivité, de fidélisation ça me semblait quelque chose de très important pour les équipes médicales, mais pas seulement : aussi pour les paramédicaux et l'ensemble des personnes qui travaillent à l'hôpital. Donc ça c'était la première raison.
Et la deuxième raison, c'était aussi l'idée qu'il existe déjà de l'innovation dans nos établissements et que la création d'une direction de l’innovation permettait de rendre visible toutes ces actions un peu éparses, dispersées, parfois individuelles qui existent et qu'il me semble intéressant de fédérer au sein de cette direction de l'innovation.
L'élément déclencheur, ou plus exactement le facteur qui a facilité et justifié la création de de cette direction d'innovation, c'est qu’au moment où l’on a écrit le projet d'établissement, qui est un projet d'établissement commun à l'ensemble des établissements du GHT, au moment où l’on a écrit ce projet d'établissement, la dimension de l'innovation, avec la recherche et la formation sont apparus comme des dimensions essentielles et forment l'un des cinq piliers de notre projet d'établissement. Donc dans la mesure où il fallait accompagner ce volet-là du projet d'établissement, il fallait une direction qui puisse suivre les travaux dans le domaine.
Je crois que les collaborateurs ont accueilli favorablement la création ou l'individualisation de l'innovation au sein de notre organigramme, comme un signe qu’encore une fois, la gouvernance du GHT portait une attention particulière à cette dimension de l'innovation, qui est importante en terme d'attractivité, je l'ai dit ,qui est importante aussi en terme de transformation écologique, qui est importante en terme de positionnement de nos établissements, dans un contexte qui est concurrentiellement fort ici sur le territoire. Tous ces facteurs sont des facteurs qui ont été de nature à faire accueillir favorablement la création de cette direction d'innovation.
Oui, on est allé regarder un peu partout ce qui se faisait en matière de d'innovation, sachant que dans le milieu hospitalier, en particulier l'innovation est jusqu'à présent plutôt réservée aux CHUs. Donc le sujet c'est finalement de trouver un modèle qui soit propre à un Centre Hospitalier, à un GHT de notre taille, qui est quelque part autour d'un petit CHU, mais sans évidemment la dimension universitaire.
Donc il fallait inventer un modèle et j'allais dire que l'innovation, elle est aussi dans la façon dont on structure cette direction de l'innovation, c'est-à-dire qu'on va pas à pas, on tâtonne et on va progressivement arriver sans doute au modèle qui va nous convenir.
Les moyens nécessaires à l'innovation sont sans doute différents selon le type d'innovation que l'on veut promouvoir. Alors on pense souvent à l'innovation technologique qui, de façon un peu évidente, nécessite peut-être des moyens. Ce qu'on essaie de montrer aussi, c'est que l'innovation n'est pas simplement technologique : elle est aussi managériale, organisationnelle, que tout ça ne nécessite pas nécessairement beaucoup de moyens, et peut-être, peut parfois d'ailleurs aussi générer des économies, qui est, dans le contexte des difficultés budgétaires que connaissent tous les hôpitaux publics, aussi un axe fort.
Après sur le volet de la transformation technologique, et d'ailleurs sur l'ensemble des volets de l'innovation, la colonne vertébrale, c'est aussi des dispositifs numériques, sans doute solides, et sur ce volet de l'innovation numérique, il nous a semblé qu'il fallait passer un cap. Et c'est sans doute ce préalable là qu'il va être nécessaire de franchir.
La feuille de route de la direction de l'innovation, c'était d'abord mieux connaître notre écosystème puisqu’en fait, il m'est apparu, en arrivant ici à Bayonne et dans le Pays Basque, que le Centre Hospitalier, malgré ses 5000 collaborateurs, malgré la puissance économique qu'il entraîne, n'était pas perçu forcément par nos interlocuteurs à l'extérieur comme un élément d'innovation sur le territoire, aussi parce qu'on ne connaissait pas les acteurs de l'innovation sur le territoire.
Donc la première étape était de faire connaître le CHCB et le GHT, de faire connaître son ambition en matière d'innovation et d'aller à la rencontre des acteurs institutionnels, économiques du territoire qui pouvaient travailler avec nous cette dimension de l'innovation. Tout ça, ça prend déjà beaucoup de temps surtout dans un territoire aussi riche que le nôtre en termes d'innovation.
La deuxième étape, celle qui est en construction, c'est celle de la création d'un dispositif interne d'aide à l'innovation, qui passe comme je le disais, d'abord par une appropriation collective de ce sujet de l’innovation, et va passer maintenant aussi dans la création des outils internes de recueil des volontés d'innovation à l'échelle du GHT, et d'accompagnement de ces initiatives, avec l'idée de devenir plus agile, plus souple et de permettre de répondre plus vite et plus facilement à ces propositions d'innovation.
La direction de l'innovation est une direction à part entière, au même niveau que les directions fonctionnelles classiques, que sont la direction des ressources humaines ou la direction des finances. Pour moi il y a vraiment un signe égal entre toutes ces directions .
Le GHT peut d'abord être de manière assez évidente un terrain d'entraînement, un terrain d'essai pour un certain nombre d'innovations qui sont porté par des start-up ou des entreprises locales : ça c'est sur le volet sans doute de l'innovation technologique. Mais c'est aussi un terrain d'essai pour de l’innovation managériale ou de l'innovation organisationnelle, compte tenu de la très grande diversité des activités qu'on trouve au sein d'un Centre Hospitalier. Il a fallu que j'explique à un certain nombre de nos partenaires qu’on avait par exemple des activités industrielles comme la blanchisserie la restauration, qui peuvent aussi pour des entreprises être des terrains de d'exercice pour de l'innovation.
Je crois très fort à ce dialogue entre les établissements hospitaliers et leur territoire : les entreprises du territoire et les institutions du territoire, quel que soit finalement le prisme que l'on prend. Et le prisme n'est pas forcément celui de la santé au sens strict.
Le premier impact que l'on a perçu, c'est qu'on est désormais beaucoup mieux repéré dans l'écosystème territorial et que maintenant, des entreprises, des laboratoires, des institutions viennent nous chercher pour parler d'innovation avec nous. Donc ça c'est pour moi une première victoire.
Ce qu'il nous reste à faire maintenant, c'est effectivement créer ce dispositif d'incubation interne, ce dispositif d'intrapreneuriat : c'est ça que j'aimerais pouvoir mettre en œuvre, il nous reste à le faire maintenant.
Les retours que je reçois du terrain, c'est qu’effectivement, ça donne une image dynamique et positive de notre établissement. Ça donne envie à des personnes au sein de l'établissement se lancer dans des initiatives. Et puis ce qu'on s'applique à faire aussi, c'est faire connaître ce qui existe déjà. Donc on essaie de développer la communication autour des actions d'innovation qui peuvent être portées par les uns ou par les autres, et ça crée une espèce d'émulation et ça permet en tout cas à quiconque aurait envie de se lancer dans l'aventure de se dire « c'est possible puisque j'ai un collègue ou j'ai un confrère qui s'est lancé dans l'aventure ».
Ce que je retire de cette un peu plus d'un an d'expérience, c'est que finalement, il faut beaucoup de temps. Alors on peut être impatient mais il faut poser les fondations c'est-à-dire comme je le disais, d'abord s'inscrire dans un écosystème, bien le connaître, se faire connaître de lui, poser les fondations aussi en interne de ce que c'est l'innovation. L'innovation ça peut parfois être perçu comme un grand mot très compliqué alors qu’au final, il faut expliquer que ça peut être quelque chose de très simple, qu'on peut faire à n'importe quelle échelle et sur n'importe quel sujet, et que tout ce qui permettra de changer l'organisation, de répondre à un problème du quotidien, c'est de l'innovation. Donc cette étape-là, il faut prendre le temps de de la mener.
Il faut aussi expliquer que l'innovation ce n’est pas antinomique, ou plus exactement, il faut expliquer que l'innovation n'est pas rendue impossible par les difficultés budgétaires de l'hôpital. Au contraire l'innovation, c'est peut-être aussi une réponse aux difficultés budgétaires de l'hôpital, que l'innovation ne nécessite pas comme on disait forcément beaucoup de moyens et que l'innovation, c'est aussi un moyen de s’aérer, de trouver une dynamique positive, de sortir d'un discours qui parfois est un peu plombé par ces difficultés budgétaires que connaissent les établissements publics.
Alors si un collègue souhaitait créer une direction d'innovation, je lui dirais de foncer. Parce que comme je le disais, ça offre une perspective un peu positive dans le contexte actuel des établissements publics.
Après il ne faut pas que cette création d'une direction de l'innovation apparaisse déconnectée du fonctionnement, des attentes et du projet de l'établissement. Donc il faut d'abord s'assurer qu'il y a une appétence du terrain, j'allais dire, pour l'innovation, ce qui était le cas ici avec des équipes médicales, paramédicales, administratives, techniques, et logistiques, qui avaient envie de porter cette dimension. Donc il faut d'abord évidemment soit s'assurer que le terreau est fertile, soit le soit le fertiliser, j'allais dire, pour que cette dimension émerge au sein de de l'établissement. Ça doit vraiment être porté comme un axe stratégique du projet de l'établissement. En fait l'innovation, elle est transversale, elle n’est pas à côté du reste, et c'est sans doute ça qu'il faut porter très fort : c'est-à-dire que l'innovation est contributive du développement de l'établissement.
Comme je le disais, terreau était fertile, l'établissement était sans doute mûr et en attente de cette création de la direction d'innovation. Sans doute il faut accompagner cette création de beaucoup d'information pour expliquer les raisons de la création de cette direction. Alors c'était facilité par le fait que c'était un axe prioritaire du projet d'établissement donc ça semblait légitime d’enclencher quelque chose, mais notamment je pense qu'il faut bien insister sur le fait que l'innovation elle est partout, à toutes les échelles, qu'elle est légitime dans un Centre Hospitalier qui n'est pas un Centre Hospitalier Universitaire, que l'innovation n'est pas seulement technologique et que l'innovation ne coûte pas forcément beaucoup d'argent.
Alors ça semble assez évident de dire que si l’on n’avance pas, on recule. Pour moi l'innovation c'est la condition sine qua non d'un hôpital public fort sur son territoire.
Ce qu'elle m'a apporté professionnellement, c'est d'abord la connaissance et la mise en en relation avec tout un pan du territoire, et des acteurs du territoire que je ne connaissais pas forcément jusqu'à à présent. Ça permet aussi à un chef d'établissement de connaître beaucoup plus finement son territoire, les acteurs du territoire et les personnes avec lesquelles il va pouvoir travailler sur le territoire, et ça c'est un enrichissement professionnel très fort.
Bonjour, je m'appelle Juliette Daeschler, je suis directrice adjointe au Centre Hospitalier de la Côte Basque, chargée des affaires médicales, de la recherche et de l'innovation.
J'ai pris mon poste en janvier 2023, ça fait un an et demi. Et auparavant je travaillais à Paris, au ministère de la santé et au ministère des affaires étrangères sur la coopération internationale en santé.
L'innovation, pour nous, pour un établissement de santé, c'est de répondre à un besoin des professionnels ou des usagers en y apportant une solution qu'on a défini collectivement et qui apporte de la nouveauté, soit à travers nos organisations, soit à travers une technologie ou d’un nouveau médicament.
Le management de l'innovation, pour nous, c'est d'essayer de structurer la démarche d'accompagnement de l'innovation. D'abord l'innovation interne : comment on stimule et puis ensuite, on canalise les idées des collaborateurs pour en faire des projets.
Il y a aussi le management de l'innovation externe : là c'est un travail de veille qu'on effectue nous pour pouvoir intégrer de l'innovation, dans organisations et dans nos établissements.
Alors la direction, elle a été créée à mon arrivée en janvier 2023 : c'était une volonté du directeur et de la présidente de CME de soutenir institutionnellement ce sujet-là. Et d'ailleurs comme vous l'avez dit, on en a fait un axe fort de notre projet d'établissement.
Donc comment on l'a créé ? D'abord on a essayé de regarder un peu ce qui se faisait ailleurs, d'abord dans les établissements de référence à la matière en CHU, qui peuvent nous apporter de l'expertise et nous aider mais comme les contextes et les moyens sont bien différents entre un Centre Hospitalier Universitaire et des Centres Hospitaliers comme ceux de notre GHT, évidemment on s'adapte et on fait aussi avec les moyens, petit à petit.
Oui je pense. Ça a suscité quand même des interrogations : est-ce qu'un centre hospitalier est innovant et doit se doter d'une direction de l’innovation ? Quel allait être son périmètre à cette direction ? Est-ce que ça voulait dire qu'avant on n'innovait pas dans l'établissement ?
Voilà il y a eu des questions un petit peu comme ça mais globalement on a essayé d'y répondre, on continue d'essayer d'y répondre parce qu'on est encore en train de se structurer.
Aujourd'hui, j'en identifie plusieurs. Déjà, il y avait déjà une démarche, déjà des projets innovants au sein du GHT et en fait la direction permet de les valoriser, de les mettre en lumière et puis aussi de faire connaître au sein même de nos organisations, d'une équipe à une autre, ce qui se fait dans un service, donc ça nous enrichit en interne.
Et en externe ça nous a aussi permis de rencontrer beaucoup plus d'interlocuteurs de notre écosystème en local, en régional, en national, pour voir ce qui se fait ailleurs et pour nous aussi être identifié comme un potentiel partenaire pour des projets innovants.
Il y a des grandes dynamiques puisque c'est une seule direction chez nous. En Centre Hospitalier, on a souvent des directions fonctionnelles avec périmètre assez large. Donc comme je disais, je suis à la fois directrice des affaires médicales, de la recherche et de l'innovation. Donc forcément ça crée du lien puisqu'on est des petites organisations où les mêmes personnes ont plusieurs casquettes. Après la réalité c'est qu'aujourd'hui dans cette direction, la majorité des personnels sont dédiés à l'activité de recherche et côté innovation, on commence seulement à se structurer. Donc les liens sont évidents mais on voudrait ne pas complètement fondre les deux équipes et les deux sujets parce qu'on considère qu’il y a des synergies, mais que les interventions, le rythme de la recherche et de l'innovation sont très différents et qu’il faut deux équipes.
Alors oui effectivement, on essaie au maximum de structurer les choses au niveau du GHT sur la recherche et l’innovation, mais sur l'ensemble des directions fonctionnelles plus largement. On est un GHT assez intégré avec une direction commune sur l'ensemble des établissements, donc ça nous aide beaucoup et ça nous engage aussi à travailler pas seulement là où on vient travailler physiquement mais en ayant toujours un œil sur ce qui se fait dans les autres établissements.
Concrètement sur la recherche et l'innovation aujourd'hui, c'est quand même le Centre Hospitalier de la Côte Basque l’établissement support qui est le navire, qui a le plus en tout cas sur la recherche d'activités mais sur l'innovation, par exemple, on a des projets qui se développent sur d'autres établissements. Notre établissement public de santé de Garazi a été lauréat d'un appel à projet européen avec des partenaires espagnols et français sur un projet d'organisation d'innovation organisationnelle pour revoir la manière dont on délivre les soins de rééducation aux personnes âgées dans les territoires ruraux. Pour moi concrètement ça veut dire que je me déplace évidemment, j'y vais et puis je travaille avec les équipes médicales et la direction déléguée sur site qui sont les relais, qui sont sur le terrain tous les jours dans les autres établissements.
On a fixé quelques objectifs. Le premier objectif c'était de réfléchir à la démarche, de la structurer. Donc ça c'est un objectif qui est au long cours puisque je considère qu’on n’est pas encore mûr dans notre organisation. Comme je l'ai dit, on y va petit à petit, le premier objectif c'était voir ce qui se fait ailleurs, comment ça pourrait s'adapter chez nous, qu'est-ce qu'il y a de spécifique chez nous ? J'ai déjà parlé du fait qu'on était dans un GHT intégré donc ça je pense que par exemple, c'est quelque chose dont on doit tenir compte et qu’on ne retrouvera pas forcément dans tous les autres établissements.
Le deuxième objectif de diffuser une culture de l'innovation en interne puisqu’il y a des niveaux de de sensibilité, d'acculturation très hétérogènes en fonction des équipes : l'idée c'est d'insuffler un peu ce ça de manière transversale et de ne pas travailler qu’avec ceux qui le font déjà, de mettre le pied à l'étrier à d'autres. Par exemple cette année, on a consacré notre journée annuelle des managers à la thématique de l'innovation et on a rencontré un certain succès un intérêt je pense de la part des participants.
Le troisième objectif c'était de créer du lien avec l'écosystème : voir quelles sont les forces en présence en local, régional, national, comment on peut s'appuyer sur ce qui existe déjà dans un secteur qui est quand même dense et complexe à appréhender ? Et nous mettre aussi sur la carte et être considéré pouvoir être contacté pour des projets, des partenariats.
Alors la direction c'est une direction fonctionnelle comme toutes les autres directions du GHT, même si le sujet est éminemment transversal et que je m'appuie beaucoup sur les collègues et les équipes des autres directions. Après on a récemment structuré une gouvernance recherche et innovation : on a mis en place un comité stratégique recherche et innovation, composé de médecins et de soignants qui ont pour mission de définir notre stratégie médico-soignantes et nos priorités en termes de recherche et d'innovation. Ce comité s'appuie aussi sur un système de correspondant recherche et innovation dans chacun des pôles : on a fait un appel à candidature pour qu'il y ait une personne qui soit notre référent recherche et innovation dans les pôles, qui puisse être notre porte d'entrée et qui puisse aussi nous faire remonter les informations et les projets de chaque pôle et de chaque établissement du GHT.
On essaie comme je le disais de bien s'implanter dans l'écosystème et d'en tirer tous les parties et les avantages qu'on peut. On travaille beaucoup avec la communauté d'agglomération Pays Basque qui a une politique très volontariste de soutien à l'innovation, de développement économique du territoire. Et donc nous dans ce cadre on considère qu’on a notre carte à jouer, aussi pour accompagner cette démarche, par le fait que notre établissement peut être un facteur d'attractivité, peut fournir une expertise scientifique, médicale, soignante sur des projets d'entrepreneurs qui voudraient s'installer. Et puis on travaille aussi, on crée du lien avec les établissements d'enseignement supérieur : l'université de Pau et des pays de l’Adour, l'école d'ingénieur ESTIA sur le territoire, qui sont aussi des acteurs clés de l'innovation.
Donc ça c'est pour le local et après on travaille aussi en en régional avec notre CHU de référence : le CHU de Bordeaux avec qui on a plusieurs projets en partenariat. On est membre du cluster innovation en santé de la région.
Alors comme on est encore au début, on est on n'est pas très nombreux dans la direction mais on se structure et on est agile. Donc il y a moi qui a une part de mon temps consacré à l'innovation, on a créé en janvier 2024 un poste de coordonnatrice médicale recherche et innovation avec qui je travaille étroitement : c'est le docteur Julie Boussuge qui gère toute la partie recherche clinique et qui m'appuie aussi sur la partie innovation. Après on travaille pour l'instant avec les bonnes volontés de l'établissement, les collègues des autres directions fonctionnelles, la direction notamment du numérique surtout les projets d'innovation numérique, aussi les finances etc. Et puis on a des relais comme je disais au sein des pôles : des médecins, des soignants qui sont porteurs de la démarche. Comme on le disait l'innovation à l'hôpital elle est partout et donc je travaille par exemple avec la direction des ressources humaines pour tout ce qui est porte sur l'innovation managériale, avec la direction des soins sur l'innovation organisationnelle donc l'idée ce n’est pas de recréer un silo supplémentaire, c'est bien de de se mettre en musique avec les autres acteurs.
Alors, on a fait effectivement un peu de veille au début, et on continue d'ailleurs. C'est un peu un travail qu'on mène tout du long, mais qui prend du temps aussi. On n’a pas tout le temps le temps, on ne prend pas suffisamment le temps, je trouve, de se sortir la tête du guidon et de regarder ce qui se passe ailleurs. Donc on essaie de s'y astreindre.
On n’a pas suivi un modèle particulier. Comme je l'ai dit tout à l'heure la référence c'est les CHU mais on n’a clairement pas les mêmes moyens, donc moi j'ai essayé aussi de contacter des collègues de Centres Hospitaliers qui ont mis en place des démarches plus ou moins similaire : on voit qu'il y a quand même pas mal d'approches différentes ; est-ce que l'innovation on l'associe à la recherche ? Est-ce qu’on l'associe peut-être plus à la qualité ou à l'expérience patient ? Il y a plein de modèles différents, on s'adapte, on crée le nôtre avec le côté territorial et puis aussi avec l'idée qu’on commence petit, donc on ne met pas forcément du jour au lendemain en place tout ce qu'on voudrait ou tout ce qu'on voit ailleurs, et on y va étape par étape en fonction de nos moyens et du temps qu'on a y consacré.
Alors en toute honnêteté, ça n’a pas été un réflexe premier, mais par contre ça vient petit à petit comme je disais en structurant nos partenariats avec l'écosystème local et notamment les entreprises du territoire, je suis de plus en plus amenée, nous sommes de plus en plus amenés à échanger avec des directions de l'innovation de ces entreprises et je me rends compte que c'est très enrichissant. D'abord comme c'est des entreprises du secteur, ça les intéresse, c'est gagnant gagnant, parce que ça leur permet aussi d'avoir accès à l'expertise médicale, au retour finalement sur leurs produits de manière assez directe et assez simple. Et nous en échange, si on peut le dire comme ça, c'est des gens qui sont très ouverts et qui ont beaucoup à nous apporter sur effectivement le management de l'innovation, qui est essentiel dans leur modèle d'entreprise et qui nous inspirent.
Oui je pense qu'on on voit déjà des effets positifs. On voit déjà que le fait de structurer et d'afficher ça vis-à-vis des équipes, il y a des choses en interne qui nous remontent qui ne serait peut-être pas remonté auparavant. Il y a aussi des gens qui ont déjà mené des démarches innovantes à leur niveau et qui l'avaient peut-être gardé pour eux et qui aujourd'hui se rendent compte qu’ils s'inscrivent dans une politique institutionnelle et que ça peut ça peut servir à d'autres, ça peut être valorisé, ça peut être connu.
Le deuxième avantage que j'y vois, c'est l’idée d'avoir identifié d'avoir un poids focal, d'avoir une petite pancarte innovation pour l'extérieur, pour les partenaires : ça nous rend plus visible, on vient plus nous chercher je trouve, sur des projets, sur des collaborations donc c'est ça aussi qui nous donne l'élan et qui va nous permettre aussi de continuer à structurer et à grandir.
Alors on avait une grosse échéance récemment avec notre séminaire annuel pour tous les cadres médecins, administratifs, techniques et logistiques du GHT, avec cette journée annuelle consacrée cette année à l'innovation.
Après les prochaines étapes que je vois, c'est la poursuite de la structuration avec peut-être à moyen terme l'identification d'un poste de chef de projet chargé de mission innovation. On a aussi dans le cadre de notre partenariat avec le CHU de Bordeaux, des projets qui vont se mettre en place avec Station Esanté qui est tiers lieu d'expérimentation en santé numérique. On était lauréat de la première vague et on va je pense d'ici la fin de l'année commencer à vraiment intégrer les premiers tests d'expérimentation au sein de nos de notre établissement. Donc ça va concrétiser un projet dont on parle maintenant aux équipes depuis deux ans, et là d'ici la fin de l'année, ils vont pouvoir vraiment tester les solutions numériques. Donc ça je pense que ça sera une belle étape, un bel objectif.
Et puis je dirais qu’il y a une prochaine étape qui est vraiment de peut-être être encore plus et mieux identifié au sein de chaque établissement de notre GHT.
Alors les facteurs de succès, je dirais qu'il faut être bien conscient de son environnement, des forces en présence à la fois en interne et en externe pour savoir sur qui on va pouvoir s'appuyer pour les forces et sur quoi il va falloir lever les freins en premier sur justement une méconnaissance de ce qu'est l'innovation en interne ou des résistances au changement ou des doutes. Donc ça c'est un premier point, le diagnostic initial de son contexte.
Le deuxième facteur de succès je pense, c'est que ça soit une démarche qui soit soutenue par la direction générale, ce qui est généralement le cas puisque c'est la direction qui décide ou pas de créer et de mettre en place une démarche innovation. Mais il faut il faut que ce soutien il soit assez long dans le temps parce que de mon expérience, ce n'est pas quelque chose qu'on fait en claquant des doigts, donc il faut que les acteurs, la gouvernance ait en tête que c'est une structuration long cours et que le soutien doit être long cours.
Je pense que j'essaierai de faire encore plus de benchmark, de repérage de ce qui se fait ailleurs. On l'avait fait mais je pense qu’on ne le fait jamais assez, de voir aussi peut-être pas ce qui se passe seulement en France, peut-être plus à l'international. Après de toute façon, il faut se lancer et il faut accepter qu’on ne fasse pas exactement les choses comme on le voulait mais l'important c'est que les choses soient faites et on avance en marchant.
Il y a plein d'arguments en faveur de l'identification de l'organisation. Je pense que le premier c'est que si on ne le fait pas, on reste dans un entre deux où l'innovation, c'est un peu partout mais du coup nulle part et personne ne l'incarne et même si l'innovation est partout, c'est intéressant d'avoir une incarnation pour soutenir la démarche justement de tous.
C'est ultra stimulant de prendre son poste et devoir structurer une direction de l'innovation dans le même temps. C'était un beau défi et ça m'a apporté c'est beaucoup de rencontres en interne et en externe et des échanges avec des gens qui ont envie, qui sont motivés. C'est un défi de partir d'une feuille blanche, ça peut donner un peu le tournis ou le vertige mais être bien accompagnée, faire toutes les rencontres que j'ai eu l'occasion, l'opportunité de faire depuis que je me suis lancée, ça aide justement à avoir moins le vertige.
Antoine Loron partage son expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de cet entretien, il nous donne sa définition de l'innovation et du management de l'innovation. Il nous présente sa vision d'une direction hospitalière de l'innovation et nous détaille les objectifs, le positionnement et les moyens qu'il lui donnerait. Enfin, il partage avec nous de précieux conseils pour qu'un établissement de santé collabore au mieux avec les autres acteurs de l'innovation en santé.
Je m'appelle Antoine Loron, je suis l'un des trois cofondateurs et le président de Hublo que j'ai fondé il y a six ans, après quatre ans dans un cabinet de conseil en stratégie pour gérer les problématiques de santé et transformation digitale. Et Hublo, en quelques mots, Hublo notre mission, c'est de développer des outils digitaux innovants pour transformer la façon dont les hôpitaux recrutent, managent et motivent leurs talents.
Ma définition de l'innovation, c'est d'imaginer, de concevoir et de mettre en œuvre des actions qui vont changer un état de fait pour un autre état, pour le rendre mieux. Sachant qu'il faut bien définir le mieux. Mais il y a aussi un autre élément qui est important pour moi, même essentiel, dans la typologie, dans ce mot innovation, c'est le côté état d'esprit. Être quelqu'un d’innovant, en fait, c'est un état d'esprit et je considère que c'est l'apanage de tout le monde, d'être innovant. Certains le feront plus facilement et d'autres ont besoin d'être plus accompagnés.
Pour définir le management de l'innovation, j'aimerais revenir sur la définition, selon moi, du management, qui est de gérer la tension entre l'humain et les résultats. Et donc en fait, c'est pareil pour l'innovation. Manager l'innovation, c'est gérer cette tension entre l'humain, les personnes qui doivent innover, et les résultats attendus. Donc manager l'innovation, c'est accompagner tout le monde, tous ceux qui doivent innover, pour leur permettre d'atteindre des résultats, tout en s'épanouissant eux aussi.
Je pense qu'il est important de s'organiser pour innover parce que la recherche concerne généralement un nombre restreint de personnes, alors que l'innovation concerne tout le monde, les directeurs, le directeur général, la directrice générale, mais aussi les médecins, les soignants, les administratifs, tout le monde. Et donc on a besoin de s'organiser différemment pour gérer deux choses qui sont différentes. Et l'autre raison pour laquelle on a besoin de s'organiser pour gérer l'innovation, c'est que l'innovation peut être aussi sur un temps très court, sur des moments rapides et des projets qui sont courts et efficaces. Là où la recherche, dans la majorité des cas, va plutôt être sur le temps long.
Donc ils sont, pour moi, deux objets différents et des enjeux qui nécessitent d'être adressés par une organisation adaptée.
Je pense qu'il y a beaucoup de modèles de direction innovation, par exemple, qui existent dans l'industrie et je pense que l'hôpital a tout intérêt à regarder ce qui se fait à l'extérieur. Ça a aussi commencé dans des groupes privés, dans la santé, mais c'est plus récent. En revanche, dans plein de secteurs d'activité, il y a des directions de l'innovation. Même nous, en l'occurrence, chez Hublo, à notre échelle, en fait, on a créé une équipe innovation, qui est distincte de notre équipe recherche et développement, qui fait la conception et le développement du produit et dont le rôle, c'est d'imaginer les nouvelles choses que Hublo va développer demain et qui est à l'interface de toutes les autres équipes. C'est une équipe qui ne travaille pas seule, mais qui travaille avec tout le monde et qui à la fois s'inspire, se nourrit de ce que font les autres équipes et collabore avec elles et après, redonne et communique sur les réussites sont collectives.
Il y a souvent un continuum entre la recherche et l'innovation, mais pas nécessairement. Je pense qu'il y a souvent un continuum entre recherche et innovation dans ce sens-là. En revanche, je pense qu'on peut innover sur des choses toutes simples, qui sont moins scientifiques et qui ne nécessitent pas une recherche, une recherche préalable. On peut innover en vingt-quatre heures et mettre en place un nouvel outil, un nouveau procédé, une nouvelle idée sans avoir eu derrière une approche plus scientifique de recherche. Donc je pense que l'innovation, il ne faut pas du tout la conditionner à la recherche, sinon on la ralentit.
Je pense qu'on peut fixer plein d'objectifs, ou sous-objectifs, à une telle cellule. Le premier objectif, je dirais, c'est que tous les membres de cette direction d'innovation doivent rencontrer un maximum de personnes en interne et en externe, pour se nourrir d'idées, de relations, de contact. Donc au moins une fois par semaine, rencontrer quelqu'un de l'interne, quelqu'un de l’externe qui va dans une démarche d'innovation, ça, c'est la première chose. Je pense que la deuxième chose qui est fondamentale pour qu'une cellule innovation fonctionne bien, c'est qu’elle travaille en mode projet. Avec tout ce que ça peut impliquer, la capacité à définir un début, une fin, de s'y tenir. D'abandonner plein de projets parce qu'ils traînent, qu'ils sont trop lents. Il faut être capable de dire non à des projets, donc vraiment se mettre en mode projet. Je pense aussi que cette cellule d'innovation, elle doit aussi organiser des événements plus larges, au sein des établissements. En mode hackathon, des ateliers pour faire participer des acteurs et mélanger des acteurs internes et externes qui peuvent aboutir à des idées, à des projets, à des actions, à des solutions, à des solutions numériques.
Et enfin, si je devais fixer un objectif pour cette cellule innovation, en fonction du nombre de personnes qui la constituent. C'est aussi qu'il y ait un nombre de projets qui soit restreint. Pour que les projets, à nouveau sa rejoint mon idée précédente, ils puissent avancer, avoir suffisamment de ressources et qu'on ne se perd pas dans une multitude de projets avec des échéances qui ne sont pas respectées ou des projets qui traînent en longueur.
À mon sens, cette cellule innovation doit avoir un rôle central. La directrice, le directeur de l'innovation doit être au comité de direction. Et il doit être vraiment au milieu de l'ensemble des autres directions, et rencontrer régulièrement ses homologues, tous les directeurs fonctionnels, un maximum de personnes et des personnes sur le terrain également. Ça peut même prendre la forme de moments d'observation, d'une demi-journée, d'une journée où les personnes vont passer du temps avec des soignants, avec des médecins, avec des administratifs, des dirigeants. Juste observer comment ils travaillent pour voir sur le terrain qu'est ce qui ne marche pas, quels sont les problèmes et comment les résoudre. Et ça, pour que ça fonctionne, il faut vraiment que la cellule innovation soit centrale parce que c'est la cellule qui est le plus à l'interface de tout.
Le rôle d'un hôpital, d'un établissement de santé, c'est déjà, pour moi, de se nourrir un maximum de ce qui se fait. J'en ai parlé, en interne, mais aussi en externe. Regarder évidemment ce qui se fait dans d'autres établissements, et ça, les hôpitaux le font déjà très bien. Mais aller, au-delà de ça, être capable de s'ouvrir à ce qui se fait, comme je l'expliquais, dans d'autres secteurs. D'aller parler à des acteurs plus gros, plus petits, plus innovants. Donc le premier objectif, c'est de s'ouvrir et de se nourrir vraiment de l'extérieur.
Et deuxième objectif, c'est aussi, en fait, de communiquer sur ce qui est fait en termes d'innovation. De communiquer non seulement à l'extérieur, sur ses succès, les innovations qui ont fonctionné, mais aussi sur les échecs, les idées d'innovation qui n'ont pas fonctionné. Pourquoi être capable d'en parler, non seulement à l'extérieur, mais aussi à l'intérieur ? Je reviens sur mon idée fil rouge qui est que l'innovation est l'affaire de tous. Et pour animer, enrichir, impulser cette dynamique d'innovation, chacun à l'hôpital public, il faut aussi beaucoup communiquer dessus, y compris en interne.
Cette cellule, aux hospitaliers, elle peut et elle doit leur apporter de la méthode. Ça doit être un catalyseur d'innovation, donc pas forcément de nouvelles idées. Mais plutôt une façon de travailler, une façon d'avancer, de travailler en mode projet. Et elle peut aussi apporter un regard extérieur, avec des personnes au sein de la cellule ou en faisant travailler des partenaires qui vont avoir une expérience ou des profils différents.
Pour que cette cellule fonctionne, évidemment, il y a aussi un enjeu financier. Aujourd'hui, dans la santé, en France, le numérique représente seulement 1% des dépenses totales. Alors que dans les autres secteurs, en moyenne, il s'agit plutôt de 5%. Et cette innovation numérique ou digitale, elle va contribuer à l'amélioration de la situation, à faire des gains de productivité, et avoir un impact qui va décupler le fonctionnement d'un établissement ou d'un secteur. Les secteurs les plus digitalisés frôlent même les 15%, donc quand on est à 1% dans la santé en France, il y a un vrai enjeu financier, et de pouvoir allouer des moyens pour l'innovation, l'innovation numérique notamment.
Comme souvent, le principal facteur clé de succès, ça va être les personnes qui vont composer cette direction de l'innovation. Avoir des personnes qui sont capables d'aller à la rencontre des autres, qui aiment se nourrir de ce qui se fait chez les autres, avoir des relations. Comprendre ce qui se fait à l'intérieur, mais aussi à l’extérieur. Donc ça va surtout être un sujet de personnes, qui aiment à la fois penser les choses de façon théorique, mettre en place des projets, mettre les mains dans le cambouis. Je pense que c'est essentiel et c'est une expression que j'aime beaucoup au sein d'une direction de l'innovation. Et bien entendu, je l'évoquais précédemment pour que cette direction de l'innovation fonctionne, l'un des facteurs clés de succès, c'est aussi de lui donner les moyens et d'avoir un budget dédié pour qu'elle puisse faire son travail et avoir un réel impact sur l'ensemble de l'hôpital.
L'argument pour moi, il me semble presque évident, qui est qu'une structure, qu'une entité qui n'innove pas, elle est condamnée à mourir. Et je pense qu'on est tous convaincus que l'hôpital public, on doit le chérir et c'est un trésor. Donc, innover pour l'hôpital public, c'est une nécessité.
Je pense en effet que tous les innovateurs ont besoin d'être accompagnés. Et je distinguerai deux profils d'innovateurs. Les innovateurs proactifs, donc ceux qui ont des idées et qui font des choses, qui se lancent, mais qui ont aussi besoin de méthodologie d'accompagnement, d'un regard extérieur. Donc cela, ils ont besoin d'un cadre.
Et puis il y a des innovateurs plutôt passifs. Des innovateurs en puissance qui peuvent être dans l'hôpital, et cela, il faut les animer, venir les chercher, venir les faire contribuer. Finalement plutôt par manque de temps, manque d'expérience ou peut-être pudeur, ils ne vont pas se mettre dans une démarche d'innovation et eux, on peut et on doit les accompagner.
J'ai plutôt des questions, parce que je ne suis pas forcément un expert, mais quand je dis que l'hôpital doit s'ouvrir, trouver des personnes différentes, d'horizons divers. Il faut que, en termes de contrats, entre des contractuels, des agents de la fonction publique, les directeurs d'hôpitaux, on trouve le bon équilibre, pour avoir des profils variés. À la fois des personnes qui viennent de l'Interne et aussi, qui viennent de l'externe. Donc, est ce que ça, c'est possible ? C'est plutôt une question que je pose.
Et la deuxième, qui est vraiment une conviction, c'est je pense qu'il faut des budgets, mais au-delà. Ce n'est pas au niveau de l'hôpital que ça se passe. Mais un vrai budget pour l'innovation à l'hôpital demain et pour permettre de digitaliser l'hôpital. Aujourd'hui, on n'est pas les moyens de nos ambitions.
Florence Favrel-Feuillade et Adrien Bussard partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent le Centre d'innovation W.INN et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Bonjour, je suis Florence Favrel-Feuillade. Je suis directrice générale du CHU de Brest depuis 2020. J'ai exercé différentes fonctions au cours de mes vingt années de carrière comme directeur dans des centres hospitaliers de proximité, dans diverses fonctions finance, qualité, système d'information, affaires médicales, stratégie. Et j'ai longtemps exercé, également, sur les activités de recherche et d'innovation.
L'innovation, c'est quelque chose de nouveau qui va améliorer un état antérieur. Alors, ça peut être un produit, ça peut être un service, ça peut être une organisation innovante. Il y a beaucoup de choses qui se font en termes d'innovation.
Le management de l'innovation, c'est une gestion de projet rigoureuse qui permet à la fois de générer de la créativité, de la part des personnes qui sont appelés à participer. Et en même temps du résultat et du résultat rapide avec une cadence, un rythme donné au projet.
Alors, pourquoi le centre W.INN, ce centre de l'innovation ? Il nous paraissait essentiel d'avoir un lieu de rencontre autour de l'innovation, puisque l'important, c'est que nos professionnels ou les startups avec lesquels nous collaborons sur des projets d'innovation puissent se retrouver et qu'on est finalement un endroit propice à la créativité, propice à la collaboration et propice à la réflexion collective autour de l'innovation.
À côté de la structuration, de l'innovation et de l'accompagnement des projets d'innovation, on a souhaité mettre en place un autre chantier qui était la direction de la transformation, en lien avec les systèmes d'information et tout ce qui était innovation digitale. Les deux sont différentes, ce sont deux de structuration qui sont différentes, mais qui peuvent s'auto-alimenter. Et donc il y a des produits qu'on peut tester dans le cadre du centre de l'innovation et qui vont ensuite être déployés dans le cadre de la stratégie de transformation du CHU. Donc ce sont deux approches qui sont différentes. Je dirais que l'innovation va identifier les organisations innovantes, les produits innovants qu’on va tester et la direction de la transformation est chargée finalement de les tester et de les diffuser beaucoup plus largement au niveau de l'établissement. Ce sont deux moments en fait très différents. Et je pense qu'en France, là où on a vraiment des progrès à faire, ce n'est pas tant sur l'accompagnement des innovations, je crois qu'on innove beaucoup. C'est sur la capacité qu'on a une fois que l'innovation a été testée et que ça a fonctionné un endroit de pouvoir la diffuser très largement dans tous les établissements. Et c'est pour ça que finalement, ce sont deux directions qui gèrent les deux bouts du processus, la direction de la recherche et l'innovation d'une part et la direction de la transformation et des systèmes d'information d’autre part.
L'élément déclencheur, c'est la création d'une cellule innovation qui s'est faite en 2019. Elle était constituée du docteur Berrouiguet, d'un chargé de mission, Adrien Bussard, d'une cadre supérieure, Caroline Coat, et puis d'une direction en charge de l'innovation. Et donc ils avaient commencé des réunions assez régulières pour valider, accepter des projets innovants de manière à pouvoir les tester sur le CHU ou de pouvoir les évaluer. Et donc, ces initiatives en fait, ont donné lieu à la mise en œuvre d'un certain nombre de projets relativement importants, en volume, enfin en nombre. Et il nous paraissait là encore essentiel de pouvoir l'incarner dans un lieu et de donner en fait à cette dimension d'innovation, je dirais, une maison un lieu d'accueil, de façon à afficher les ambitions du CHU en matière d'innovation en santé.
Alors, l'équipe de direction a assez rapidement compris l'intérêt de mettre l'innovation au cœur finalement de notre organisation. Parce que c'est un facteur d'attractivité assez forte pour les professionnels et aussi pour le CHU, notamment vis-à-vis des startups. Et donc, il y avait un écosystème en Bretagne qui... Et puis on avait beaucoup d'acteurs de cet écosystème qui nous incitaient à créer ce lieu de l'innovation, en complément des lieux qui existait déjà. Je pense notamment au technopôle, mais je pense aussi aux structures régionales et donc on a été fortement encouragé à le faire. Et puis on avait cette équipe qui était extrêmement active et donc, en fait, toute l'équipe de direction a adhéré à l'idée d'avoir un lieu, un centre de l'innovation et d'en faire une priorité en 2020, alors même que nous étions en pleine crise sanitaire.
Alors, on a créé ce centre de l'innovation en s'inspirant de ce qui a pu être fait partout, ailleurs et en même temps avec notre propre démarche. Finalement, de mêler une approche avec l'écosystème et les entreprises, et puis avec nos propres professionnels. Et avec l'idée d'en faire aussi un accompagnement en termes de management sur certains de nos projets, notamment nos projets architecturaux.
Donc, finalement, on s'est inspiré de pas mal de choses qui sont faites ailleurs, mais on a créé notre modèle, je crois, je ne sais pas si finalement, on s'est inspiré d'un modèle en particulier, mais plutôt de ce qu'on avait vu sur la structuration d'innovation dans d'autres structures, et pas forcément que des centres hospitaliers.
Il y a nécessairement un continuum, de mon point de vue, entre recherche et innovation. Parce que d'abord, la recherche va apporter des résultats qui peuvent donner lieu à des idées innovantes et des produits innovants. Et donc vous allez pouvoir démontrer que telle molécule va avoir un effet induit, qu'on n'avait pas prévu et donc d'une certaine façon, c’est lié, on va recréer d'innovation derrière. Et puis l'innovation, comme je disais, elle a besoin finalement de s'assurer que ça répond à un besoin et qu’il y a un vrai bénéfice. L'innovation, ça peut être une innovation incrémentale et qui va coûter plus cher en utilisant d'autres matériaux, d'autres, je ne sais quoi. Et donc il faut se dire que le coût engendré par l'acquisition de l'innovation, finalement, il y a un intérêt du point de vue du bénéfice qui va apporter à son utilisateur. Et donc, c'est pour ça que le lien entre les deux est fondamental.
Alors d'abord, le centre W.INN, l'objectif, c'est d'assurer la visibilité de tout l'accompagnement que le CHU réalise auprès des porteurs de projets d'innovation, que ce soient des porteurs de projets internes à l'établissement, ou que ce soient des porteurs de projets externes. Et donc, il y a une visibilité sur toutes nos activités, puisque c'est pour le CHU, c'est important pour son image de marque de montrer qu’on est vraiment au cœur de l'innovation. Ça fait partie de nos missions fondamentales. Ça, c'est le premier, la visibilité.
Le deuxième point, c'est de faire grandir nos professionnels sur leur capacité à innover et de leur dire que c'est possible de le faire et qui peuvent bénéficier d'un accompagnement. Donc un accompagnement sur les différents plans que j'ai déjà évoqué, la recherche de financements, l'évaluation de l'innovation et puis derrière la diffusion de l'innovation à d'autres utilisateurs que celui qui a conçu cette innovation.
Le troisième objectif qu'on pourrait fixer au centre W.INN. C’est finalement de faire se rencontrer des professionnels d'horizons différents, donc, des soignants, des médecins, des professionnels paramédicaux, des professionnels de l'ingénierie avec des startups, des entreprises ou des financeurs. Et donc des ateliers sont organisés justement pour faire en sorte que, sur des thématiques données, ces personnes se rencontrent et que, ensembles, elles puissent imaginer d'autres innovations que celles qui sont testées et mise en œuvre au niveau du centre W.INN.
Alors, le positionnement du centre W.INN. C'est donc un centre qui est, de même que la cellule innovation qui est rattachée, qui est partie prenante de la direction de la recherche et de l'innovation. Pour moi, c'était important que ce soit rattaché à la direction de la recherche et de l'innovation. Encore une fois, ce sont des processus qui sont distingués, qui sont très imbriquées. Et il y a des communications qui sont faites régulièrement en commission médicale d'établissement, en directoire, en conseil de surveillance, pour montrer à toutes nos instances à quel point l'innovation est au cœur de la stratégie de l'établissement.
Le rôle du CHU, il est majeur sur l'écosystème. C'est-à-dire que nous pouvons, par nos professionnels, créer de l'innovation, la tester et l’évaluer scientifiquement et ensuite la transférer à d'autres structures, notamment des entreprises qui vont pouvoir derrière la commercialiser, la diffuser sur tout le territoire, sur tout le territoire national, voire plus largement européen ou international. Donc, nous bénéficions de liens avec l'écosystème qui sont très positifs. On travaille avec beaucoup de startups et donc c'est important qu'elles puissent savoir que le CHU est un lieu d'expérimentation pour leurs innovations. Et qu'on est à leurs côtés pour valider leurs innovations et derrière leur permettre une croissance économique et de pouvoir vendre leurs produits au niveau national ou international.
Pour nos professionnels, le fait de pouvoir tester ses innovations, ses pouvoirs aussi être à la pointe de ce qui peut se faire au niveau national et de pouvoir finalement dans des projets managériaux, très positifs et créatifs. Parce que c'est intéressant pour les équipes, qu'elles soient soignantes ou au niveau des systèmes d'information, au niveau de l'ingénierie, finalement, d'être embarqués dans un projet qui est au-delà de ce qu'on fait quotidiennement. Et le fait de se dire qu’on est tous capables d'innover est en soi un facteur d'attractivité majeur pour nos professionnels.
Donc c'est à la fois une attractivité du CHU pour les entreprises du territoire, mais c'est aussi une attractivité pour nos professionnels de travailler avec d'autres acteurs de l'innovation et pas seulement en fait entre professionnels de santé.
L'impact de la création du centre de l'innovation a été important puisqu'on a pu, dès la première année, accompagner une vingtaine de nouveaux projets, trouver des financements à hauteur de 516 000 euros et on a aussi pu débloquer au niveau du fonds de dotation du CHU, Inoveo, 50 000 euros de dotation annuelle, pour amorcer un petit financement à des projets à hauteur de 5000 à 10 000 euros.
L'impact sur l'établissement du centre de l'innovation. Ça a été de démontrer notre capacité à accompagner les porteurs de projets innovants dans ces projets-là, dans la recherche de financements. Et de bien faire connaître le CHU dans sa capacité à accompagner des startups en partenariat avec des équipes médicales et paramédicales de l'établissement.
Et donc c'est un regard différent sur la capacité que nous avons à porter des projets, au-delà des projets médicaux ou des projets soignants, c'est d’accompagner d'autres types de projets. Et puis c'est aussi encourager la créativité de nos professionnels. Et puis d'une certaine façon, mettre en valeur leur créativité, leur inventivité et leur capacité à aller chercher des solutions nouvelles pour la prise en charge des patients ou des produits nouveaux, du fait de leur expérience.
Les facteurs clés de succès pour mettre en place un centre de l'innovation. C'est d'avoir déjà bien travaillé avec l'écosystème, et nous en l'espèce, avec le technopôle, avec les structures existantes, pour voir à quel besoin le centre de l'innovation de l'établissement va pouvoir répondre en complémentarité. Ça, c'est le premier point.
Deuxièmement, c'est de mettre en place une équipe qui soit en capacité, et avec réactivité, d'analyser les projets qui lui sont soumis. Que ce soient des projets, en provenance de l'internet ou des projets apportés par des startups. Ça, je pense que c'est important, les startups ont besoin d’une très forte réactivité, donc il faut une équipe soudée. Et il faut aussi une équipe en capacité d'orienter très rapidement la startup vers le bon professionnel et donc le bon service concerné. Donc ça, c'est essentiel. Et puis, inversement, du service qui a une idée est potentiellement le bon partenaire privé pour accompagner le projet. Donc ça, c'est le premier conseil que je donne.
Le deuxième conseil que je donne, c'est de disposer effectivement d'un petit fonds d'amorçage qui va faciliter la mise en œuvre des projets en attendant de pouvoir aller chercher des fonds plus importants. Et donc ça, c'est à mon sens essentiel. Et puis c’est donner une visibilité aux projets qui ont réussi, aux projets qui ont a réussi à se faire financer et donc ça donne aussi une très belle image de la capacité de réussite de nos professionnels en matière d'innovation.
Rien. Je ferais exactement comme on a fait. C'est-à-dire qu’on a d'abord posé en interne un certain nombre de jalons, réfléchit à quelle offre de service, pour nos professionnels, pour les startups, on pouvait mettre en avant. Et ensuite, finalement, une fois que les choses étaient posées, qu'on avait lancé le centre de l'innovation, on a pu travailler plus largement avec l'écosystème.
Je pense que c'est la bonne façon de procéder, parce que ça évite, finalement, qu'on génère de l'angoisse vis-à-vis des partenaires à faire ce qu’ils faisaient déjà. Et en même temps, ça a pu démontrer à ces mêmes partenaires, que l'on apportait une proposition de valeur qui était différente de leur proposition de valeur. Et c'est vrai qu’ensuite, une fois que le centre de l'innovation a été mis en place, on a pu bien repréciser vis-à-vis des différents publics, ce que nous apportions par rapport, par exemple, au technopôle ou par rapport au pôle de compétitivité régionale. Donc c'est vraiment des choses qui sont différentes, qui sont complémentaires.
Dans le monde de l'innovation, tout le monde veut intervenir. Je pense qu'il y a de la place pour tout le monde, mais que si l’on demande aux uns et aux autres, quelle est la place qui nous laisse, il ne nous reste pas forcément une grande place. Donc moi, j'ai tendance à dire qu’il faut que la structure, elle mature, elle fasse son projet et puis ensuite, dans un second temps, elle puisse s'adapter à son écosystème. Et nous, c'est comme ça qu'on a procédé. Et je pense que ça nous permet, finalement, d'avoir démontré, avant même, finalement, de pouvoir communiquer très largement sur nos premiers résultats en matière d'accompagnement des projets innovants.
Quand on est hospitalier, on ne peut pas se satisfaire de ce qui est, on veut toujours mieux, pour la prise en charge de nos patients. L'innovation, c'est le meilleur moyen de pouvoir être toujours au rendez-vous des besoins de nos patients.
Il est essentiel en effet, de pouvoir accompagner ceux qui innovent pour plusieurs raisons. D'abord, parce que ceux qui innovent sont convaincus de l'intérêt de leurs innovations, mais encore faut-il que cette innovation finalement elle réponde à un besoin. Donc, déjà, je dirais, que notre première étape, c'est de valider l'intérêt du besoin auprès des futurs utilisateurs et de faire évoluer le produit, la prestation, le service, vers finalement la réponse aux besoins. Il y a beaucoup d'innovations qui ne servent strictement rien, en tout cas qui ne rencontre pas un besoin. Donc c'est important de pouvoir les accompagner là-dessus, valider le besoin.
Le deuxième moment crucial de l'accompagnement de la personne qui va innover et proposer un service. C'est toute la phase qui va concerner la phase technico-réglementaire ou la phase juridique et collaborative. De pouvoir se dire pour que le service, le produit puisse derrière être commercialisé, quelles sont les étapes à franchir ? Et donc ça peut être les étapes réglementaires, ça peut être des étapes de validation clinique, de la réponse du produit, donc aux besoins. Et puis ça peut être aussi de le préparer à un transfert de technologie. C'est une fois qu'on a testé, de pouvoir le valoriser auprès d'un industriel ou d'une société susceptible de commercialiser. Donc ça, c'est vraiment très important qu'on puisse accompagner la personne qui innove parce qu'elle n'a pas forcément tout ce savoir que ce soit au niveau juridique, au niveau de propriété intellectuelle, au niveau technique réglementaire.
Enfin, ce qui est important aussi dans l'accompagnement des innovations, c'est de faire savoir et de faire connaître. Une fois qu'on a bien évalué le dispositif. Et là, je trouve que le lien entre recherche et innovation a tout son sens. C'est qu'une fois qu'on a constitué le produit ou l'organisation va valider scientifiquement qu'il apporte un réel bénéfice pour les patients. Et donc c’est très important de mon point de vue, que cette validation scientifique, elle puisse se faire au titre de l'évaluation. Et les méthodes innovations sont assez différentes de la méthode de recherche qui va être de démontrer scientifiquement la valeur ajoutée du produit ou de l'organisation.
Alors, les hospitaliers, pour innover, ont besoin qu'on leur libère du temps à consacrer à leurs projets d'innovation. Vous avez dans nos structures et dans nos centres de l'innovation, en-tout-cas à W.INN, nous avons des professionnels qui sont en capacité de les accompagner sur la construction de leur projet, la recherche de financements, l'évaluation scientifique et technique réglementaire, et puis le transfert de technologie avec d'autres acteurs du territoire. Donc ce qui est majeur, c'est qu'ils arrivent pour faire des projets innovants, à libérer du temps, sur leur temps médical, sur le temps de soins, pour pouvoir donc construire de nouvelles innovations. Et ça, c'est essentiel et c'est ce dont on manque le plus, finalement, la capacité à libérer du temps pour se consacrer à ces projets-là.
Il y a plein de verrous qui existent, en France, pour favoriser l'innovation. D'abord, on a une pression forte à l'activité et si on veut innover, il faut libérer du temps pour l'innovation. Donc ça, c'est quand même un premier verrou. Il y a des pays comme le Canada, où il y a du temps accordé aux soignants pour pouvoir innover. Donc ça, il faut vraiment, à mon sens, lever ce premier verrou.
Le deuxième verrou, ce sont des verrous qui sont d'ordre technico-réglementaire, à savoir, apporter des réponses pour l'élaboration de produits de santé, rapide en termes d'évaluation. Et donc, on voit bien qu'il y a des verrous sur les dispositifs médicaux, les logiciels assimilés à des dispositifs médicaux, donc ces verrous-là, ce n'est pas tant des verrous insurmontables, que c'est une perte de temps. En fait, il faut aller beaucoup plus vite pour faire en sorte qu'entre l'idée et le marché, il ne se passe pas trop d'années. On a en France une vraie capacité à financer des projets de recherche clinique, on pourrait accélérer l'évaluation clinique des innovations par des financements dédiés à l'accompagnement des innovations, d'une part et puis en renforçant les ressources dans les établissements de santé, mobilisés pour ces évaluations cliniques.
Enfin, je dirais qu'un dernier verrou, ce sont finalement les analyses médico-économiques. Là encore, je pense qu’on fait des analyses médico économiques de manières trop réduites et que la démonstration de l'utilité d'une innovation au regard du bénéfice pour le patient est une chose, mais la démonstration de l'intérêt de l'innovation, outre le bénéfice clinique, parce qu’il fait finalement gagner dans sa globalité au système de santé. Je pense qu'on pourrait vraiment progresser. On pourrait aller beaucoup plus loin. Et on serait tous gagnants dans cette marche en avant pour l'innovation. Et puis il ne faut pas non plus mettre de côté le fait que l'innovation ça peut coûter cher et que, inversement, il est essentiel de pouvoir évaluer le bénéfice de l'innovation avant la mise sur le marché. Sinon, on aura une incapacité du système de santé e en France, en Europe, aux Etats Unis, à absorber en fait la vague d'innovation qui est devant nous. Et on voit bien tout ce qui est biothérapies, bioproduction, qu'on a des coûts de molécules qui sont à des millions d'euros l'injection et que la soutenabilité de ces innovations, elle interroge tout notre système de santé. Donc l'évaluation économique, l'impact économique de ces innovations, on doit les repenser dans leur globalité.
À titre personnel, je pense que l'innovation correspond à ma volonté d'entreprendre et d'expérimenter des choses nouvelles. Donc, ça doit forcément être au cœur de l'ADN de mon projet professionnel.
Je suis Adrien Bussard, je suis docteur en sciences du vivant. Je suis actuellement chef de projet innovation au sein du CHU de Brest, et également coordinateur du centre d'innovation W.INN. Avant d'arriver au CHU, j'ai travaillé dans la valorisation de la recherche, au sein de la SATT Lutech, à Paris, pendant trois ans. Puis dans une multinationale spécialisée en nutrition animale pendant deux ans, où j'étais responsable de la mise en place de l'innovation.
Alors pour moi, l'innovation, c'est de proposer une solution, qui permet de répondre à un besoin qui n'est pas couvert, qui est seulement partiellement ouvert. Il faut que cette solution soit généralisable et viable dans le temps.
Pour moi, le management de l'innovation, il y a deux volets : la structuration de la stratégie et sa mise en place.
Pour la structuration, pour moi, il faut qu'elle soit simple, agile et transparente. Donc cette structuration, ça peut être des outils, ça peut être une organisation, ça peut être des process, ça peut être une équipe. Plein de choses finalement, qui permettent de cadrer les projets d'innovation et la philosophie de l'établissement.
Et, la mise en place, c'est un volet tout aussi important pour moi qui va nécessiter de la pédagogie, de l'acculturation, pour que cette stratégie, finalement, soit acceptée et efficiente au sein de l’établissement.
La création du centre W.INN a été menée, finalement, en se basant sur le terrain. On a vraiment interrogé les startups, les agents du CHU, bien entendu nos partenaires de l'écosystème pour essayer de comprendre leurs besoins. Ça a été la première étape, qui nous a permis finalement de proposer une première proposition de valeur, que pourrait apporter notre centre. Cette proposition de valeur, on l'a confrontée aux obligations et aux stratégies de la direction. Ce qui nous a permis, finalement, de se placer comme un maillon facilitateur dans toute cette organisation et qui a permis d'initier le projet.
La création de ce centre a bien été comprise par les collaborateurs, parce qu’il a été construit avec eux. On s'est vraiment basé sur leurs besoins. Donc si on répondait à leurs besoins, qu'il soit exprimé ou latent, finalement, ça a permis une appropriation du projet assez facilement.
De plus, du point de vue de nos partenaires, de notre écosystème, on a vraiment essayé de s'intégrer à ce qui existait déjà, ce qu'il manquait. Et non pas, finalement, marcher sur les plates-bandes des autres. Donc on a aussi été très bien accueillie par nos partenaires.
Les principaux avantages de ce centre, tout d'abord, c'était la visibilité. On n'était plus une direction d'un CHU, on était W.INN, un centre d'innovation. Donc, ça nous a permis finalement de lever certaines barrières, certaines appréhensions, que les innovateurs pouvaient avoir, aussi bien en interne, qu'en externe. On va dire que ça a été un atout qui a été majeur et qu'on a vu dès la création du centre.
Ça nous a permis aussi, pour les startups, de les rapprocher de leurs terrains d'expérimentation. W.INN, aujourd'hui, héberge certaines startups, donne accès à certaines startups, aussi, et ce qui permet finalement de simplifier les liens. On est à quelques minutes à pied, du cœur d'un de nos principaux sites, donc ça facilite les interactions et les expérimentations.
Et le troisième point, bien sûr, c'est en lien avec nos partenaires. Nous, on sait cadrer les projets, on sait les expérimenter, on sait les évaluer. Mais un projet d'innovation, ce n'est pas que ça. Il y a aussi tout le volet autour, de ce qui peut être développement commercial, analyse réglementaire, stratégie de propriété intellectuelle, recherche de financements. Et finalement, ce lieu, il a été construit aussi pour nos partenaires, qui jouent un grand rôle dans la vie de ce centre. Et du coup, ça nous permet de voir un projet, finalement, de l'idée à l'innovation, bien sûr, mais en passant aussi par la validation réglementaire, le développement commercial, etc.
Clairement, oui. W.INN, finalement, est dépendant de la DRCI du CHU de Brest. Donc, on est intimement lié. Même si on a gardé nos propres processus, notre propre agilité, donc, qui nous permet de ne pas être assimilés au processus de recherche. Par contre, on les connaît bien, on connaît leur process. On sait comment il travaille, on sait pourquoi ils travaillent, quelles sont leurs forces et nous pareil. Donc, ce qui nous permet finalement d'avoir deux process différents, mais de travailler en étroite collaboration avec eux.
D'un point de vue très opérationnel, les objectifs de W.INN sont triples. Le premier, bien sûr, c'est de pouvoir gérer des projets. C’est-à-dire, faire germer des idées, cadrer ses idées en projets d'innovation et les suivre jusqu'à leur déploiement. Donc ça, c'était l'origine de la direction innovation et c'est encore plus, maintenant, fort dans la proposition de valeur de W.INN.
Le deuxième point, c'est l'acculturation, la pédagogie. On sait qu'aujourd'hui, que l'innovation, c'est un mot qui est polysémique, qu'on retrouve un peu partout, que finalement, les gens ont un petit peu du mal à comprendre. Donc, ça aussi, ça fait partie des leviers, “pourquoi ils n'arrivent pas à innover ?”. C'est parce qu'ils ne comprennent pas forcément ce mot-là. On est là aussi, pour proposer des ateliers de démonstration d'innovation, mais également des ateliers thématiques qui permettent de parler sur un format un peu ludique, sympathique, d'une heure, d'une thématique particulière. Et, qui nous a permis finalement de toucher des agents ou même des personnes extérieures, des étudiants, des passants qui étaient intéressés par ces sujets-là, de pousser les portes de W.INN et de parler de cette thématique-là. Mais ça nous a aussi permis de capter ces personnes-là à W.INN et de leur expliquer : “W.INN, c'est ça, vous pouvez innover en santé avec W.INN”.
Et le troisième objectif de W.INN, bien sûr, c'est un accompagnement privilégié des startups en santé. W.INN, aujourd'hui, en héberge trois. Il y en a cinq ou six maintenant qui ont accès à W.INN. Donc on va dire qu'on a une relation privilégiée. On a vraiment essayé de créer, de renforcer ce lien privilégié que l'on a, avec les startups.
La direction innovation est antérieure à la création de W.INN. Donc, finalement, ce que l'on a fait dans W.INN, c’est qu’on a repris, les éléments d'organisation et de hiérarchie qui était déjà existants. Au niveau de la gouvernance, on a vraiment voulu, depuis le début, avoir une gouvernance simple, qui cadre avec la rapidité qu'exigent les projets d'innovation. Quand je vous dis, une gouvernance simple, il n'y a que trois niveaux. Il y a une cellule opérationnelle qui est vraiment là tous les jours pour opérer sur les projets, sur les initiatives, sur les ateliers.
On a un deuxième niveau qu'on appelle, le staff innovation, qui est vraiment là pour décider. Le staff innovation se réunit toutes les semaines, ce qui permet finalement d'arbitrer relativement rapidement sur toutes les décisions.
Et également, le troisième niveau, qui sont les comités innovation, qui se tiennent avec les chefs de pôles, la direction générale, et qui permettent, finalement, d'informer sur tout ce qui se passe au niveau d'innovation.
Finalement, entre le niveau un et le niveau trois, on a quatre mois. Ce qui permet d'avoir une rapidité d'exécution dans tous les projets d'innovation. Et ça, on a voulu vraiment le garder dans W.INN, parce que ça fonctionnait très bien. On va même l'optimiser d'ici la fin d'année en intégrant dans cette gouvernance des partenaires de notre écosystème, qui joue un rôle vraiment clé.
Les partenaires, c'est vraiment l'essence même de W.INN. On a construit notre proposition de valeur, bien sûr, par rapport aux compétences que l'on a en interne, mais aussi par rapport aux opportunités que l'écosystème nous apportait. Donc, on s’est par exemple lié avec le village by CA, avec BPI Bretagne, avec le technopôle Brest Iroise, avec Biotech Santé Bretagne, et avec notre fonds de dotation Inoveo, ce qui nous permet finalement d'appréhender un projet d'innovation sous toutes ses formes. On prend l'idée, on le cadre, on avance dans le projet, sur tous les volets réglementaire, financier, stratégiques, et on va même jusqu'au développement commercial, création de startup. Donc, finalement, on est vraiment intégré à cet écosystème-là, et nos partenaires de l'écosystème réalisent même des permanences à W.INN. On a vraiment essayé de fractionner une semaine en journée thématique, où chacun de ses partenaires a un rôle à jouer à différents moments de la journée. Ce qui permet aux porteurs de projets de venir à une journée qu'il s'est dédiée à la thématique qui l'intéresse, de trouver un interlocuteur, qu'il soit CHU, partenaire pour avoir une réponse à ses questions. Et nous, en interne, ça nous permet d'avoir un suivi, d'avoir une interaction beaucoup plus forte que si on restait de simples partenaires liés par un contrat ou une convention.
L'organisation de W.INN, finalement, elle a deux volets. Un volet interne, gérés par les agents du CHU. Donc aujourd'hui, on est une équipe de huit personnes. Moi à temps plein, en tant que coordinateur, et également sept autres personnes. Il y a un ergonome, un chef de projet SI notre responsable sécurité des systèmes d'information, un juriste, un chargé de communication et deux personnes qui sont vraiment clés dans cette organisation, un médecin référent innovation et une cadre supérieure de santé qui est référente innovation pour les paramédicaux. Donc ça, ça nous permet d'avoir un œil et un bras, finalement, sur le terrain pour mener à bien des projets.
Donc en plus de cette cellule opérationnelle, il y a bien sûr nos partenaires, nos partenaires qui jouent un rôle clé dans W.INN, car W.INN c’est eux aussi en quelque sorte. À titre d'exemple, Biotech Santé Bretagne et le technopôle dégage presque cent soixante heures par an à l'activité de W.INN, où il réalise des permanences, des évènements à W.INN. Ce qui permet de faire vivre tout ça, et d'avoir une organisation vraiment intégrée avec notre écosystème.
Alors, oui, avant de travailler au CHU de Brest, je travaillais dans une multinationale spécialisée en nutrition animale qui avait finalement développé une culture innovation assez forte avec un centre d'innovation dédié. Et finalement, j'ai retrouvé un peu les mêmes problématiques entre l'hôpital et cette multinationale, ce qui m'a permis finalement d'affiner mon modèle à partir de cet exemple.
Donc W.INN, finalement, découle en quelque sorte de cette expérience antérieure que j'ai eu.
Depuis sa création, qui est très récente (fin d'année 2021), on voit vraiment qu’il y a un flux de projets qui est de plus en plus important. On voit des porteurs de projets de plus en plus variés. Avant, on avait, la première année, surtout des médecins. Là, on voit aujourd'hui qu'il y a des paramédicaux, des aides-soignants, et même des administratifs, qui osent proposer des projets d'innovation. Il y a également, bien sûr, des projets qui viennent de l'extérieur, des startups. Au départ, c'était un peu sporadique, mais là, la quantité de porteurs de projets d'innovation issus de startups ne fait qu'augmenter.
Donc, finalement, on a réussi notre pari en quelques mois, qui était d'augmenter notre visibilité. Et ça, c'était un de nos paris.
Les prochaines échéances de W.INN, c'est bien sûr d'optimiser et de renforcer la cellule. Donc on va défendre l'appel à projet tiers-lieux d'expérimentation. D'un point de vue très opérationnel, on va aussi ouvrir, vraisemblablement, une plateforme. Je vais rester un petit peu mystérieux parce que c'est encore confidentiel aujourd'hui. On va essayer de diversifier les activités de W.INN.
Et, bien sûr, les prochaines échéances, ça va être d'amplifier nos partenaires, notre réseau, au niveau breton, aujourd'hui, nous ne sommes pas avec tous les partenaires qui pourraient apporter une plus-value à W.INN. Donc, on va aller chercher ces partenaires. Et également au niveau national, on va essayer de créer des liens encore plus forts avec des acteurs clé de l'innovation en santé du territoire.
Alors les facteurs clés de succès pour arriver à un centre d'innovation. C'est déjà faire preuve de beaucoup d'empathie. Se rendre sur le terrain pour identifier les besoins, quels sont les besoins ? Parce qu'ils ne sont pas toujours exprimés, parfois, ils sont latents. Il faut essayer de les trouver, de les détecter pour proposer une proposition de valeur qui est cohérente avec l'établissement.
Associé à ça, le deuxième facteur de succès, pour moi, il est clairement, par rapport à notre écosystème. Il faut pouvoir le comprendre et ne pas marcher sur les plates-bandes, de certains partenaires, mais plutôt essayer de co-construire avec eux. Il y a la place vraiment pour tout le monde. Ce qui permet de se placer comme un maillon facilitateur, agrégateurs et non comme un compétiteur. Et dès qu'on est vu comme un maillon, facilitateur, agrégateur finalement tout se simplifie, toutes les portes s'ouvrent. Pour ça, il faut vraiment pouvoir comprendre les besoins de chacun.
Alors finalement, W.INN a que quelques mois d'existence. La direction innovation existe depuis mars 2020, mais W.INN a 6 ou 7 mois, aujourd'hui. Donc, je pense qu'il est un peu tôt pour essayer de tirer des conclusions par rapport à la stratégie que l'on a adoptée.
Peut-être que si je devais mentionner un point, ce serait d'intégrer, dès le départ, une sorte de fond qui permette de dégager du temps pour les paramédicaux et les médecins dans les projets d'innovation. Parce qu'on voit aujourd'hui que finalement, le verrou, ce n'est pas tant la méthodologie, ce n'est pas tant la motivation. C'est vraiment le temps que les professionnels peuvent dégager à cette activité.
Donc c'est peut-être ça que j’améliorerais si je pouvais revenir en arrière.
Pour moi, le meilleur argument, c'est de dire que les utilisateurs finaux des solutions d'innovations en santé peuvent également être les acteurs qui ont contribué à la production de ces solutions. Donc, finalement, on répond aux besoins des utilisateurs. Ils ont la solution qu'ils attendent. Mais ils peuvent aussi se dire : “cette solution, c'est un peu moi, elle est cadrée sur mes besoins”. Donc ça permet de se sentir valorisé et aussi de sortir peut-être des missions un petit peu plus classiques de la santé et de donner une sorte d’allant aux professionnels qui souhaiteraient s'investir dans des projets d'innovation.
Alors pour moi, personnellement, cette aventure m'apporte beaucoup en termes d'engagement. On voit clairement aujourd'hui que les premiers résultats portent leurs fruits. On a instauré une stratégie, on a mis en place des process, on a fait preuve de pédagogie. Et on voit, aujourd'hui, finalement, certains services qui reviennent. Ils sont arrivés avec un petit projet, pas forcément sûr d’eux. On voit aujourd'hui certains services qui sont à quatre, cinq projets en même temps. Et ça, il n'y a rien de plus gratifiant, de voir ça. De voir cette autonomie, finalement, que les agents ont acquis à partir des outils qu'on leur a mis à disposition et à partir d'une pédagogie, d’une acculturation qu'on leur a proposé.
Donc pour moi, ça, c'est une marque une importante du travail et qui me permet d'envisager ce métier sous les plus beaux jours.
Franck Le Ouay partage son expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de cet entretien, il nous donne sa définition de l'innovation et du management de l'innovation. Il nous présente sa vision d'une direction hospitalière de l'innovation et nous détaille les objectifs, le positionnement et les moyens qu'il lui donnerait. Enfin, il partage avec nous de précieux conseils pour qu'un établissement de santé collabore au mieux avec les autres acteurs de l'innovation en santé.
Bonjour, je m'appelle Franck Le Ouay, je suis président et co-fondateur de LIFEN. Je suis ingénieur de formation, j'ai commencé comme développeur informatique aux États-Unis chez Microsoft. Je suis rentré en France après pour lancer ma première start-up dans le secteur du marketing digital et j'ai lancé LIFEN il y a 7 ans. On est une entreprise de santé, on facilite la coordination médicale, la digitalisation des données médicales entre tout le continuum de soins, donc l'hôpital, la ville, le patient, et on développe une plateforme d'interopérabilité qui permet de faciliter le déploiement de toutes solutions digitales auprès des hôpitaux.
Définition d'innovation c'est compliqué, je dirais que c'est tout le processus ou produit qui permet de changer l'état de l'art, et de faire progresser sur un ensemble de métriques, qu'elles soient médical, ou du temps gagné, ou du gain pour le patient, c'est tout ce qui permet de changer l'état des choses.
Alors le management d'innovation pour moi, je ne sais pas si ça correspondra à la définition partagée mais c'est plutôt ce qui permet à l'innovation d'arriver. C'est en gros, quand on parle de l'innovation, ça veut dire qu'il faut changer les choses, il faut changer les pratiques et donc ça, ça se fait pas tout seul. Il faut déjà repérer les innovations qui qui sont pertinentes, les valider et ensuite les déployer et donc tout ça, c'est un métier et ça nécessite une certaine organisation.
Alors déjà pour moi, l'innovation c'est fondamental parce que c'est ce qui permet de relever un peu la tête de l'eau, c'est à dire qu'en gros on est on est tous, à l'hôpital en particulier, dans l'opérationnel le plus complet, à gérer "day today", et l'innovation c'est ce qui va permettre du coup de capitaliser sur les nouvelles technologies, des nouvelles pratiques pour regagner du temps, augmenter la qualité des soins, etc. Pourquoi une direction de l'innovation ? Parce que si on prend pas les rênes de ce sujet là et qu'on se dit pas voilà il faut vraiment agir sur telle et telle métrique, lancer tel et tel projet, ça risque de passer un peu sous le radar et du coup vu que on est tous très occupés avec plein de trucs à faire, ça passe derrière la priorité et du coup on n'a pas assez de focus sur ce jeu là.
Je ne sais pas si j'ai des modèles. En tout cas, je suis assez convaincu que quand on veut innover en fait, il vaut mieux essayer de prendre un sujet bien précis et le mener jusqu'au bout le plus vite possible, pour justement engranger les résultats, des changements parce qu'en fait quand on innove finalement, il y a une espèce de courbes en U. Quand on change d'habitude au début on paye un cout parce que c'est compliqué de changer, avant de tirer les bénéfices de ça et donc plutôt que d'essayer de tout changer partout, je trouve que c'est intéressant de se dire : ok je prends une bataille et j'ai fait super bien, super vite et comme ça je crée l'enthousiasme, je montre que ça marche et après je peux en créer je peux attaquer une deuxième bataille, une troisième.
Alors comme ça je dirais pas le serment. Ca dépend des cas, ça dépend de la recherche, ça dépend d'innovation. On peut faire de la recherche théorique qui ne mène pas innovation immédiate. A l'inverse, j'imagine que il y a de la recherche qui peut être appliquée et menée à des idées de produits et donc l'innovation donc je dirais tout est possible.
Je vais reprendre ce que je disais tout à l'heure. Je dirais de prendre deux trois thématiques/projets sur lesquels tu veux changer les choses, mets tout le monde aligné sur ses objectifs là et essaie d'aller le plus vite possible pour aller jusqu'au bout, et pas lancer 50 projets qui vont aller nul part parce que tout le monde va patiner etc. On est toujours déçu par la vitesse d'avancée des choses : tout prend plus de temps au tout début, tout est plus compliqué que ce qu'on imagine donc faut surtout essayer de se focaliser et aller essayer d'aller très très vite, comme ça on a une chance que ça aboutisse et d'en tirer le résultat.
C'est multifonctionnel je dirais, puisque ça touche forcément à tout : ça peut toucher le médical, ça peut toucher la finance, évidemment il y a les liens avec l'IT (informatique) bien souvent, donc je dirais que c'est un peu indépendant du reste. C'est soit un département à part, soit ça pourrait être sous n'importe quelle des grosses fonctions s de l'hôpital mais du coup on perd un peu en indépendance, donc je dirais plutôt à part. Et oui si c'est indépendant ça peut reporter directement au directeur d'hôpital, au directeur adjoint, à la direction générale.
Ca c'est une question importante. En fait on voit que ça va évidemment dépendre beaucoup d'innovation dont on parle, mais il y a des innovations et peut-être une poche innovation énorme qui est dans le "travailler ensemble". On parle de l'hôpital et de la relation ville/hôpital ce sont des thématiques qui sont présentes depuis très longtemps et pour une bonne raison c'est qu'on a du mal à faire ce pont entre ces différentes organisations qui ont des systèmes différents, des organisations différentes, des métiers différents. Donc là il y a une poche innovation qui est énorme, qui ne pose pas de question sur comment on finance tout ça etc, mais globalement oui c'est sûr que si on peut arriver à travailler de manière territoriale, plutôt que chacun s'empresse sur son établissement, on pourra faire des choses que chacun ne peut pas faire tout seul.
Je pense qu'ils ont besoin de budget déjà. Sans moyen on ne fait rien. Après ils ont besoin de technologie c'est là que LIFEN peut intervenir pour faciliter le développement d'innovation dans l'établissement, pour diminuer le frein et les coûts, les délais, la complexité de déployer une telle solution tout en maximisant la sécurité, la conformité et l'usage, parce qu'en fait si on parle d'innovation souvent en fait on parle de plein de solutions distinctes qui vont être très très spécifique sur une prise en charge, une thématique etc. Et du coup la question c'est comment j'arrive à, en tant que hôpital ou établissement, comment j'arrive à avoir une vue complète, cohérente de l'ensemble cet applicatif là pour qu'il communique entre eux, pour que il y ait une même définition du patient, pour que les praticiens puissent so logger facilement sur mon application, pour que j'ai un contrôle de sécurité etc. Tout ça nécessite des infrastructures sans quoi c'est extrêmement pénible de déployer des innovations à grande échelle.
Je suis pas sûr d'être très pertinent pour ça mais je dirais simplement bien se poser la question des KPI clés par projet comme ça dépend de chacun des projets. Mais se dire voilà si je déploie telle chose, qu'est-ce que j'en attends, et puis au niveau peut-être la direction globale, une des KPI clé ce serait effectivement combien de projets est-ce que j'ai réussi à évaluer et déployer correctement, quel usage derrière, un usage pérenne, pas juste je fais un test et après je ne le regarde plus, et est-ce que j'accroix la vélocité de déploiement de l'innovation, est-ce que ce que je peux faire trois projets au lieu d'un, cinq projets au lieu de trois, etc. La question de vélocité j'y reviens est toujours hyper importante.
L'argument que je donnerais, c'est le secteur médical, l'hôpital en particulier, est face à des challenges immenses, qui vont faire que ça croit dans les prochaines années parce que on connaît tous les problèmes de financement, de démographie médicale ou de démographie de la population. Face à ces changements face à ces challenges qui sont immenses, si on met pas le paquet pour innover, malheureusement je pense on va avoir des problèmes. Je pense que mettre une direction innovation en place, c'est pas la garantie du succès mais c'est pour moi requis si on veut s'armer et correctement se mettre en position pour pour lutter contre ces challenges là.
Je pense que ça dépend de la maturité de l'innovation c'est à dire qur quand on est très en amont, que ce soit un médecin chercheur qui a une idée d'innovation, que ce soit une entreprise, une start-up qui se monte et qui a une idée, c'est essentiel de confronter cette idée là à la pratique au quotidien et d'aller voir les voilà les hôpitaux typiquement, pour voir si ça peut s'insérer pendant une pratique. Des fois il y a des bonnes idées qui sont super sur le papier et en fait on se rend compte que c'est infaisable parce que ça ne rentre pas dans les usages. Cette phase là est hyper importante et vu que la médecine et l'hôpital sont quand même un système assez complexe, il est fondamental de regarder sur le terrain et donc de créer ce lien entre l'innovateur et l'utilisateur potentiel de cette innovation. Quand on est sur des phases plus en aval où l'entreprise a déjà validé son produit, on a besoin de faciliter le déploiement et donc là c'est plutôt la gestion du changement qui est importante. Dans les deux phases, je dirais qu'on a des besoins assez différents mais des besoins énormes dans tous les cas.
Il y a toujours plein de plein de frein, après il y en a qui sont faciles à lever, il y a la question de la commande publique qui revient tout le temps. Pour la startup qui se monte, c'est pas facile de se faire référencer dans une centrale d'achat, c'est compliqué pour l'établissement de faire des appels d'offres,... Ca c'est malheureusement on ne peut pas beaucoup agir dessus mais c'est un frein, après moi j'aurais plutôt tendance à dire que finalement à par ce type de choses, on a plutôt envie que le législateur entre guillemets nous laisse tranquille nous innovateurs, nous opérateurs. C'est les opérateurs qui sont au plus près du terrain qui peuvent évoluer et qui peuvent comprendre en fait les besoins et discuter avec les innovateurs qui veulent rencontrer ce marché, donc on a besoin de favoriser les rencontres, de diminuer les contraintes techniques etc. En termes de législation, je trouve qu'il n'y a pas de frein particulier : dans le cas du soin courant le l'innovateur peut être sous-traitant de l'hôpital et en terme rgpd aussi, il y a pas de problème particulier ; pour la recherche sur les usages secondaires de la santé, il y a un cadre qui est relativement favorable sur les entrepôtres de santé se développent, donc je suis plutôt positif en disant que je pense que le cadre réglementaire tel qu'il est permet à l'innovateur de travailler. Il reste la question du financement qui elle est toujours présente et pas simple. Comment je finance quelque chose qui rentre pas dans les cases ? Si j'améliore l'adressage des patients aujourd'hui je suis pas sûr qu'il y a un guichet et financement pour ça. Comment je finance la prévention ? Il y a plein de thématiques là aussi qui sont connues de tous mais pour lesquelles il n'y a pas forcément de réponse. Le financement reste un reste un sujet important mais après le cadre réglementaire, je trouve qu'il est suffisamment ouvert pour louper, donc je dirais juste ce mot : il faut évidemment qur le cadre protège les acteurs, protège les citoyens etc. On n'a pas envie qu'il surprotège donc attention à ce que l'État ne soit pas à vouloir trop légiférer parce qua vouloir trop légifférer, on peut potentiellement mettre trop de barrière à l'innovation donc moi j'ai plutôt envie de dire là il est pas mal, pas besoin de plus, et si on peut faciliter la commande publique et faciliter remboursement je pense que ce sera super.
Raymond Le Moign et Armelle Dion partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent la Direction Innovation du CHU et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Je suis Raymond Le Moign, directeur général des Hospices civils de Lyon, depuis le 1er juin 2020. Je suis un directeur d'hôpital assez classique, avec comme particularité d'avoir enchaîné à la fois des responsabilités de chefs d'établissement, mais aussi des passages et des allers-retours en administration centrale et dans des cabinets politiques. Ce qui me permet à la fois, de connaître le terrain, mais aussi de m'interroger sur les politiques publiques.
Il y a plusieurs définitions envisageables. Pour moi, la définition la plus opérationnelle pour un hôpital ou un établissement de santé, pour un CHU, c’est comment je peux répondre à une question à laquelle il n'est pas encore apporté de réponse et la façon dont je vais y répondre me permet de transformer mon hôpital et de préparer l'avenir. Autrement dit, l'innovation, c'est à la fois répondre à un nouveau besoin et en même temps préparer l'avenir.
Le management innovation est certainement une vision trop ambitieuse, mais à la limite, on peut peut-être, se satisfaire de certaines clés. Pour moi, les clés, ce sont trois éléments. Première clé, c'est lorsqu'on parle d'innovation, c'est la meilleure façon de préparer l'avenir et de se questionner sur ce qui va advenir. Deuxième clé, quand on parle innovation, ce sont souvent les talents de l'institution qui se réveillent, qui sont présents, qui sont réactifs. Et la troisième clé, c'est que l'innovation est également un moyen de cohésion collective à l'échelle d'une équipe ou à l'échelle d’une institution.
Je prépare l'avenir, je gère les talents et je fais équipe. C'est une bonne façon de manager l'innovation.
Des choix différents auraient pu être faits. Il fallait à un moment donné, incarner un nouveau moment. Et dans les institutions, dans les établissements, dans les grands établissements, il n'y a pas de meilleure façon que d'incarner une nouvelle impulsion, quand vous modifiez votre organigramme. Vous adressez à un nouveau responsable, un nouveau champ de prérogatives. Et donc pour signifier en interne, en externe, que l'innovation était l'un des nouveaux traits par lequel on voulait caractériser les Hospices Civils de Lyon, il fallait incarner avec une direction autonome l'innovation. C'est un choix politique, qui peut s'entendre, à charge pour moi de garantir que la direction de la recherche et la direction innovation continuent de se parler ensemble, ne mettent pas les Hospices civils de Lyon en situation compliquée en termes de représentation interne et externe. Il se trouve que l'intelligence humaine, l'intelligence collective des acteurs qui font qu'une direction de l'innovation autonome, qui assume d'aller au-delà de la recherche en santé, qui assume de travailler beaucoup plus une logique d'écosystème et un management par la culture et par la conviction ou par le savoir-faire, méritait, selon nous, que l'on authentifie une direction en propre pour l'innovation.
Moi, j'arrive, et je suis confronté à comment on peut gérer une sortie de crise qui dure 12 mois, qui dure 18 mois. Comment je redonne de l'élan à une institution ? Une institution qui elle-même, avait pendant 10 ans, a géré un plan de retour à l'équilibre très drastique, très éprouvant. Donc, à un moment donné, il faut trouver de nouvelles façons de donner de l'élan. Vous pouvez donner l'élan en travaillant sur un projet médical. Ce qui est assez classique, encore que. Sur un schéma directeur. Et en fait, il y a de nouvelles attentions, de nouvelles aspirations en matière de management, d'engagements institutionnels. Et l'innovation, à ce moment-là, de l'histoire des Hospices civils de Lyon, était l'un des éléments qui pouvaient me permettre d'amener ceux qui allaient assurer les responsabilités, qui allaient prendre des risques avec nous pour pouvoir proposer aux Hospices Civils de Lyon sa nouvelle feuille de route.
Très positivement. À la limite, ma chance, c'est que chacun savait qu'il fallait sortir de la crise. Chacun savait qu'il fallait trouver un nouveau rebond après dix ans d'efforts budgétaires. Chacun comprenait que la mission classique d'un CHU, ce n'était plus uniquement la clinique, le soin, l'enseignement, la recherche, c'était aussi une responsabilité territoriale. C'était aussi une responsabilité économique. C'était aussi imaginer une autre façon de travailler. Et donc assez naturellement Il y a eu un consensus autour de l'idée que l'innovation était un mot, qui pouvait embarquer une nouvelle séquence de la vie des Hospices civils de Lyon.
Alors en fait, il se trouve que dans mes différentes responsabilités antérieures, j'avais la chance d'avoir connu plusieurs CHU, de les avoir observés, leurs qualités et leurs défauts. Et ce qui est assez frappant, c'est que le mot innovation est en fait revendiqué depuis plusieurs années par plein de centres hospitaliers universitaires. Mais avec systématiquement une approche très silotée, c'est-à-dire très spécifiques. On parle d'innovation biomédicale, on parle d'innovation numérique, on parle innovation organisationnelle, on parle innovation dans la gestion des parcours de prise en charge, mais en fait très, très peu d'institutions avaient la possibilité de ramasser dans une seule direction la totalité de ses façons d'adresser la question de l'innovation.
La seule plus-value que l'on revendique aux Hospices civils de Lyon a été de dire que l'on assumer le fait que l'innovation n'était pas embarquée dans chacune des directions fonctionnelles. Elle était certes embarquée dans chacune des directions fonctionnelles, mais elle était aussi gérée par une direction qui devait elle-même favoriser une culture commune et une seule porte d'entrée et une seule culture commune de l'effort d'innovation dans l'établissement.
Ce qui est toujours très intéressant dans une institution, c'est de raconter des histoires. Chaque fois que l'on peut raconter, qu'il y a eu un continuum entre de la recherche et de l'innovation, ou entre de l'innovation et de la recherche, puisque l'innovation peut être aussi un moment propice à adresser des questions, à poser un certain nombre d'hypothèses pour que ces hypothèses soient ensuite renvoyées à une démarche scientifique, de validation. Mais inversement également. Je dirais qu’à la limite, plus raconte de belles histoires de continuer, mieux c'est. Mais il peut y avoir de l'innovation en dehors de la recherche et il peut y avoir un questionnement spécifique de recherche en dehors de la préoccupation de l'innovation.
Raison pour laquelle il nous a semblé beaucoup plus percutant d'incarner, d'assumer une direction distincte entre ce qui évolue dans le champ de la recherche et ce qui évolue dans le champ innovation, mais en préservant les processus d'alliances, de discussions et de reporting systématiquement communs entre la direction de la recherche et la direction de l'innovation.
Je ne vais pas dire réenchanter l'établissement, parce que le mot est certainement trop fort, mais encore. Lorsque beaucoup d'indicateurs conduisent à être relativement inquiet sur l'avenir. C'est quoi la prospective sur la disponibilité de la ressource humaine ? Comment les autres acteurs du système de santé vont se positionner ? Comment le monde académique, lui-même, va réagir aux nouveaux impératifs de la mutation du système de santé ? Il faut aussi, à un moment donné, qu'un collectif reçoit des messages positifs. Et donc le premier objectif de la direction innovation, c'est de recréer de la confiance, de recréer une dynamique positive pour que ceux qui font le pari de l'hôpital public aient raison de le faire. Quelle que soit leur trajectoire personnelle, quelle que soit la responsabilité qui est la leur, c'est premier indicateur.
Le deuxième indicateur, c'est de faire en sorte, parce que je suis responsable de l'institution et que, en tant que chef d'établissement, je suis aussi soucieux d'identifier, de singulariser une marque Hospices Civils de Lyon. Et le deuxième objectif, c'est non seulement de m'aider à envoyer des messages positifs en interne, de m'aider à gérer des trajectoires personnelles et individuelles pour mes talents, pour ceux qui font effort, quels que soient le grade et le corps auquel ils appartiennent, à créer du collectif. Mais c'est aussi singulariser les Hospices civils de Lyon dans l'éventail des CHU de notre pays.
Alors, la hiérarchie est relativement simple. C'est une direction fonctionnelle et donc elle relève d'un processus de reporting qui fait que je rencontre cette direction fonctionnelle tous les mois. Et de façon assez empirique, nous avons fait le choix, que la rencontre entre le DG, la direction générale, et la direction fonctionnelle soit systématiquement une rencontre commune direction de la recherche en santé, direction de l'innovation. Ce qui me garantit un parfait alignement des agendas, des objectifs et des méthodes de travail de la direction innovation et de la direction de la recherche en santé. Qui plus est, la direction innovation a également un positionnement exemplaire, dans ce qu'on appelle une gouvernance clinique. Ce qui veut dire que le directeur Innovation a comme un responsable nommé est investi par la commission médicale d'établissement et que le processus de reporting peut conduire lorsque cela est nécessaire, à un reporting partagé entre le directeur de l'innovation le responsable nommé par la commission médicale d'établissement devant les instances de la gouvernance, et le cas échéant, en présence des représentants de l'université.
On demande beaucoup de choses à un centre hospitalier universitaire. On lui demande de gérer des crises. On lui demande d'anticiper l'avenir et on lui demande aussi d'assumer une responsabilité territoriale. Et donc de s'inscrire dans un écosystème. La direction innovation, c’est l'une des plus belles portes d'entrée, pour que les startups, pour que l'écosystème économique et industriel qui gravite autour des Hospices civils de Lyon, pour que les pôles de compétitivité, qu'ils soient généralistes ou qu’ils soient spécialisés, sachent qu'il existe à Lyon, aux Hospices, un questionnement particulier sur l'innovation. Et ce questionnement, il a un autre intérêt, il implique un savoir-faire particulier dans la relation avec l’écosystème social, économique et industriel. Qu'il soit le monde de l'entreprise, qu’il soit celui des collectivités locales, ou qu'il soit celui des sociétés de valorisation. Et donc la direction innovation, non seulement, il faut qu'elle gère des messages positifs adressé en interne, recréer de la confiance et la cohésion interne, mais en plus, il faut qu'elle participe au processus de reconnaissance extérieure des Hospices civils de Lyon. Parce que les meilleurs alliés des Hospices civils de Lyon, ce sont les entreprises, les collectivités territoriales, les structures engagées dans l'investissement économique, dans le développement économique et la façon dont ils parlent et défendent la marque des Hospices civils de Lyon.
Alors, il y a plusieurs façons de mesurer. Le chemin est très court, une année. Donc peut-être très péremptoire. À la limite, moi, je prends tous les indicateurs, y compris les indicateurs intermédiaires.
Premier indicateur, il y a un très bon état d'esprit, autrement dit, tous ceux qui s'interrogeait sur le bien-fondé de la démarche, qui considéraient que tout cela était décalé par rapport à l'urgence par rapport à l'actualité, conviennent que le résultat obtenu au bout d'un an est très satisfaisant, voire même très positif, pour l'institution et pour les hommes et les femmes se sont engagés.
Le deuxième point, c'est que la direction innovation a réussi à se défaire de toute caricature d'une direction. C'est une direction d'appui, une direction qui accepte son processus d'accompagnement, qui certes répond à des commandes d'une institution, mais qui en même temps à trouver un positionnement qui évite le management très vertical ou très administratif, que l'on peut habituellement voir.
Troisième fois, c'est qu'on arrive au bout d'une année. Donc, au bout d'une année, il y a des projets qui ont été sélectionnés. Et ces projets, il nous appartient maintenant de décider comment on va leur accorder une suite. Donc c'est très intéressant de voir ceux pour lesquels on estime, une année a suffi pour peut-être franchir d'autres étapes et modifier l'objet originel, le point de départ. Il y a des projets pour lesquels on va convenir que nous avons une exigence d'aller chercher des financements collectivement à l'extérieur de l'institution. Et puis il y a peut-être d'autres projets pour lesquels on va considérer que soit l'objet est atteint, soit il est de la responsabilité et de l'intérêt de l'institution d'intégrer dans sa structure d'activité, dans sa structure de dépense les objets qui ont fait l'objet d'un financement pendant une année. Et ce moment-là est un moment clé qui est important pour l'institution. Parce qu’on peut montrer que ce qu'on avait imaginé à l'origine est en train de fonctionner.
Nécessairement, parce que, à un moment donné, il faut toujours s'interroger sur est ce que l'on est bien allé chercher tous les publics ? Et donc peut-être que l'on peut estimer que l’on a réussi notre objectif sur le public des hospitalo-universitaires. On est peut-être même en train de réussir sur le public des jeunes médecins. Peut-être que mon objectif est peut-être maintenant d'aller débusquer des ingénieurs. Une institution comme la nôtre à 24 000 professionnels, c'est un incroyable écheveau de métiers, et parmi ces métiers et la quantité de métier qui sont également confrontés à la thématique de l'innovation. Et si tous les ingénieurs biomédicaux, les ingénieurs logistiques, des ingénieurs de flux, des ingénieurs du système d'information et en plus, on sait bien que ces métiers sont en train d'évoluer du tout au tout sont également partant dans l'aventure, je pense que l'on passera une étape complémentaire.
Et le deuxième point qui est très frappant au bout d’une année. C'est que le savoir-faire que l'on mobilise sur la thématique de l'innovation, à bien des égards, à bien des égards, n'est pas très éloigné du savoir-faire que l'on essaie d'aller débusquer sur la responsabilité sociale et environnementale de l'établissement. Autrement dit, la façon d'aller interroger les acteurs sur fabriquer des projets innovants ou des acteurs sur fabriquer des projets qui s'inscrit dans la thématique du développement durable, à un moment donné, il y a un ressort qui est relativement identique. À la fois dans la façon de manager, la démarche, c'est-à-dire très horizontale, avec à la fois du guichet, à la fois des appels à projets, du retour d'expérience, des éléments de généralisation d'enseignement. C'est très intéressant de voir comment les deux approches se nourrissent aussi l'une et l'autre, parce que finalement, s'interroger sur la responsabilité sociale et environnementale d'une institution. Ce n'est pas très loin que de chercher à répondre à des questions pour lesquelles l'institution n’adressait pas de réponse, en l'état.
Je pense qu'il faut un bon moment. C'est-à-dire qu'il faut considérer que ce n'est pas parce qu'on a une bonne idée, parce qu'on est soi-même convaincu, que c'est la bonne façon de faire et qu'il faut ouvrir le chantier. Et donc toute institution obéit à un cycle, et il faut que le chef d'établissement, son président de commission médicale d'établissement, les principaux responsables d'institutions réfléchissent bien au bon moment d'engager une démarche de cette nature. Premier facteur.
Deuxième facteur, et bien il faut prendre tout le monde à contre-pied. Et prendre tout le monde à contre-pied, c'est choisir les personnes. Choisir la bonne façon d'ouvrir la séquence. Donc, ça signifie à un moment donné, qu'il faut avoir une mise de jeu. Il ne suffit pas d'avoir une vision intellectuelle. Il ne faut pas installer des procédures. Il ne faut pas identifier les hommes et les femmes. Il faut aussi avoir à un moment donné, avoir une mise de jeu parce qu’une institution comme la nôtre, et de façon générale les CHU, les hôpitaux ont besoin d'une mise de jeu. Après, il faut choisir les bonnes personnes. De façon assez puissante, il faut admettre que pour incarner ce type de direction, il faut de la curiosité intellectuelle, il faut de l'empathie sur des objets scientifiques et sociaux, il faut une capacité d'écoute, il faut une force dans la synthèse et il faut à un moment donné, ordonner les idées. Et cette façon de travailler, elle est parfois très présente chez des directeurs, chez les ingénieurs, chez les médecins, chez les soignants, et il faut essayer de rassembler tous ces savoir-faire-là dans une direction qui incarne elle aussi ses différents métiers et ses différentes appétences.
Je ne suis pas sûr que l’on se soit beaucoup trompé. C'est un peu présomptueux et peut-être que si je devais refaire quelque chose. C'est peut-être, réinterroger d'emblée la façon de construire la réponse à ceux qui estiment qu’on peut franchir une nouvelle étape si je gère, si nous gérons l'ambition de l'innovation aux Hospices civils de Lyon avec la centrale, mais aussi avec chacun des grands groupements hospitaliers des Hospices civils de Lyon.
C'est-à-dire que beaucoup d'entre nous, commençons à considérer qu'il y a une réussite dont on est en train de faire, mais que peut-être à un moment donné. Le niveau de maturité qui est le nôtre nous conduira à imaginer ce qui peut être réalisé à l'échelle de chacun des groupements et pas forcément à l'échelle, en centrale, des Hospices civils de Lyon. Y compris en assumant le fait qu'il peut y avoir des écosystèmes économiques, industriels et sociaux particuliers à certains de nos groupements. Voilà. Autrement dit, si j'avais une chose à faire, ce serait peut-être, à un moment donné, mieux armer, la façon dont j'associe les gouvernances des groupements hospitaliers à une nouvelle façon de penser à la place de l'innovation dans l'institution. Mais encore, cette critique-là, je m'adresse à moi-même et, finalement, je trouve que chacun a réussi à avancer. Et le plus bel exemple de ce que je suis en train de dire, c'est que ce sont les groupements eux-mêmes qui disent, mais nous sommes prêts à assumer notre part d'aventure, notre part de risque et une part de responsabilité dans la vision de l'implémentation, de la diffusion de la culture, de l'innovation dans toutes ses dimensions aux Hospices Civils de Lyon.
Le seul argument, c'est, l'innovation a ceci de très puissant, c'est que l'on peut toujours essayer de montrer à l'avant et l'après. Autrement dit, il y a plein d'enjeux, plein de dossiers de cette nature, mais, dès lors que l'on est dans un moment où l'on construit l'avenir. Pouvoir montrer, là où on en était au moment de départ, c'est-à-dire, lorsque la question a été identifiée, analysée, et comment, une année après, l'institution s'est débrouillée, soit seule, soit en partenariat pour faire avancer la réponse à l'innovation. Ce type d'aventure, c'est la meilleure façon de créer du lien et de pouvoir garder les meilleurs parmi nous. C'est-à-dire ceux qui considère que ne sont pas uniquement là, parce qu'ils sont professionnels salariés, mais parce qu'ils sont professionnels des Hospices civils de Lyon.
Oui. Alors, je pense qu'il y a des personnes qui, par construction, leur ADN, leur façon de faire, leur façon de s'engager dans leur vie professionnelle, quelle que soit d'ailleurs leur environnement, seront toujours des innovateurs. Dans un établissement comme le nôtre, 24 000 salariés, des organisations parfois très précises, avec des délimitations disciplinaires, des responsabilités qui renvoient aux métiers auxquels les uns et les autres appartenons. Il y avait la nécessité de créer un processus où les innovateurs se parlent, acceptent de partager une partie de leurs ambitions et leur savoir-faire. Et donc l'idée même, de savoir animer un réseau des innovateurs, est en soi un effort singulier à accomplir, et l'un des indicateurs de réussite d'une direction de l'innovation.
Ils ont besoin déjà, de ne pas s'autocensurer. Autrement dit, d'accepter l'idée que ce n'est pas parce qu’il y a beaucoup de travail, parce qu’il peut y avoir de temps en temps de la morosité, parce qu'il peut y avoir des questions très légitimes sur le sens de telle ou telle mission. Le fait, de savoir qu'il y a la possibilité de faire des paris, de prendre des risques, mais aussi d'innover. C’est le premier message qu'il faut que les professionnels de l'hôpital aient bien en tête.
Le deuxième point est qu'il faut se défaire de la vision, selon laquelle, on a une vision angélique totalement irénique, du service public hospitalier, du monopole de l'hôpital public. On peut être le meilleur avocat de l'hôpital public en travaillant avec des entreprises privées. On peut être un très bon avocat d'un centre hospitalier universitaire en acceptant de travailler, d'exercer dans des groupes de travail où il y a des représentants de la sphère publique et des représentants de la sphère privée. Dit autrement, on peut être un très bon professionnel en faisant des exercices partagés. Des allers-retours entre le privé et public, mais en assumant le fait d'être au clair dans les responsabilités que les uns doivent exercer, dès lors qu'il faut, à un moment donné, être loyale avec une institution. Et le CHU n'est pas, n'importe quelle institution, puisque c'est l'institution qui est dépositaire de la mission hospitalo-universitaires dans notre territoire.
Alors moi, je suis très curieux par nature, j'adore apprendre des choses et me sentir systématiquement challengé, par la nouvelle façon de penser l'innovation. Considérer que l'on peut apprendre dans la capacité à nouer des relations, à prendre des parts dans une entreprise privée. Considérer que l’on peut apprendre d’un nouveau partenariat avec des écoles d'ingénieurs, une école de management ou les écoles de commerce présentes sur le site académique. Considérer que l'innovation, c'est certainement l'une des façons de préparer les enjeux de la mutation du système de santé. Je trouve ça passionnant.
C'est-à-dire qu’il n'y a pas uniquement savoir gérer les ressources humaines, ou savoir gérer des ressources financières, ou un schéma directeur dans un hôpital. Il faut aussi considérer que maîtriser les cycles d'une innovation, maîtriser la force d'impulsion et de transformation de l'innovation pour conduire le changement dans un hôpital universitaire, ça, c'est vraiment prodigieux, intéressant et à la limite, participe de la qualité des responsabilités qui sont les miennes.
Bonjour, je m'appelle Armelle Dion. Je suis directrice de l'innovation aux HCL. En termes de parcours, j'ai commencé, il y a une petite vingtaine d'années avec une formation de directrice d'hôpital, et j'ai exercé en centre hospitalier, centre hospitalier universitaire. Depuis quatre ans, je suis aux HCL, aux Hospices Civils de Lyon. Trois ans en tant que directrice adjointe à la direction de la recherche clinique et de l’innovation et depuis un an, depuis avril 2021, je suis directrice de l'innovation, une direction qu'on vient de créer.
Alors on a beaucoup réfléchi à la définition de l'innovation. C'était une des premières étapes pour réussir à donner du sens à ce qu'on était en train de faire. Et donc on s'est arrêté sur une définition très simple qui est que l'innovation, c'est une invention qui rencontre son marché. Donc on trouve dans cette définition l'idée qu'il faut quelque chose d'inventif au départ, mais aussi l'idée qu'il faut aller jusqu'au bout du processus de maturation de l'invention, pour qu'à la fin elle réussit sa rencontre et son marché, soit un marché en termes capitalistique des choses avec des ventes, soit un marché en termes d'expérimentation, de mise à disposition des soignants ou des patients.
Donc, on a besoin du caractère inventif. On a besoin de répondre à un besoin non couvert. Et on a besoin qu’à la fin, parce que c'est expérimenter, parce que ça rencontre son marché, que ça fasse mieux avant qu'on ait véritablement une création de valeur, une transformation positive. Voilà notre définition de l'innovation aux HCL.
Alors, c’est vrai qu’au départ, on peut se dire si on a des projets innovants, on fait de l'innovation. Nous, on essaye de faire du management de l'innovation. C'est-à-dire que ma direction, ce n'est pas celle qui fait les projets innovants, qui a les idées. C'est celle qui aide les autres à avoir les conditions qui permettent de faire de l'innovation et donc manager l'innovation, c'est être une direction support, un appui à tous ceux qui veulent faire de l'innovation, en aidant d'une part à repérer les projets ou à faire émerger des nouveaux projets. Ensuite en identifiant les compétences spécifiques dont on peut avoir besoin tout projet, en faisant du sur-mesure, en aidant à aller chercher ses compétences et puis ensuite, à accélérer un petit peu les différentes étapes qui permettent de passer de l'invention au marché.
Alors d'abord, il a fallu donner du sens à cette séparation, expliquer pourquoi on considérait que finalement, identifier une direction de l'innovation séparée la direction de la recherche clinique et l'innovation avait du sens. Ce sens, on l'a trouvée à la fois pour la direction de la recherche et pour la direction de l'innovation.
Côté direction de l'innovation, on voulait faire passer le message qu’il n'y avait pas que la direction de la recherche clinique et l'innovation qui faisait l'innovation. Ça fait longtemps qu'on fait de l'innovation en systèmes d'information, de l'innovation organisationnel, sur les parcours de soin, de l'innovation managériale, de l'innovation en impression 3D. Donc en fait symboliquement sortir l'innovation de la direction de la recherche clinique, c'était dire, l'innovation concernent tous les secteurs dans un CHU. Par nature, elle peut concerner tous les professionnels et pas seulement les professionnels qui traditionnellement font de la recherche. Et donc on est une direction transversale, une direction facilitatrice pour tous ceux qui ont des projets innovants, et pas seulement les projets traditionnellement liés à une direction de la recherche clinique. Les projets liés à une direction de la recherche clinique, c'est de l'innovation technologique, scientifique, médical qui continue à se faire, mais ce n'est pas la seule.
Et côté direction de la recherche, passer d'une direction de la recherche clinique et l'innovation a une direction de la recherche en santé. C'est aussi faire passer le message que la recherche dans un CHU, ce n'est pas que la recherche clinique, même si c'est très important. C'est aussi de la recherche sur les données, de la recherche en sciences humaines et sociales.
De cette façon, la séparation amène à faire plus d'innovation, sur plus de champs. Et plus de recherches, sur plus de champs. Et les nouveaux champs de recherche nourrissent les nouveaux champs d'innovation et vice-versa. Donc en se séparant, on n'en fait plus que lorsqu'on était ensemble, même si on est bien sûr obligés de garder un lien extrêmement étroit puisqu’il y a un continuum entre la recherche et l'innovation et on a gardé des équipes qui sont en fait prestataire les unes pour les autres. On n'a pas totalement séparé les équipes, on continue à fonctionner de façons très imbriquées.
Alors, les collaborateurs, il y a également la communauté médicale. Je me souviens assez nettement, au premier directoire où on a annoncé, cette décision d'identifier une direction de l'innovation à part entière, de la rattacher à la direction générale, de la séparer de la direction de la recherche, une professeure de médecine considérait que ce n'était pas une bonne chose à faire. Elle ne comprenait pas, elle avait peur, que ça paupérise la direction de la recherche et que le continuum entre la recherche et l’innovation ne soit pas maintenu, ou qu'il soit plus compliqué. Et donc il y avait un certain nombre de craintes ou d'incompréhensions sur, en quoi ce que l'on voulait promouvoir en tant qu’innovation avait besoin de s'autonomiser de la recherche pour exister. Alors qu'elle avait déjà l'impression, et ce n'était pas qu'une impression, qu’elle avait déjà pu, sans problème, déployer tous ses projets d'innovation en faisant le lien avec la direction de la recherche. Donc on a retravaillé sur nos arguments. On a surtout lancé notre premier appel à projets innovation. Et quand on est retourné devant le directoire, quelques mois plus tard, pour expliquer ce qu'on avait fait, l’appel à projets, les projets qui étaient revenus, comment on les avait sélectionnés, quels étaient ceux qu'on choisissait de retenir. Là, elle nous a dit : “Honnêtement, j'ai compris ce que vous souhaitiez faire. J'ai compris en quoi ça rend la recherche et l'innovation plus fortes et en quoi les deux vont se potentialiser, plutôt que s'appauvrir en s’étant séparées”. Donc elle a, elle a tout simplement présenté des excuses. On n'en attendait pas tant, mais en tout cas, ça montrait qu'on avait réussi à rendre un peu plus compréhensible, plus lisible, à expliciter, en quoi est ce qu'on voulait faire justement, une innovation qui ne pouvait pas être encapsulée dans la direction de la recherche qui avait besoin d'un périmètre un peu plus large pour prendre tout son sens.
En termes davantage, je pense que ça nous a permis d'être positionnés, en offre de services auprès des autres secteurs de l'établissement, des autres directions, fonctionnelles et transversales ou des porteurs de projets, qui, lorsqu'ils voulaient porter un projet d'innovation organisationnelles et managériales numérique, soit devaient se débrouiller un peu tout seul, soit ne savaient même pas à qui s'adresser pour faire connaître leur souhait de déposer des projets. Donc se séparer de la direction de la recherche, pour dire, c'est toutes les innovations et donc vous pouvez venir nous chercher, si vous vous posez des questions, si vous avez besoin d'aide. Ou bien, nous pouvons aller vers vous pour mieux comprendre ce que vous faites et voir comment l'on peut vous aider.
Ça nous a aidé en matière de légitimité. Si on avait encore été une partie de la direction de la recherche, peut-être qu’aller vers eux ou venir nous chercher pour des sujets qui n'emportent pas d'études cliniques ou d'étude médico-économiques auraient été, peut-être, moins lisible. Donc, cette partie de transversalité, puis d'équipe très restreinte, mais plus agiles est aussi assez cohérente avec l'image de l'innovation, de l'agilité, de la transversalité, du côté pluridisciplinaire qui est indispensable de tout projet innovant.
Oui bien sûr. Typiquement, dès lors que l’on a à protéger, à valoriser ou à transférer des résultats issus de la recherche. Et bien les équipes de chargés de valorisation et de propriété intellectuelle, et les équipes de la direction de recherche travaillent absolument main dans la main. Que ce soit en amont, au stade de l'invention ou ultérieurement, quand on a produit des résultats de recherche et puis que l’on cherche un transfert de technologies. Ça, c’était totalement imbriqué avant, ça le reste absolument.
Des dossiers tels que les RHU, par exemple, sont aussi clairement de la recherche, mais avec une visée d'innovation, de mise sur le marché à court et moyen terme, donc c'est des dossiers aussi sur lesquels on fait ensemble.
Lorsque l'on essaye de nouer de nouveaux partenariats stratégiques avec, que ce soient des startups ou des industriels, on essaye toujours de mixer les approches recherche et innovation. Donc ça, c'est des choses qu'on fait complètement ensemble.
Au niveau stratégique, on a vraiment deux objectifs, qu'ensuite on décline. D'une part, notre objectif est que Lyon, soit reconnu comme le lieu, un des lieux, où s'invente l'hôpital, la médecine de demain. Y compris en dehors de l'hôpital, en lien avec les partenaires du territoire, de la ville et du domicile. Et donc au niveau stratégique, ça nous permet de la mettre à disposition, cette innovation, de nos patients, plus vite de nos professionnels et d'avoir cette reconnaissance au niveau national, voire international. Et donc ça, c'est une de nos ambitions, de nos objectifs.
L'autre objectif, il est très managérial. On est persuadé que développer une culture de l'innovation dans notre établissement, c'est important pour la résilience de nos organisations. On l'a vu avec la covid. Un établissement dans lequel les professionnels ont l'habitude d'être impliqués dans des projets innovants. Ce sont des gens qui ont l'habitude de partir des besoins, et pas de structure hiérarchique, pour émettre des propositions de façon assez souple, en s'ouvrant également aux suggestions qui peuvent être apportées par des gens totalement différents, des gens qui viennent d'autres univers. Donc cette horizontalité, cette pluridisciplinarité, le fait d'être agile, d'expérimenter, y compris avec le risque de se tromper. C'est des valeurs qui sont très fortes dans l'innovation. On est persuadé que si les professionnels des HCL ont l'occasion de les mettre en pratique dans des projets innovants, y compris, dans les organisations de soins, dans le quotidien, pas innovants. Ces valeurs et ces expériences vont diffuser et nous permettre au quotidien d'être plus agiles, plus résilients en cas de choc.
On pense aussi que, à l'heure où on le sait, l'attractivité, attirer, motiver, fidéliser les professionnels de santé, ce n'est pas quelque chose d'évident dans nos établissements, en ce moment. Avec la crise des vocations. On pense qu’être un établissement reconnu par le fait qu’on propose à nos professionnels de participer à des projets innovants. Le fait qu'on finance ses projets. Qu'on offre de la formation au porteur. Ça, c'est quelque chose qui peut nous différencier et attirer des gens de valeur, qui ont envie de s'investir dans l'hôpital public.
Alors ça, c'est très important. On est directement rattaché à la direction générale. C'est-à-dire qu’avant, la thématique innovation était à l'intérieur de la direction de la recherche, et donc la personne en charge de l'innovation, déjà un peu moins à l'époque, n'avait pas de rattachement direct à la direction générale. Donc, en faisant les deux directions (direction de la recherche en santé et direction l'innovation), on a clairement positionné la direction de l'innovation en N-1 de la direction générale. Et ça, symboliquement, on sait ce que ça veut dire dans un organigramme. C'est quelque chose d'important.
J'ai aussi la chance d'être en binôme avec un médecin, depuis le début de l'aventure, qui est nommé par le directeur général et le président de la CME, comme référent de toute la dynamique d'innovation, à mes côtés. Ça a été un PU-PH pendant la première année. Maintenant, c'est une autre personne, qui est aussi engagée dans une démarche universitaire, qui prochainement accédera probablement au grade de PU-PH. Enfin, peu importe. Des porteurs jeune dynamique déjà engagés dans des projets de recherche, et ayant de l'appétence pour la spécificité de l'innovation, au-delà de la recherche. Et qui anime avec moi, la dynamique d'innovation. Donc ça, ça montre bien, le fort soutien proposé par la gouvernance des HCL, que ce soit direction générale ou CME, à ce dispositif. Parce que de l'innovation en faisait déjà avant, mais ce que l'on fait vraiment, depuis un an, c'est qu'on a un dispositif structuré, en action, en gouvernance, avec des moyens dédiés, quand même à hauteur de 2,5 millions, sur fonds propres. Et puis avec une visibilité interne et externe nettement plus importante que ce qu'on pouvait faire avant. Donc c'est vraiment structurer l'intégralité des actions de soutien à l'émergence, à la dynamisation et puis à la valorisation de nos projets d'innovation qui fait la différence cette dernière année.
Alors ça, c'est une dimension essentielle, et depuis le début. C'est-à-dire qu’au départ, on aurait pu se dire, on va d'abord se structurer en interne. On a assez d'enjeux à faire comprendre ce qu'on a à faire en interne, à faire un peu bouger les lignes, et puis après, quand on saura ce qu'on raconte, on ira le raconter à nos partenaires. Ce n'est pas le parti qu'on a pris. Au contraire, dès le début, on a créé un comité des innovateurs. Qui est composé quasiment de façon paritaire. Il y a une vingtaine de personnes, ce n'est pas très grand, mais sur ces vingt personnes, il y a huit représentants de notre écosystème, donc il est quasiment paritaire internes et externes. On retrouve :
Donc, dès le départ, dès la première réunion, quand on a lancé notre appel à projets innovation, et qu'il fallait analyser 45 dossiers, en sélectionner les lauréats, les plus prometteurs. Et bien en fait, on a associé tout notre écosystème à la sélection des projets. On ne les a pas sélectionnés tout seul, on les a sélectionnés avec eux. C'était très important parce qu'ils nous ont apporté cette vision externe, en disant, ce projet qui est intéressant, mais moyennement pour vous, je vous assure que pour le reste de l'écosystème celui-là, il est très prometteur.
Et donc, ils nous ont aidés aussi à prendre conscience, par exemple, que certains segments, notamment tout ce qui était pré-maturation, preuves de concepts, étaient probablement insuffisamment financer et insuffisamment soutenus par les Hospices civils de Lyon, parce que ce n’est pas de la recherche et ce n'est pas encore l'innovation. Quand vous êtes au stade de l'invention et que vous devez faire votre preuve de concept, pour savoir s'il y a matière à protéger ou pas. On n'avait pas suffisamment structuré ce domaine. Et c'est là où la fondation HCL, dorénavant nous finance, à hauteur de minimum 200’000 euros par an, pour quatre projets de preuve de concept. Et c'est vraiment PULSALYS, LYONBIOPOLE et nous, en collectant toute cette matière qui nous a été apportée, lors du premier appel à projets innovants. On s’est rendu compte que ces projets ne rentraient pas stricto sensu dans les critères d'éligibilité de l'appel à projets innovation, parce qu'ils étaient trop en amont. Et l'innovation, on est proche du marché, donc on est beaucoup plus en aval. Mais ce n'était pas parce qu'il ne rentrait pas dans les critères d'éligibilité qu'il n'avait pas un besoin. Si on n'investit pas sur l'invention à la fin, on n'aura pas d'innovation. Et donc on s'est mis tous ensemble. Et en quelques mois, on a réussi à trouver un financeur, la fondation HCL, et on a déjà quatre projets de ce type qui sont dorénavant financés dans les tuyaux, dont on espère qu’à la fin, ça nous fera de belles innovations.
Alors au niveau de notre organisation très concrète. Comme je disais tout à l'heure, on est issu de la direction de la recherche. Donc, en fait, venant de la direction de la recherche, on a emmené avec nous deux équipes. Des petites équipes, mais des équipes expertes. La première équipe, ce sont les chargés de valorisation, propriété intellectuelle, transferts de technologies. Donc on a deux chargés de valorisation qui continuent, comme je disais tout à l'heure, à travailler de façon extrêmement étroite avec les juristes de la direction de la recherche, avec les chefs de projets, avec tous ceux qui nécessitent leur expertise. Mais, ça, on a considéré que par nature, c'était indispensable à l'innovation. À la fois très en amont, au niveau de l'invention, et puis à la fin, quand on essaye de faire du transfert. Donc cette équipe, on l'a emmenée dans la direction de l'innovation.
Une autre équipe très experte, c'est la cellule d'expertise des DM innovants. En 2006, la circulaire qui créait les cellules innovations, a donné lieu aux HCL à la création de ce qui s'appelait à l'époque la cellule innovation et donc maintenant la cellule d'expertise des DM innovants. Donc on y retrouve des méthodologistes, des économistes de la santé, qui travaillent en lien avec aussi des ingénieurs biomédicaux et qui sont spécialisés dans l'évaluation des dispositifs médicaux innovants. Que ce soit des équipements innovants, donc plutôt biomédical, ou des dispositifs médicaux stérile innovants. Donc ça, ça fait 15 ans que ça existe. Depuis 15 ans, ils avaient bien structuré tout ce qui était plans d'équipements innovants spécifiques ou de recensement de DM stériles innovants en lien avec la COMEDIMS. Donc, cette équipe qui est donc à cheval entre la recherche, parce que pour une partie de leur temps, ils sont rattachés au pôle santé publique et ils font des études cliniques et médico-économiques. Mais pour une partie de leur temps rattaché à la direction de l'innovation, montre bien le continuum recherche innovation. Ça, c'est la deuxième équipe de la direction innovation valo/PI et cellules d'expertise des DM innovants.
Et puis le troisième secteur de la direction de l'innovation, que l’on a créé de toute pièce, c’est un poste de chargé de mission partenariat innovation et impression 3D. Donc, c'est quelqu'un qui coordonne toute la thématique l'impression 3D, qui était depuis plusieurs années un de nos segments d'innovations différenciant. Mais qui m'a aussi aidé à monter toute l'ingénierie de l'appel à projets innovation, qui est pour nous bien sûr notre programme d'intrapreneuriat très important. Donc, la coordination des instances, la sélection des projets, puis une fois que les projets lauréats sont déterminés, le suivi professionnalisé et personnalisé de chacun des projets avec un master plan, des jalons, des livrables, des décaissements à organiser. Donc, il y a une personne au sein de mon équipe qui m'aide à structurer, à suivre tous ces nouveaux champs de l'innovation moins liés à la recherche et très ouverts sur les autres secteurs de l'établissement et sur notre écosystème.
Alors, comme très souvent, dans l'innovation, je pense qu’au départ, on peut avoir l'éclair de génie, l'invention qui sort de la tête et que personne d'autre n'a eu, mais pour transformer l'invention en innovation, il faut quand même beaucoup s'intéresser à ce que font les autres, et se nourrir de ce que font les autres.
Donc c'est ce qu'on a fait, bien sûr. Donc, moi, j'ai été très marquée par un voyage que j'ai fait à Montréal, dans le cadre des entretiens Jacques Cartier. Et donc on a rencontré l'institut trans-MedTech et la politique d'innovation du CHU de Montréal. Donc ça, c'est vrai que c'étaient des exemples très inspirants.
On a également échangé, au moment de l'imagination, de la création de ce qu'on pouvait faire, mais encore maintenant, avec d'autres établissements. Alors, il y a eu Toulouse initialement avec Innov’Pole Santé, l’AP-HP avec aujourd'hui leurs HUB innovation, Brest avec leur centre W.INN. Il est important pour nous d'être en contact avec en France ou dans les pays francophones, avec d'autres établissements qui, comme nous, chemine sur ce que ça veut dire de faire de l'innovation autrement. C'est-à-dire de vraiment structuré l'appui à l'innovation plutôt que d'additionner des projets innovants. Nous, on est vraiment là pour apporter la couche de structure et d'appui pour permettre de libérer un petit peu les énergies de tous ceux qui veulent faire des projets innovants. Et ça, c'est des choses qu'on voit de façon très forte aussi en Suisse ou dans certains ESPIC. Mais, voilà, on continue à rester en veille sur toutes les expérimentations et les retours d'expérience qui peuvent nourrir notre réflexion.
Alors, on a eu à la fois des projets très concrets, mais aussi, dès le premier appel à projets innovation, ce qui est ressorti, c'est le besoin de mettre en place des plates-formes. Donc, sur la thématique plateforme, on a structuré quatre plateformes, qui sont là aussi des espèces de lieux de rencontre, de lieux qui permettent l'émergence, le codéveloppement ou l'évaluation de projets. Donc il y a un plutôt sur le numérique, un plutôt sur l'électronique et la robotique, un sur l'impression 3D et puis le quatrième, plutôt sur des bases de données d'images, d'intelligence artificielle en imagerie et biologie. Donc ça, c'est des choses qui sont apparues très fortement comme des besoins de structuration, vraiment au cœur de nos établissements de santé. Une forme de tiers-lieux ou de Living Labs thématisés, si on veut.
Et à l'intérieur de ces plateformes, ou bien de façon totalement séparée, on a différents types de projets. Je peux citer un projet par exemple, de systématisation, de recours à l'activité physique adaptée dans tous les parcours de soin des enfants pris en charge dans notre hôpital pédiatrique. En-dehors des parcours urgence ou consultation pures. Dorénavant aux HCL, tout enfant qui entre dans un parcours de soins qui dure un petit peu dans le temps, va se voir proposer de l'activité physique adaptée, quelle que soit la raison pour laquelle il vient à l'hôpital. Alors que, pendant longtemps, on pouvait considérer qu'au contraire l'activité physique était totalement contre-indiquée en fonction de la pathologie. C'étaient des choses qu'on faisait de façon sporadique avant, et là, le projet qu'on finance permet au contraire de passer un cran, de passer à l'échelle et d'en faire vraiment quelque chose de différenciant, on le pense pour tous les patients pédiatriques qui sont adressés aux Hospices civils de Lyon.
Je peux donner peut-être un autre exemple plutôt sur de l'intelligence artificielle. C’est quelque chose qu’on a pas mal expérimenté sur la Covid, mais on avait envie d'aller plus loin. C'est-à-dire que l’on sait qu'au niveau bibliographie, il sort en permanence des dizaines, des centaines parfois des milliers de papier dans les différentes revues. Et puis aussi la littérature grise entre guillemets. Il est très difficile pour un praticien à l'hôpital, et a fortiori pour un professionnel de santé en ville, de savoir comment mettre à jour, quasiment en temps réel, les bonnes pratiques au vu des nouvelles études qui sortent. Sachant que toutes n'ont pas exactement le même niveau qu'en même de méthodologie et donc le même niveau de preuve. Et donc, par des algorithmes d'intelligence artificielle, mais par aussi une bio-curation, réalisée par des experts humains. C'est-à-dire que c'est vraiment la symbiose entre l'outil d’intelligence artificielle, mais toujours la validation, la vérification par de l'humain. Une équipe de bio-curation, comme ça, qui a permis en quasi temps réel, lors de la phase Covid de compiler l'intégralité de ce qui était publié et d'indiquer de façon extrêmement visuelle quel était le niveau de preuve et donc le degré d'intégration dans la pratique qui était recommandé pour telle ou telle publication. Et donc si on pose une question très particulière sur telle molécule ou tel standard de soins à appliquer. Bien, cet outil qu'on a appelé “Global evidence” ou “Meta evidence” dans le cadre du Covid, permet de façons extrêmement ergonomiques et facilitées pour celui qui pose la question d'avoir une réponse en temps réel, sans avoir lui-même à analyser toute la littérature, ce qui est physiquement impossible et demandent des compétences très particulières.
Alors, à très court terme, comme beaucoup d'établissements, je crois. Notre échéance, elle va être de répondre à l'appel à projets, tiers-lieux d'expérimentation santé numérique. C'est une opportunité importante pour nous de valoriser ce qu'on a déjà commencé à faire avec notre Living Lab platine, auquel je faisais référence tout à l'heure, sur l'innovation numérique. Et c'est l'occasion aussi de nous aider à compléter nos équipes avec des expertises, très particulières, dont on a besoin lorsqu'on fait de l'innovation, telle qu’on la développe. C'est-à-dire aussi de la facilitation du design, de l'aide à l'émergence. Et puis des renforts très concrets sur la méthodologie de l'économie de la santé, des ingénieurs informatiques et des ingénieurs biomédicaux, mais avec cet état d'esprit innovation, qui est quand même une certaine spécificité. Donc ça, c'est notre actualité à très court terme.
Nos objectifs forts pour l'année à venir, l'année 2022/2023, ce sont des objectifs de communication interne, d'animation de notre communauté, en fait. On a lancé un programme de webinaire mensuel. On veut mettre en place un système de formation pour nos porteurs de projets. Parce qu’en fait, on est vraiment dans une démarche d'intrapreneuriat, de repérer des gens qui ont envie de porter des projets innovants et de les aider en leur apportant des compétences spécifiques et pas seulement des financements, mais aussi des compétences. Donc la mise en place de ce projet de formation, c'est une de nos priorités, en partenariat avec des grandes écoles.
Un autre axe prioritaire, c'est de faire se rapprocher et de potentialiser, innovation et RSE (responsabilité sociale des entreprises). C'est pour nous un axe important. Donc, comment mettre plus d’innovation dans les RSE et plus de RSE dans l’innovation, avec aussi l’état d’esprit un peu “low-tech”. Puisque comme pour nous, l'innovation en tant que levier managérial est très importante, donc on n'est pas que dans de la très haute technologie, on est aussi dans l'innovation managériale, “low-tech”, en lien aussi avec tout ce qui est santé populationnelle, innovation et handicap. On a déjà lancé l'année dernière un premier appel à projets avec la métropole de Lyon sur l'innovation et handicap et continuer sur ce côté RSE, “low-tech”, c’est important.
Et puis, toujours dans l'idée de l'innovation managériale. On souhaite nouer des partenariats avec des grandes écoles, à la fois pour la formation de nos professionnels et pour la mise en place de conférences inspirantes. Ce sont des choses qu'on souhaite approfondir à court et moyen terme.
Un autre objectif forcément, qu'on poursuit à court, moyen et long terme, c'est d'approfondir les partenariats stratégiques qu'on a déjà avec des partenaires privés qui soit industriels, gros industriels, startups ou parfois aussi avec des partenaires comme le pôle de compétitivité, notre SATT ou les collectivités locales, donc approfondir ce qui existe déjà. Et puis nouer de nouveaux partenariats, ça bien entendu, ça fait aussi partie de nos objectifs de court, moyen et long terme.
Alors les facteurs clés de succès ? Le soutien de la direction générale ! En premier, sans aucun doute. Le soutien de la direction générale qui vraiment donne l'impulsion, la stratégie, le cadre dans lequel ensuite nous, on exerce. Mais cette vision de l'innovation comme changement culturel en fait, la diffusion d'une culture de l'innovation. Ça, je pense que c'est à la fois ce qui fait qu'on peut travailler dans de bonnes conditions, être compréhensibles et lisibles, vis-à-vis de tous nos partenaires internes et externes. Et je dirais qu’au-delà de ce soutien qui pourrait être un soutien, en disant faites-moi de l'innovation et dans un an, je veux trois licornes. Nous, on a la chance que d'avoir un soutien de la direction générale qui ne méconnaît pas la dimension culturelle, et donc temps long de notre action. Donc, qui ne nous a pas demandé de sortir avant tout des projets, bien sûr des projets, il y en avait plein, les gens avaient envie. Mais qui nous a demandé de mettre en place les outils qui permettent de structurer dans le temps long pour que ce ne soit pas quelque chose comme ça qui fait mode, “startups nation”, etc., et qui fait pschitt ! On est sur un appel à projets, où les gens peuvent déposer en permanence et où deux fois par an, on choisit des lauréats et on les accompagne dans le temps. On se positionne dans une perspective de temps long, de diffusion de culture, d'accompagnement, de création d'une communauté des intrapreneurs, des innovateurs internes et de communautés aussi avec notre écosystème. Donc soutien du DG et inscription dans le temps long.
On en parlait tout à l'heure, le fait de tout de suite faire avec l'écosystème, de faire avec l'externe. Ça pouvait être un petit peu stressant au départ. Puisque comme je le disais, en interne, on n'avait pas encore aligné absolument tout le monde, mais au contraire ça a contribué à faire comprendre, y compris en interne, que c'était une forte attente de l'externe et faire comprendre à l'externe un petit peu les dynamiques à l'œuvre en interne. Donc, ce travail de traducteur, interprète entre interne/externe, et de mettre en place la membrane qui permet l'osmose entre interne et externe. Ça, c'est quelque chose qu'il faut intégrer tout de suite. On ne peut pas faire de l'innovation tout seul dans nos CHU, mais on ne peut pas non plus faire de l'innovation qu'avec des startups sans embarquer l'interne. Parce qu'à un moment donné, ça va se voir que les dynamiques ne sont pas du tout intégrées l'une à l'autre. Donc je dirais que ce sont, vraiment, les trois facteurs clés de succès pour notre démarche à ce stade.
Et puis aussi le droit de se tromper et puis une certaine humilité. On s'est lancé véritablement depuis un an, donc on n'a pas encore eu beaucoup, beaucoup de cycles qui nous permettent de faire le retour d'expérience et d'améliorer nos outils. Et donc on apprend en marchant, mais dans un état d'esprit qui est très collaboratif. Donc ça, c'est vraiment, globalement, l'état d'esprit sans lequel ça ne peut pas se faire. On ne peut pas piloter ce genre de démarche en disant que dès le début, on doit avoir imaginé le schéma cible qui va être parfait tout de suite et qu'on ne se lance pas tant que l'on n'a pas le schéma parfait. Il faut accepter de faire évoluer le cercle des partenaires en permanence, les outils en permanence, la façon de communiquer en permanence. Tout bouge tout le temps. Ça fait partie du jeu.
Le Covid a été, à la fois, un facteur accélérateur et frénateur de tout ça. Je pense que cette séparation de la recherche et l'innovation, même si ce n’est pas le seul ingrédient, c'est quelque chose qu'on voulait faire et qu'on avait annoncé en janvier 2020. Donc vous voyez que vraiment le timing était parfait. Peut-être que si on pouvait refaire les choses, on l'aurait fait plutôt. Mais, à l'époque, on imaginait une séparation et puis une montée en charge de l'innovation beaucoup plus progressive. On assumait peut-être un peu moins. Je pense que finalement, à l'arrivée, de notre directeur général actuel et le Covid qui a tellement tout modifié de nos perceptions et de l'absolu nécessité d'organiser l'agilité. Ce sont des choses qui nous ont permis, quand on s'est lancé finalement de le faire de façon beaucoup plus décomplexée et beaucoup plus ambitieuse.
Réponse un petit peu ambivalente, c'est-à-dire si on l'avait fait avant, elle ne l'aurait pas fait comme ça. Donc, finalement, peut-être que je ne changerai rien.
Je dirais que le meilleur argument, c'est que non seulement, on en a absolument besoin. Ça, j'en suis persuadé en termes avant tout d'attractivité, de motivation, mais les gens en ont envie. Ma perception à ce jour, c'est qu'on ouvre un nouveau champ qui est motivant, qui permet aux gens... Alors qu’on le sait, la situation est particulièrement difficile dans les hôpitaux. C'était déjà le cas il y a plusieurs années, mais depuis deux ans, ça, c'est quand même acutisé. D'une certaine façon l'innovation, ce n'est pas la cerise sur le gâteau qu'on fait part de son boulot. C'est certes quelque chose qui peut nous sortir de notre quotidien, mais c'est quelque chose qui infuse dans le quotidien et donc c'est pour ça qu'on en a, à la fois, besoin et envie. Ce serait pour moi la raison pour laquelle on l'a fait. Et un an après qu'on se soit lancé, aucun des témoignages retour que j'ai des porteurs de projets de notre écosystème ou des gens en interne, ne m'amène à penser que notre intuition était mauvaise. Au contraire.
C'est, je pense, une des aventures les plus stimulantes de ma carrière. D'une part, parce que ça me permet de rencontrer des personnes, des profils, des entités, avec lesquels, en tant que directeur d'hôpital en général, on a peu d'interaction. Donc ça ouvre vraiment un champ complètement différent. Celui de l'innovation, du design, de l'entrepreneuriat, des collectivités locales, mais sous un autre angle. Donc ça, c'est assez fascinant, assez passionnant, même si au départ, on ne comprend rien, mais bon, on finit par s'y mettre.
Je dirais aussi que c'est quelque chose de très motivant, de pouvoir à rebours de ce qu'ont connu la plupart des établissements, notamment les HCL pendant une petite dizaine d'années. On était quand même beaucoup dans des réductions de lits, réduction de budgets, réduction de personnel. Là, c'est une façon non seulement d'accroître l'activité, bien sûr, mais c'est une activité qui n'est pas hors-sol. C'est une activité qui est là pour résoudre des problèmes jusqu'à présent non couverts. Répondre à des besoins non couverts. Donc, on part vraiment des besoins des professionnels. Et c'est aussi une thématique sur laquelle on peut beaucoup embarquer les patients. Et le partenariat patient, c'est quelque chose d'important pour notre établissement, c'est important pour moi à titre personnel. Donc, dans la constellation de profils qu'on peut embarquer dans les démarches d'innovation, il y a vraiment, partir des besoins des professionnels, partir des besoins des patients et essayer de les résoudre en ayant le droit de tâtonner. Ça change quand même assez profondément de la vision assez traditionnelle, où soit c'est prévu par un texte, soit ce n'est pas prévu. Où on est dans des structures beaucoup plus pyramidales. Avec plutôt des objectifs où la valeur créée est avant tout une valeur financière. Là, on peut être sur des créations de valeurs qui sont éthiques, organisationnelles, managériales, création de sens, bien sûr en réponse à des besoins et création de valeur économique, ce n'est pas un gros mot, au contraire.
Donc, c'est cet élargissement des partenaires et voir la création de valeur de façon pluridimensionnelle que je trouve particulièrement stimulants dans cette aventure.
Delphine Mallet partage son expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de cet entretien, elle nous donne sa définition de l'innovation et du management de l'innovation. Elle nous présente sa vision d'une direction hospitalière de l'innovation et nous détaille les objectifs, le positionnement et les moyens qu'elle lui donnerait. Enfin, elle partage avec nous de précieux conseils pour qu'un établissement de santé collabore au mieux avec les autres acteurs de l'innovation en santé.
Delphine Mallet, je dirige aujourd'hui les activités dédiées santé et autonomie du groupe La Poste. J'ai commencé dans ses activités il y a presque sept ans. J'ai créé la stratégie et la mise en œuvre à la fois par de la croissance externe, des investissements dans des sociétés spécialisées et l'innovation organique au sein du groupe.
L'innovation, c'est un changement réel, d'une façon de faire.
Manager l'innovation, c'est créer les conditions de faire mieux en faisant différemment. Et pour moi, on le fait de deux façons. On le fait en étant d'abord tourné vers l'extérieur : vers les clients, vers l'écosystème, vers les nouvelles technologies qui apparaissent, vers les ruptures, en veille sur ses concurrents.
Et ensuite en favorisant l'émergence d'idées neuves au sein de son organisation.
En fait, l'innovation, ça nécessite d'avoir un radar très large pour capter toute proposition qui peut contribuer à résoudre un problème. Donc, de mon point de vue, la recherche plus focalisée va descendre plus en profondeur, alors que l'innovation va chercher à élargir au maximum le filet d'idées. Donc c'est aussi pour ça et parce que ça nécessite d'accompagner le changement auprès d'utilisateurs de solutions nouvelles, que souvent, l'innovation est animée, en tout cas, par des équipes dédiées.
Alors, je vais prendre un modèle hors santé. Je trouve qu’on a tous à s'inspirer de Tesla. Parce que Tesla, ils ont des chercheurs, je crois qu'ils en ont pas mal. Ils ont des chercheurs qui cherchent la batterie, qui va durer cent ans. Ils vont trouver des batteries facilement recyclables. Ils vont faire de la recherche poussée pour apporter de la transformation fondamentale sur les produits techniques. Mais Tesla, c'est aussi l'innovateur, l’innovateur d'usage, l’innovateur de produits, l’innovateur d'ergonomie, qui n'a pas forcément amené des ruptures systématiquement technologiques, mais qui a assemblé des ruptures technologiques existantes pour faire un produit nouveau et le rendre plus accessible. Je trouve que cette combinaison des deux savoir-faire, et après le savoir-faire de commercialisation est un modèle à suivre dans beaucoup de secteurs.
Nécessairement, je ne sais pas. Encore une fois, j'ai la conviction qu'on peut innover sans avoir nécessairement poussé très loin la recherche. Il faut parfois assembler des choses qui existent, ou faire des choses pas très compliqués sur le plan de la technologie. Ça ne nécessite pas forcément de rupture produit, de rupture technique, de rupture d'usage, mais parfois simplement un assemblage différent qui va amener un usage nouveau d'un produit ou d'un matériau qui existent déjà. Et pour moi, c'est ça qui fait aussi un peu la différence entre recherche et innovation. Donc, il peut y avoir, et c'est certainement ce qu'il faut rechercher, un continuum qui part de la recherche qui arrive à l'innovation et à l'application. Mais parfois, l'innovation apparait sans la recherche.
Je lui fixerai comme objectif de traiter les problèmes principaux de mon organisation. Et d'apporter du coup, se faisant, de nouveaux usages. Et pour ça, pour traiter des problèmes qui permettent d'améliorer l'efficacité, d'améliorer la qualité du service que je rends. Je leur demanderai de faire un état des lieux des problèmes principaux de mes utilisateurs, utilisateurs au quotidien, partie prenante donc mes salariés, mon équipe et mes clients. Et à partir de là, de venir instruire des projets d'innovation, de les mettre en œuvre dans l'organisation. C'est encore plus simple quand on parle de problèmes ont été remontés par le terrain. Normalement, l'acceptabilité d'une nouvelle solution qu'on peut tester et mettre en œuvre est plus forte si ça répond à un problème qui est remonté du terrain comme étant prégnant. Donc ce serait ça le principal objectif de ma cellule innovation : traiter les principaux problèmes manifestés par l'organisation avec des projets de solutions innovantes.
Si on veut obtenir des effets rapides de transformation des organisations, en fait, par l'innovation, e transformation de la proposition de valeur, qui créent des ruptures, au sens positif, dans les modes de fonctionnement, je pense qu'il faut la positionner dans un comité de direction. Pourquoi ? Parce que l'innovation doit capter les enjeux de toutes les parties prenantes de l'organisation, elle doit pouvoir avoir accès à la DSI, à la direction financière et elle doit faire partie finalement du projet d'établissement. Ça ne peut pas être séparé du projet d'établissement. Ce sont des nouveaux modes de fonctionnement, donc ça doit être nativement intégré dans la façon de conduire le fonctionnement de l'établissement.
C'est un rôle assez majeur pour éviter que l'innovation produite reste un peu aux portes de l'hôpital. Il y a beaucoup d'entrepreneurs, de startups qui imaginent, d'après leur expérience de patients, notamment des produits de rupture, des solutions digitales de rupture. La chose que je trouve qu'on a parfois du mal à faire, c'est rentrer en profondeur, finalement, dans les problèmes d'organisation de l'établissement, dans les problèmes à résoudre. Je parlais de l'importance d'identifier les problèmes prégnants à résoudre. Je trouve que l'établissement, s'il organise l'accès des innovateurs de son écosystème, à un vie ma vie dans un service de soins, dans un service d’administration, dans les différents lieux d'activité de l'établissement, aura de meilleurs résultats avec les innovateurs de son écosystème que si on attend qu'il y ait un prototype qui a été fabriqué un peu à partir d'une idée qui vient d'être confronté à une réalité mise en œuvre.
Je me considère un peu comme faisant partie des industriels innovateurs avec les startups qui sont dans notre propre écosystème ou celle que l'on côtoie. Je trouve qu'on gagnerait à pouvoir être au moins quelques heures durant, peut-être quelques jours durant, immergé dans les problèmes à résoudre.
Ce n'est pas toujours facile et je comprends pourquoi. Je comprends notamment dans un service de soins, il soit difficile d'accompagner, d'être présent toute la journée pour observer ce qui se passe. Et en même temps, si on ne le fait pas, si on ne le fait pas ensemble, je trouve qu'on va moins loin dans la pertinence de la solution. Donc moi c'est vraiment ça que j'essaierai d'organiser entre l'établissement et son écosystème d'innovation.
Je pense qu'il y a deux défis, et alors qui sont totalement amplifiés par la pénurie de soignants, c'est encore plus improbable d'arriver à diffuser des changements profonds d'organisation, quand on a déjà pas de bras pour faire la prestation, le service, rendre tous les jours le service qu'on doit rendre.
Je pense qu'il ne faut certainement, pas forcément beaucoup, mais des personnes qui ont des méthodes d'observation, des méthodes de stimulation de l'innovation et une capacité à piloter un projet à l'arrêter d'ailleurs, si ça ne va pas, ou à le déployer plus vite si ça se passe bien. Des personnes dédiées, des formes d'ingéniérie, des process qui doivent être changées, qui incorporeront l'innovation, qu'elle soit organisationnelle ou technologique, et quand il n'y a pas d'équipes ou d'interlocuteurs dédiés, c'est évidemment beaucoup plus dur pour un service d'aller, de franchir des phases d'innovation importantes encore une fois dans des dimensions de pénurie de ressources.
Et puis évidemment probablement, des ressources d'investissement allouées à ces projets d'innovation avec, je le redis, un élément important, c'est le droit à l'échec. Je pense qu’accepter l'idée que ce qu'on fait puisse régulièrement ne pas donner les fruits et savoir du coup s'arrêter si c'est le cas, parce qu'on a mis en place des outils de mesure de l'innovation et de son efficacité, c'est pouvoir envisager des succès. Il faut accepter de tester des choses et certaines ne fonctionneront pas. Cet état d'esprit là, sur la conduite de projets d'innovation, il est tout aussi important que des ressources dédiées, que des investissements et financements.
En synthèse, les facteurs clé de succès, pour moi, il y en a deux : le droit à l'échec et la mesure de ce qu'on fait.
Le droit à l'échec, parce qu'il faut encourager les initiatives et ne pas sanctionner celles qui échouent, et évidemment valoriser celles qui réussissent.
Et la mesure de ce qu'on fait, parce qu'on ne peut pas faire de l'innovation pour faire de l'innovation, essayer des trucs. A un moment donné, il faut tirer un bilan et décider de déployer ou de s'arrêter. C'est ce que fait très bien Amazon par exemple, dans un environnement complètement différent. Ils sont connus pour essayer de tester beaucoup de choses, mesurer, mesurer, mesurer et déployer ou arrêter.
C'est une bonne question. Si on veut faire de l'innovation un facteur de transformation profonde de l'hôpital et pas un gadget, il faut mettre en place une organisation spécialisée : pas à part de l'organisation principale, mais qui se ramifie et qui irrigue l'organisation quotidienne de l'établissement. Mais il faut partir d'une impulsion dédiée.
En fait, l'innovation, c'est un processus qui a besoin pour éclore dans une organisation, de pouvoir être reconnu, de pouvoir être encouragé, pouvoir diffuser. Et donc les innovateurs, que ce soit vous et moi au quotidien, on est tous des innovateurs en puissance ou les innovateurs de métier, ceux qui vont tirer des projets d'innovation dans les organisations, ont besoin de se retrouver dans une communauté d'innovation, une communauté d'action. Donc oui, de mon point de vue, un peu de soutien qui va de la formation, de l'information, la coordination et la mise en place de projets innovants est nécessaire. En tout cas sans organisation de l'innovation, ça va quand même moins vite et moins loin
Alors sûrement, il y a toujours des verrous normatifs, réglementaires, financiers qui freinent l'innovation. Mais quand même, je m'interroge sur, par exemple un sujet qui est d'actualité, qui est l'entrée de la télésurveillance dans le droit commun. On doit quand même s'interroger sur ce qui a fait finalement à la fois les succès et les limites du programme étape, qui a permis un déploiement raisonnable de la télésurveillance sur quatre pathologies, mais pas non plus exponentiel.
Il y a bien un sujet d'usage, mais c'est peut-être parce que les indications étaient extrêmement limitées que c'est pas rentrer dans les pratiques courantes des praticiens concernés. Un insuffisant cardiaque qui rentrent dans l'étape, ce n'est pas l'essentiel de la patientèle d'un cardiologue. Donc comment changer ses habitudes quand on a un produit d'innovation qui ne va impacter que 5% de sa patientèle 10% selon, selon les praticiens . En fait, on est encore un peu au milieu du gué. Plus on restreint l'application de ces nouveaux usages de la télésurveillance, moins ça rentre dans les habitudes des praticiens. Je ne sais pas si c'est règlementaire. En fait, c'est plutôt une question de philosophie. Plus on élargit le scope de la télésurveillance, plus on a une chance qu'elle se diffuse.
Il y a des pays ailleurs en Europe, aux Etats Unis, qui ont déployé la télésurveillance massivement. Ça fait maintenant partie de la pratique courante, c'est à dire ce n'est plus l'exception sur un segment précis d'indications, c'est la base. Et c'est plus cet aspect de mindset dans la diffusion de l'innovation : on est passé par une période expérimentale étape. On s'apprête à rentrer dans le droit commun, presque au pire moment qui est celui où on manque partout soignants. Donc pour penser puisque c'est dans le cahier des charges de la HAS, pour penser l'organisation des soins qui va permettre de faire la télésurveillance sur un nombre limité d'indications sur un sous ensemble de patients d'un service, de pouvoir organiser la mesure des effets qui permettront dans deux ans d'avoir une étude médico-économique qui permettra peut-être de valider un remboursement, alors qu'on cherche déjà des infirmières pour commencer la journée ou des aides-soignants, ça ne va pas faciliter le déploiement massif de la télésurveillance en France, me semble-t-il, en tout cas pas à court terme.
Voilà. Moi je m'interroge plutôt sur le fait qu'on ne conçoive pas des innovations comme la télésurveillance, comme une adjonction, un existant qui va coûter plus cher et qu'il faut quelque part limité, focalisé sur des usages extrêmement précis. Si on raisonnait et à l'inverse, et qu'on faisait de la télésurveillance l'offre de base dans les parcours de soins complètement inclus à la description de tous les protocoles, elle se ferait évidemment beaucoup plus vite. Donc voilà, c'est plus sur la façon dont on introduit l'innovation dans nos modifications réglementaires et dans l'évolution de nos protocoles qui m'interroge sur la vitesse à laquelle la France va pouvoir déployer une innovation qui n'a plus rien d'innovant sur le plan techno : tous les dispositifs sont là. C'est peut-être, cette façon de déployer après pilote qui est encore un peu hésitante collectivement alors que l'innovation nécessite de l'audace et du massif, de l'industriel.
Eric Vibert et Enguerrand Habran partagent leur expérience du management de l'innovation en santé.
Lors de ces entretiens, ils nous donnent leur définition de l'innovation et du management de l'innovation. Ils nous présentent la Chaire innovation BOpA et nous détaillent ses objectifs, son positionnement et ses moyens. Enfin, ils partagent avec nous de précieux conseils pour piloter au mieux l'innovation au sein d'un établissement de santé.
Alors je suis le professeur Eric Vibert, je suis PU-PH à l'université Paris-Saclay, je travaille au centre Hépato-Biliaire à l'hôpital Paul Brousse à l'AP-HP et je fais partie aussi des personnalités qualifiées santé 2030 et je suis donc le créateur de la chaire BOpA pour l'AP-HP.
L'innovation, c'est finalement la rencontre d'un usage avec une invention. C'est pas tout à fait pareil que la recherche puisque la recherche finalement, c'est souvent l'invention et là c'est l'idée, c'est de trouver l'usage dans l'invention et le sujet c'est est-ce que une innovation est toujours synonyme de progrès : on espère si le mot est différent, c'est peut-être parce qu'on n'est pas toujours sûr que ça soit synonyme des progrès c'est pour ça qu'il faut évaluer l'innovation et pas considérer que c'est systématiquement un progrès.
Justement le management de l'innovation, c'est quelque chose qui va permettre d'évaluer si les usages sont adaptés à l'invention. Donc le management de l'innovation, c'est de réfléchir à l'intégration au sein d'un environnement professionnel par exemple, d'une invention. Typiquement on travaille autour de la chaire innovation BOpA dans le domaine du numérique au bloc opératoire et on évalue si des usages du numérique au bloc opératoire sont adaptés à la sociologie du bloc opératoire. Donc, manager l'innovation c'est travailler non seulement sur le caractère technologique mais aussi sur le caractère humain, typiquement l'anthropologie de la sociologie autour de ce qu'il y a dans l'innovation. Et sinon le management de l'innovation ca demande d'avoir un spécialiste du sujet donc c'est pas uniquement des docteurs, des professionnels, c'est aussi des gens qui savent structurer les projets, qui savent structurer les connexions avec des entreprises, qui savent structurer le réglementaire donc c'est un vrai métier en soit le management de l'innovation, qui doit se faire avec des gens qui comprennent ce que c'est.
jJ'ai mis en place cette organisation parce qu'on a l'hôpital public enfin l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, qui est une structure énorme dans lequel il y a plus de 200 000 opérations par an, il y a des milliers de chirurgiens, des milliers d'anesthésistes et finalement il y avait pas un lieu dédié à l'innovation autour du bloc opératoire. Bloc opératoire au sens large ça veut dire pas uniquement les chirurgiens, les chirurgiens, les anesthésistes et le paramédical. Il fallait inventer quelque chose qui permette de réfléchir au futur du bloc opératoire et donc en fait la chaire BOpA a été inventéz à la suite du week-end de l'innovation chirurgicale dans lequel on a réfléchi avec plusieurs professionnels à ce que serait potentiellement l'avenir du bloc opératoire et il a fallu passer de la réflexion à l'action et on a créé cette chaire innovation BOpA pour essayer justement de répondre à des questions et essayer de trouver des solutions avec les professionnels du bloc. Et pourquoi ça fonctionne je crois, c'est parce que on a réussi justement à faire quelque chose qui est pas uniquement de la technologie c'est de la technologie et de l'humain, avec cette approche très entrepôt sociologique du bloc opératoire pour voir comment s'intègre des innovations numériques au bloc opératoire. Typiquement est-ce que il est envisageable de pouvoir enregistrer tout ce qui se passe au bloc opératoire ? Est-ce que les gens sont d'accord et ou pas et comment on va utiliser ces informations ? Donc pourquoi ça a fonctionné aussi, c'est parce que je pense que depuis des années on confond à l'AP-HP, dans les hôpitaux au sens large et au CHU en particulier, la recherche et l'innovation. C'est pas tout à fait pareil comme on l'a vu et les médecins, les cliniciens, finalement, ont plus de facilité à innover qu'à faire vraiment de la recherche aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que la recherche est de plus en plus compliquée. La recherche biomédicale en particulier est de plus en plus compliqué de plus en plus longue nécessite des collaborations très importantes avec des chercheurs au sens traditionnel du terme, typiquement des gens qui travaillent dans les laboratoires INSERM, finalement c'est beaucoup plus long pour certains jeunes cliniciens qui assez facilement se lancent en revanche dans l'innovation, parce que c'est quelque chose qui est plus court terme et qui intéresse le terrain plus rapidement. Donc j'ai fait aussi ça pour donner la possibilité à des gens qui ne sont pas obligatoirement des hospitalo-universitaires, de pouvoir faire des choses pour faire avancer la science aussi et puis les usages comme on le disait, avec la possibilité de s'adresser à des praticiens hospitaliers à des paramédicaux qui plus facilement vont faire de l'innovation finalement que de la recherche, même si des praticiens hospitaliers font aussi de la recherche mais en tout cas, il y a un vrai sujet de capacité à faire qui finalement devient plus simple aujourd'hui dans le domaine de l'innovation qu'elle ne l'est dans le domaine de la recherche qui devient de plus en plus complexe.
Alors l'élément déclencheur de la chaire innovation BOpA ça a été vraiment ce week-end de l'innovation chirurgicale dans lequel on a réfléchi au futur de la chirurgie. Au départ c'est vraiment un groupe de gens, un groupe d'amis qui se disent on va se mettre un petit peu à l'écart de la folie quotidienne en prenant deux jours, deux jours et demi, et on va réfléchir autour de tableaux rondes, autour d'ateliers de design thinking, au futur du bloc opératoire et c'est à la suite de ces réflexions qu'on a créé la chaire BOpA.
Au début, toujours avec un point d'interrogation et des gros yeux parce que je suis pas tout à fait dans la norme, et donc il y avait pas de malveillance, il y avait plutôt de la bienveillance mais on va voir ce que ça va donner que ce machin. Et puis l'idée a quand même été d'être accompagné très rapidement par un spécialiste de l'innovation qui est Enguerrand Habran, qui travaillait au Fonds innovation FHF, qui m'a aidé à structurer avec moi la chaire BOpA qui maintenant parfaitement connue au sein de l'Assistance publique, au sein de l'Université Paris Saclay et donc aujourd'hui ça fonctionne plutôt très très bien.
Je me suis inspiré d'autres modèles : en France, pas vraiment. On peut imaginer que j'ai pensé à des choses comme ce qui se passe à Strasbourg qui est une belle entité autour d'innovation, mais je crois que, la particularité de ce qui s'est passé à l'IHU Strasbourg, c'est de travailler très précisément sur la technologie, et nous notre objectif ça n'a pas été faire que de la technologie, ça a été de faire de la technologie et de l'humain. L'idée est de faire plus de l'intelligence augmentée que l'intelligence artificielle. L'idée n'est pas d'expliquer aux gens qui vont se faire remplacer par des machines mais de se faire augmenter par les machines donc il y avait vraiment cet objectif qui était aussi d'aller vers l'apport des sciences humaines et sociales à la technologie, donc c'est ça qui a été vraiment la grande différence et je pense que c'est pour ça que ça marche plutôt pas mal.
Non, il n'y a pas nécessairement un continuum entre la recherche et l'innovation parce que l'innovation peut se faire en conséquence de l'analyse d'une erreur, une presque erreur. Alors c'est vrai aussi dans le domaine de la recherche mais la recherche, il y a un objectif qui est de comprendre, et de comprendre ce qu'il y a derrière le premier niveau de compréhension etc etc. Donc c'est souvent un peu la différence entre la recherche et l'innovation, c'est aussi ce caractère utilitariste à court terme. Donc évidemment, il y a souvent un lien entre la recherche et l'innovation et comme on le disait au début, l'innovation c'est un usage pour une invention et l'invention est dans un certain nombre de cas, la conséquence de la recherche mais pas toujours parce que l'invention peut-être la conséquence d'une erreur ou une presque erreur qui peut être faite par n'importe, pas obligatoirement un chercheur, et la particularité justement de cette invention, ça va être la capacité qu'a le professionnel à tirer profit du hasard, à tirer profit de cette erreur pour en faire quelque chose de nouveau. C'est pour ça que j'ai aussi une vraie réflexion autour de notre transformation du rapport à l'erreur qui permet de découvrir des choses, donc voilà pas nécessairement à continuum mais un peu quand même.
L'objectif de BOpA c'est d'être vraiment une structure tout à fait transformante autour de l'innovation bloc opératoire, qui évidemment doit dépasser l'hôpital Paul Brousse. On est vraiment sur quelque chose qui est une structure qui est institutionnelle, qui est même je l'espère régional et j'espère national voire plus. L'idée c'est vraiment de pouvoir réfléchir à une méthode autour de la captation des données au bloc opératoire, pour pouvoir faire de la planification, du suivi, de l'analyse post-opératoire donc l'objectif de BOpA, c'est d'être extrêmement transformant pour la chirurgie au sens large et qui j'espère dépassera l'Assistance Publique.
Alors aujourd'hui la chaire innovation BOpA, c'est quelque chose qui a été créé dans une collaboration entre l'AP-HP, l'Institut Mines Télécom et l'Université Paris-Saclay. Ce sont associés à ces trois entités l'INRIA et la chaire humanité santé avec Cynthia Fleury et aujourd'hui la chaire BOpA rayonne dans l'ensemble de l'Assistance Publique, avec évidemment des endroits où on est plus présent. Je pense à l'hôpital Cochin je pense à l'hôpital Lariboisière, je pense à la future école de chirurgie de l'hôpital Brousset et clairement il y a un rayonnement, une diffusion qui se fait. Il y a aussi une diffusion qui se fait autour de là où je travaille, le centre hépato-biliaire, en particulier avec l'hôpital Marie Lannelongue, avec l'hôpital de Gustave Roussy, au sein de l'Université Paris Saclay donc il y a clairement des gens qui s'inspirent de ce qu'on fait, avec un objectif aussi qui est de répliquer un modèle qui marche. Alors la gouvernance de BOpA c'est quelque chose qui implique les mécènes, puisque on a aujourd'hui une chaire BOpA qui vit grâce à la Fondation AP-HP et à la fondation Mines Télécom et aussi un petit peu grâce à l'Université Paris Saclay même si la structure avec la Fondation Université Paris Saclay est moins claire aujourd'hui, et évidemment ces mécènes sont au comité de pilotage et ont donc aussi une voix pour décider avec nous des orientations de la chaire. Ca se passe absolument bien, il y a pas de sujet mais en tout cas il y a aussi une gouvernance qui est là et puis il y a évidemment un représentant de chaque entité académique : l'université Paris-Saclay l'AP-HP et l'INRIA et la chaire humanité santé avec moins de rôle dans l'addition mais il y a un comité de pilotage avec des gens qui se réunissent à peu près tous les six mois. On essaye d'en faire deux par ans pour justement donner les grandes lignes de la chaire BOpA qui sont organisent autour de différents blocs.
Le rôle de BOpA vis-à-vis de l'écosystème économique, c'est de pouvoir apporter aux entreprises, que ce soit les startups, des petites ou des grosses entreprises, la possibilité de pouvoir évaluer justement, si leurs inventions retrouvent des usages. Donc clairement on a pour vocation d'être un lieu d'évaluation et je pense que il y a aussi un sujet à mettre en place avec potentiellement des fonds d'investissement, qui sont des acteurs de l'écosystème économique qui vont potentiellement investir dans des entreprises petites ou grandes que l'on aura évalué positivement évidemment, à la lumière aussi des données de l'Assistance Publique, médicale, paramédical, et on va s'appuyer aussi sur le rayonnement de l'Assistance Publique pour justement pousser des entreprises :entreprises qui sont nées au sein de l'Assistance Publique ou qui sont rentrées par la porte BOpA au sein de l'Assistance Publique. L'idée c'est de dire que l'innovation est aussi une méthode pour garder les gens à l'hôpital public. Il faut que l'AP-HP mais aussi les gens qui travaillent tirent un profit intellectuel et financier des lieux d'innovation comme BOpA.
Un impact important, je crois, parce qu'on a été accompagné par la direction locale au départ clairement, Christophe Cassel pour ne pas le nommer, qui nous a aidé à avoir un lieu physique qui est au sein de Paul Brousse. Ensuite Martin Hirsch nous a accompagné, nous a aidé, pour que ça puisse se développer. Et puis aujourd'hui Nicolas Revel est venu visiter la chaire innovation BOpA très rapidement après son arrivée à l'Assistance publique donc on voit qu'il y a vraiment une compréhension de la part de la direction de l'AP de l'intérêt que peut avoir des lieux l'innovation. Et évidemment l'objectif c'est que BObA puisse ensuite faire des petits, si j'ose dire, dans l'AP. On a récemment déposé un tiers-lieux expérimentation numérique dont on n'a pas encore aujourd'hui la réponse, mais c'est tout à fait l'objectif. L'objectif c'est de pouvoir trouver des moyens qui viennent justement de l'État pour avoir du personnel pour pouvoir structurer l'innovation dans le bloc opératoire, pas uniquement à Paul Brousse, mais dans l'ensemble de l'AP et avec des collaborations fortes avec la future école de chirurgie. Donc clairement une aide et une compréhension de la part de l'institution au plan administratif de l'intérêt que peuvent avoir des choses comme BOpA.
Alors ma réflexion initiale a évolué sur le fait qu'il faut beaucoup de temps et beaucoup beaucoup d'énergie pour arriver à faire quelque chose comme ce qu'on a réussi à faire et que ça peut pas se faire seul. En fait j'ai commencé seul et d'emblée il fallait avoir une ou deux personnes quasiment temps plein pour pouvoir avancer plus vite : on a été on était submergé de travail dès le début et on a travaillé de manière délirante. Donc il faut avoir du personnel d'emblée ça je pense qu'on ne s'est pas assez staffé dès le départ. Et puis on a mis en place au cours du temps des méthodes avec des tableaux de bord, avec des méthodes d'innovation au plan réglementaire avec des contrats avec les différentes entités, qui là aussi se sont mis en place au cours du temps : en fait ces contrats on aurait dû aller très rapidement dans la structuration.
Les facteurs clés de succès, c'est qu'on soit capable au sein d'une institution d'embarquer l'ensemble de l'institution. Il faut vraiment, déjà ne pas faire un truc uniquement hospitalocentré, il faut aller voir l'université, il faut aller voir les écoles d'ingénieurs, il faut la voir les lieux de recherche comme l'INRIA par exemple, pour d'emblée proposer quelque chose de très large. Ensuite il faut faire rentrer très rapidement des gens qui font justement des sciences humaines et sociales, pour pouvoir comprendre comment tout ça fonctionne avec un peu de recul et puis pour justement nous corriger, nous docteurs, si on va pas dans la bonne direction. Je pense que cette capacité aussi à discuter avec des sociologues, des anthropologues, nous donne cette capacité à nous regarder fonctionner, peut nous améliorer même dans le domaine de l'innovation. Le dernier point, c'est qu'il faut savoir très rapidement changer de méthode si ça marche pas. Il ne faut pas s'entêter, il faut essayer un truc et puis pas passer des années à essayer d'y arriver si ça marche pas vite, rapidement. Si on n'embarque pas rapidement les gens, il faut pas le faire et évidemment, il faut essayer de ne pas répliquer ce qui se passe dans votre environnement parce que sinon vous allez vous retrouver en compétition et ça ne va pas marcher.
Ca va être un peu prétentieux ce que je vais dire, mais je pense que je ferai un peu pareil parce que finalement on a eu de l'audace, on a fait le truc, et puis on a été lucide lorsqu'on s'est planté. On s'est dit bon, c'est planté et puis on change. Donc je pense que finalement je ferai pas beaucoup différemment et puis je continuerai à éviter de gâcher le présent pour un hypothétique futur, c'est à dire que je vais toujours avec un espèce d'optimisme, peut-être un peu pathologique, mais qui fonctionne assez bien : qui consiste à dire "on va essayer puis ça va marcher". Souvent ça marche, puis des fois ça marche pas et on s'est planté, puis on fait autrement.
Il faut réinventer l'hôpital public pour éviter que les gens ne fuit l'hôpital public, parce que c'est important que le système de santé ne devienne pas privé dans quelques années.
Alors je pense que les médecins au sens large, même le personnel de santé au sens large, a besoin d'être accompagné, déjà pour comprendre la différence qu'il y a entre la recherche et l'innovation, puisque ça a pas été bien clair dans la tête des gens depuis très très longtemps et ça commence maintenant à se clarifier. Mais il y a clairement nécessité au départ de bien définir ce que c'est qu'un innovateur et que les gens comprennent bien que ça peut venir de n'importe où: c'est pas obligatoirement réservé aux PU-PH, c'est réservé à tout le monde c'est-à-dire du paramédical et du médical par exemple. Ca c'est le premier point, c'est un problème de définition. Après l'autre élément, c'est de savoir comment on va organiser les choses, et en particulier, comment on va travailler avec des entreprises parce que force est de constater qu'il est très difficile d'avoir des innovations qui arrivent vraiment à devenir des choses qui existent, sans que ça soit un moment ou un produit. Donc dans 90% des cas l'innovation va s'associer à une création de valeur, soit directement, soit indirectement mais en tout cas il y a souvent un sujet de discussion un peu business et là je pense que il y a un véritable effort à faire dans le domaine de l'éducation, en particulier de l'éducation des jeunes docteurs pour que les gens comprennent ce que c'est qu'une licence, une propriété intellectuelle, un marché public, un fonds d'investissement, pour qu'on soit capable de faire mieux que ce qu'on fait jusqu'à présent où vous avez d'un côté les gens qui font du business et de l'autre côté les gens qui sont docteurs, avec en plus un problème. Ca crée un phénomène de défiance qui est absolument terrible et aujourd'hui les deux gros problèmes je trouve de notre pays dans le domaine de l'innovation au sens large même, ça dépend ça dépasse la santé, mais c'est particulièrement vrai dans la santé, c'est ce principe de précaution qui est vraiment est terrible et je pense c'est évidemment il faut être prudent, mais faut vraiment se dire que notre métier ça repose quand même sur de l'audace et on n'est pas fou donc il faut faire confiance aux gens donc je trouve que ce principe de précaution est terrible. L'autre élément c'est cette défiance qui fait que on ne se fait pas confiance : on sait pas confiance entre académique et privé et même malheureusement entre les différents académiques. Je crois vraiment qu'il faut travailler là-dessus et que ça soit l'Académie, que ça soit le privé il faut comprendre aussi une chose, qui est ce principe d'incertitude. On sait pas ce que ça va donner mais on va essayer, on verra bien et je pense que là dessus, prendre un risque en français, c'est pas la même définition que "Take a risk" en anglais, et ça illustre vachement bien là je trouve la différence de vision de choses qu'on a.
Les hospitaliers ont besoin d'avoir des gens qui leur expliquent ce que c'est l'innovation, avec des directeurs opérationnels pour la chaire BOpA, on a eu un et on va avoir un deuxième directeur opérationnel. Il y a vraiment besoin d'être encadré avec des gens qui sont sur site, pas dans des bureaux loin des lieux de soins, donc ça je pense que c'est important, c'est des gens sur site qui sont des spécialistes de l'innovation dont on parlait au début de cet entretien et l'autre élément c'est qu'on a besoin d'avoir du temps, d'avoir la possibilité aussi de valoriser sur le CV par exemple, cette activité d'innovation. Aujourd'hui dans des cursus hospitalo-universitaires, on valorise beaucoup des papiers, on va aller beaucoup de la recherche traditionnelle, mais finalement assez peu de l'innovation ou de l'investissement pour l'institution. Il faut que les CNU, il faut que les doyens comprennent que l'activité innovation doit être quelque chose qui est valorisé, autant que certains papiers qui sont pas toujours de très très grandes qualités, parce que aujourd'hui, il y a une espèce de règle qui font que les gens écrivent des quantités de papier qui sont pas toujours de très bonne qualité, plutôt que pousser des innovations qui peuvent être utiles pour l'ensemble de l'institution.
Oui je pense qu'il y a un sujet autour des marchés publics. Je crois qu'il y a une vraie réflexion à avoir là-dessus parce qu'il y a des innovations qui sont faites au sein des hôpitaux de manière un peu paradoxale : j'ai l'impression qu'on veut pas les utiliser facilement parce que justement il y a un conflit d'intérêt, parce que les hôpitaux sont partis prenantes de la création de la chose, c'est un peu curieux. L'autre élément c'est que je reste persuadé qu'il faudrait qu'on trouve une solution pour que les hôpitaux puissent investir de l'argent sonnant et trébuchant au sein des entreprises, qu'ils arrivent à développer. Je sais que tout le monde n'est pas d'accord avec moi sur ce point et que beaucoup de gens pensent que c'est pas le rôle de l'hôpital de faire ça. On a aujourd'hui par exemple une société qui a été créée au sein de l'AP qui s'appelle Echopen, qui est une société dans lequel l'AP-HP a investi alors évidemment elle a investi sur l'argent du soin donc ce n'est pas quelque chose qui peut se reproduire comme ça de manière indéfinie. Il faudra trouver des méthodes différentes de faire mais force est de constater que cette société, Echopen se développe plutôt pas mal parce qu'on a l'impression au sein de l'AP de soutenir un bébé, c'est à dire qu'on a quelque chose qui a été inventé à l'AP, par un docteur de l'AP, avec des ingénieurs qui sont venus bosser au sein de l'Assistance Publique et bien on a envie de faire marcher la chose et donc je pense qu'on est plus investi avec un produit flagué AP qu'avec un produit qui vient d'ailleurs. Je pense donc qu'il faut vraiment se poser cette question là : est-ce que les hôpitaux peuvent vraiment investir dans les entreprises ? Par exemple aux États-Unis c'est le cas, en Israël c'est le cas, et bien c'est pas facilement le cas à l'Assistance Publique même si ça a été fait de manière un peu exceptionnelle ici.
Ca m'apporte une manière différente de faire mon travail. Je pense qu'au milieu de sa vie, j'ai 50 ans je sais pas si je suis au milieu de ma vie mais ça doit pas être loin quand même, on a fait quand même une grande partie de son expérience professionnelle et même si on apprend toujours en chirurgie, je pense que j'arrive à certains plateaux. Donc ça m'a apporté d'autres choses, une ouverture sur un monde que je connaissais pas. Ca m'a clairement apporté ça : des perspectives, des visions, des choses à distance que j'avais pas en faisant uniquement de la chirurgie, et puis ça m'a fait comprendre aussi la différence entre la recherche et l'innovation ce que j'avais pas toujours compris au départ. Ca m'a fait comprendre ce que c'était qu'un fond d'investissement, ce que c'était qu'une licence que c'était qu'une propriété intellectuelle : toutes ces entités là qu'on comprend pas du tout lorsque on est dans le guidon, et puis ça m'a fait rencontrer des gens formidables au plus haut niveau de l'État, qui mouillent la chemise beaucoup beaucoup pour faire avancer les choses. Je pense que c'est vraiment grâce à la chaire innovation BObA que j'ai été appelé à rejoindre les PQ Santé 2030 qui aujourd'hui, sont très au contact de l'agence d'innovation en santé, qui a été annoncée dernièrement. Je pense que je serai pas arrivé là si j'avais pas mis en place BOpA, donc ça me permet et ça m'a permis de rencontrer plein de gens, puis de faire j'espère bouger le système de santé dans le bon sens à plus haut niveau
Bonjour, Enguerrand Habran, directeur du Fonds Recherche & Innovation de la Fédération Hospitalière de France (FHF) et directeur des opérations de la chaire Innovation sur le bloc opératoire augmenté à l’AP-HP. Initialement, je suis ingénieur en biotechnologie. Après, j'ai créé une startup dans le domaine de l'intelligence artificielle, il y a plus de dix ans. On appelait ça de la science-fiction à l'époque, quand on en parlait. Et puis après, j'ai monté une association dans le domaine de la e-santé où on réunissait des gens du numérique, des gens du design et bien évidemment des professionnels de santé pour innover dans le domaine, justement, de la santé numérique. Et puis en 2016, j'ai rejoint le Fonds Recherche & Innovation de la FHF. Et en 2020, avec le professeur Éric Vibert, on a créé la chaire innovation sur le bloc opératoire augmenté.
Alors, ma définition de l'innovation, c’est une vaste question. C'est une question qu'on s'est beaucoup posée, notamment au Fonds Recherche & Innovation. Je dirais que pour moi, il y a deux types d'innovations.
La première innovation qui est basée sur l'usage et la définition que j’en donnerai, c'est que c'est la rencontre, justement, d'une invention et d'un usage dans le but d'apporter une amélioration. Donc l'invention, elle peut être de tout type, elle peut être technologique, elle peut être organisationnelle, peut être humaine. Il n'y a pas de limites, elle peut être commerciale aussi. Ça peut être un nouveau business model ou un nouveau mode de distribution.
Et la deuxième, je dirais que ce sont les innovations qui ne sont pas basées sur les usages, typiquement, les médicaments ou les technologies qui sont en back-office ou des choses comme ça. Et donc, là, c'est encore une fois l'apport d'améliorations, mais ce n'est pas la rencontre en fait entre un usage et une invention, c'est plutôt la rencontre entre un problème technique ou physique, justement, et une invention. Donc il y a, dans les deux cas, toujours la notion d'invention et dans les deux cas, toujours la notion d'apport d'amélioration. Une innovation qui n'apporte pas une amélioration, ce n'est pas une innovation.
Alors ma définition du management de l'innovation, elle est bien évidemment en lien avec ma définition de l'innovation. Pour moi, justement, le management de l'innovation, c'est gérer, en fait, l'apport continu d'améliorations de manière collaborative, agile et itérative. Centrée sur les usages quand c'est une innovation basée sur les usages. Centrée sur l'évaluation de l'amélioration quand elle est purement technique ou technologique.
Alors la Chaire Innovation BOpA, c'est une structure assez particulière puisque c'est un accord-cadre entre un établissement de santé, l’AP-HP, et puis deux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, l'Institut Mines Télécom et l'université Paris-Saclay.
Et donc ça a commencé, en fait, par la rencontre entre ces gens pour justement essayer de définir des objectifs communs. Un plan sur plusieurs années, de ce que l'on souhaitait faire, de comment on souhaitait s'organiser pour mener justement toutes ces innovations. Et donc, il y a d'abord eu l'élaboration de ce plan. La définition après, dans l'accord-cadre de ce plan-là, on l'a vraiment inscrit juridiquement. Et puis la signature de cet accord pour se lancer.
Alors il y a trois types de collaborateurs. Il y a les collaborateurs de l'AP-HP, des collaborateurs de l’IMT, les collaborateurs de l'université Paris-Saclay. Et puis il y a d'autres membres associés.
Je dirais que ça bouleversait un peu les choses, au début, parce que forcément, on est sur une nouvelle façon de faire. On n'a pas de structure juridique en tant que telle. Comme je le disais pour l'instant, la Chaire Innovation BOpA, c'est un accord-cadre et donc c'est vrai que beaucoup de processus était fait pour faire de la recherche et pas forcément pour faire de l'innovation. Et donc on a dû un peu tordre certains processus. On a dû un peu accompagner les équipes sur un changement de mentalité. Mais je dirais que la dynamique apportée par la chaire et tous les effets collatéraux de l'innovation, ont fait que les gens se sont assez vite mis en ordre de marche pour que tout fonctionne bien. Et désormais, ça tourne plutôt bien. Que ce soit sur la DRCI, côté groupement universitaire Paris-Saclay, à l’AP-HP. Que ce soit au niveau des fondations, parce que la Chaire Innovation BOpA est financée par des fondations. Aujourd'hui, voilà, tout le monde est vraiment en ordre de marche. Ça a nécessité, bien évidemment, un temps d'acculturation. Mais maintenant, je dirais que les choses se passent très bien et les gens sont relativement très enthousiastes.
Les principaux avantages de la création de cette chaire, ça va avec ce que je viens de dire, c'est-à-dire que les principaux avantages ont été de créer des processus dédiés à l'innovation. Beaucoup d'établissements de santé, en fait, font de la recherche et gèrent l'innovation de la même manière que la recherche. Or, ce n'est pas la même chose. La recherche, quand elle est fondamentale, elle produit de la connaissance. Quand elle est appliquée, elle produit des inventions. Mais les inventions ce n'est pas de l'innovation. Et donc, on a une culture à apporter qui est différente. On a des process à apporter qui sont différents. On a de la méthodologie à apporter qui est différente. Ce ne sont pas les mêmes compétences quand on gère la recherche ou quand on gère de l'innovation, et ce n'est pas non plus la même temporalité.
Donc le gros avantage d'avoir mis en place la chaire innovation BOpA, c'est que justement, on a vraiment une organisation qui est dédiée à faire de l'innovation au bloc opératoire.
Alors, oui, il y a des dynamiques communes. Il y a des dynamiques communes sur deux aspects. Le premier aspect, c'est le transfert de technologies. En fait, forcément, il y a toujours des questions de négociations juridiques, ou quelque chose comme ça, quand on va, aller chercher, pour faire de l'innovation, des choses qui étaient à l'état de recherche. Parce que l’on a produit une nouvelle connaissance, parce que l'on a produit une invention et on veut la valoriser, lui trouver un usage et faire de l'innovation.
Et puis le second aspect, ce sont les aspects de contractuels, de co-développement. Parce que l'innovation, comme pour la recherche, ce n'est pas un travail qui se fait seul. C'est un travail qui se fait en équipe de manière collaborative, et généralement collaborative entre organisations. Et donc bien évidemment, la DRCI nous accompagne sur ces aspects-là.
Alors, la Chaire BOpA, elle a plusieurs objectifs, mais ils concourent tous autour d'un même, grand objectif. C’est améliorer l'expérience patient et réduire l'erreur au bloc opératoire. Parce que l'erreur, elle va être le signe de complexité postopératoire, voire d'augmentation de la mortalité.
Et donc l'objectif de la Chaire Innovation BOpA, c'est vraiment de faire des innovations pour justement réduire l'erreur au bloc opératoire. Et on ne peut pas réduire l'erreur au bloc opératoire, si on ne travaille pas le préopératoire, et donc si on ne prépare pas l'amont. Et donc si on prépare l’amont forcément le patient, au bloc opératoire, il est endormi, mais en amont, il ne l’est pas, endormi. Et donc on travaille aussi sur l'amélioration de son expérience et c’est mieux lui faire comprendre les choses, pour avoir une meilleure adhérence aussi aux traitements qu'on va proposer, aux opérations qu'on va proposer. Mais tout ça, c'est vraiment un seul et même objectif, c'est de concourir du coup à la réduction de l'erreur. Et donc ça va se faire par la télé-expertise, par des jumeaux digitaux, par capter les données pour savoir là où il y a eu des erreurs et comment les éviter la prochaine fois. Travailler sur le facteur humain parce que le bloc opératoire, c'est un travail d'équipe, donc le facteur humain est extrêmement important. Ça va être aussi de travailler sur la robotique et la cobotique, aussi, pour dans certains cas, justement, être assistés par des robots ou des cobots pour nous aider à opérer. Ça va être travaillé sur des nouvelles longueurs d'onde pour, justement, voir des choses que l'œil humain ne voit pas. Et puis également travailler sur l'accès à la connaissance, au bloc opératoire, avec des systèmes de chat-bot, ou des choses comme ça. Les approches sont multiples, mais l'objectif est commun. C'est toujours la réduction de l’erreur.
Alors, comme je l'ai dit, la Chaire Innovation BOpA, c’est un accord-cadre. Donc, il y a les médecins de l’AP-HP, ils ont les rapports hiérarchiques qu’ils avaient initialement avec l’AP-HP. Les ingénieurs de l'institut Mines Télécom, c'est la même chose avec. Pareil pour les intervenants de Paris-Saclay. Et puis après, il y a des gens, dédiés à la chaire, qui sont eux financés par la fondation.
Et ce que l'on a mis en place, comme c’est multi-partenarial. On a mis en place, un comité de pilotage qui regroupe, en fait, les différents organismes qui le fondent, ainsi que les différents organismes partenaires, puisqu'il y a aussi l’Inria et le CNAM. Et puis les membres du comité des mécènes, parce que c'est donc c'est financé par des fondations et par des mécénats industriels. Et donc on a ce comité de pilotage qui se réunit deux à trois fois par an, et qui pilote les grandes orientations de la Chaire innovation BOpA.
Et puis concrètement, tous les jours, on a le professeur Vibert, qui est titulaire de la chaire innovation et un directeur des opérations qui l'accompagne et qui pilote les différents programmes et projets d'innovation.
Alors la chaire innovation, elle est, bien évidemment, très écosystémiques parce qu'en fait son processus, ce sont les professionnels de santé viennent exprimer un besoin et on va essayer de trouver en fait un challenger, quelqu'un qui peut venir répondre à ce besoin. Et donc, se challenger, il fait forcément partie de l'écosystème. Donc la première chose, c'est bien évidemment l'écosystème de l’AP-HP, de l'Institut Mines Télécom et de l'université Paris-Saclay. Donc cet écosystème, il est déjà, en fait, rempli de challengers. Ça peut être des chercheurs, ça peut être des startups, ça peut être des grands groupes avec lesquels ces organisations travaillent. Et puis, il y a aussi l'écosystème des mécènes, en fait, qui eux-mêmes, sont entourés de tout un tas de partenaires et qui viennent apporter des challengers. Et on va forcément, après, travailler avec ces organisations-là, de, je dirais, quatre manières.
La première manière, ce sont les professionnels de santé apporte un besoin et on a une idée de comment on pourrait le résoudre. Et donc on va faire un PoC, une preuve de concept, et on va voir si à la fin de cette preuve de concept, on arrive à prouver qu'on peut travailler ensemble et résoudre le problème ensemble. Donc on décidera de travailler ensemble.
La deuxième, qui peut être en continuité de la première, c'est le co-développement. C’est-à-dire, là, je sais déjà que j'ai des technologies ou des approches qui permettent de résoudre ce problème. Et donc ce que je vais faire, c'est que je vais m'associer, avec la chaire Innovation BOpA et ensemble, on va développer une nouvelle solution.
La troisième, qui est encore en continuité de la deuxième, mais qui peut aussi arriver directement. C’est, j'ai déjà en fait quelque chose qui existe et donc là, je vais la tester. Je vais l'évaluer et je vais l’optimiser. Et donc là, encore une fois, on va construire.
Et puis la dernière façon de collaborer, c'est l'inverse. C'est une entreprise, en fait, qui vient nous voir et qui dit : “Écoutez, j'ai cette solution ou cette technologie-là. Qu'est-ce que je pourrais en faire au bloc opératoire ? Qu'est-ce que je pourrais en faire pour justement réduire l'erreur au bloc opératoire ?”. Et donc là, on va plutôt créer une réunion interdisciplinaire, avec des chirurgiens, des anesthésistes, des IBODEs, des IADEs, enfin tous les opérateurs du bloc et on va essayer de trouver une utilité potentielle à cette technologie. Et une fois qu'elle sera trouvée, on partira justement donc sur un PoC, un co-développement ou un test/évaluation si ce n'est pas une technologie, mais une solution relativement avancée.
Alors la Chaire Innovation BOpA, elle est organisée en blocs, un bloc, c'est une équipe. Donc cette équipe, elle est forcément gérée par un professionnel de santé, un chirurgien, un anesthésiste, un IBODE ou un IADE. Et donc cette équipe, elle va travailler sur un sujet.
Il y a un bloc “Human Factor” qui travaille surtout le facteur humain (l'amélioration des équipes, l'efficience organisationnelle, le dialogue médecin-malade), vraiment tous les aspects humains. Et puis après, il y a des blocs qui vont être plutôt sur des approches technologiques.
Et puis après, on a une équipe data, qui est là pour collecter de la donnée et enrichir cette donnée pour qu’après les différents ingénieurs des différents blocs, justement, puisse avoir de la donnée pour entraîner notamment les modèles d'intelligence artificielle.
Et tout ça, c’est coordonné par un directeur des opérations, qui lui va aider, en fait, à piloter tous les projets et faire le lien, bien évidemment, avec la DRCI de l’AP-HP, la Direction recherche et innovation de l’IMT, les différentes fondations, les laboratoires de recherche à l’IMT, à Paris-Saclay et à l'Inria. Enfin, voilà de faire le lien avec tous les partenaires et toutes les tutelles.
Et puis, d'un point de vue financier, je l'ai déjà évoqué, la chaire innovation BOpA, elle est financée par les fondations, la fondation de l’AP-HP, la fondation de l’IMT et la Fondation de l'université Paris-Saclay. Et donc ce sont des mécènes, généralement, des grands industriels du domaine de la Medtech, de l'assurance ou de l'hôpital de manière plus générale, qui ont envie de soutenir ces approches d'innovation fait directement par les hospitaliers pour les hospitaliers. Et qui du coup s'inscrit avec nous dans cette aventure, en faisant un don à l'une des trois fondations qui après nous reversent les finances.
Alors, je me suis surtout inspiré en fait de mon expérience. C'est-à-dire que ce soit dans la société que j'avais monté dans le domaine de l'intelligence artificielle, dans l'association, justement, on faisait du co-développement entre tous ces cœurs de métier et puis bien évidemment mon métier à la fédération. Et aussi le MOOC innovation qu'on a fait au Fonds FHF ou bien évidemment, le programme Hospi’Up sur la collaboration entre Hôpitaux et startups. En fait, tous ces programmes-là, où justement, on a été voir ce que des gens faisaient à travers la France et le monde. Qu'on a pu éprouver dans des tonnes d'établissements, tout un tas de méthodes. Et bien tout ça, je me suis dit comment on met ça en ordre pour, justement, essayer de faire l'organisation la plus efficiente possible en termes d'innovation.
Et donc c'est beaucoup de méthode et c'est très écosystémique. Ce sont vraiment les deux facteurs clé. Voilà avoir un écosystème relativement complet qui peut répondre à tous les besoins. Et puis, avoir les bonnes méthodes pour savoir mettre tout ça en ordre.
Depuis sa création, la chaire innovation BOpA, je pense qu'elle a apporté beaucoup de choses.
L'innovation, elle a tout un tas d'effets collatéraux et notamment l'attractivité. Et donc on a beaucoup de jeunes chirurgiens, en fait, qui sont intéressés de venir travailler à BOpA et donc ils viennent travailler au Centre Hépato-Biliaire.
Elle a apporté aussi encore plus de visibilité industrielle sur justement les projets d'innovation au bloc opératoire que fait l’AP-HP. Parce que BOpA, c'est aussi une marque, en fait, et donc cette marque elle est hautement valorisable. Donc elle a aussi une attractivité industrielle.
Donc de l’attractivité professionnelle et de l'attractivité industrielle.
Et puis elle ré-apporte aussi une dynamique parce que toutes les équipes, je vous dis, il y a eu vraiment un engouement qui s'est créé. Et que ce soit la DRCI de l’AP-HP qui est vraiment à fond derrière le projet, et la fondation de l’AP-HP aussi, bien évidemment, l'Institut Télécom et l'université Paris-Saclay.
Donc tout ça en fait, ça crée une dynamique relativement enthousiaste. Et forcément, ça apporte beaucoup de choses aux différentes organisations. Parce que, comme je l'ai dit, attractivité, mais aussi la dynamique énergie et toutes ces choses-là qui sont extrêmement importantes dans les organisations.
Alors... Les prochaines échéances, ça va être justement de la restructuration.
C'est-à-dire que BOpA a déjà beaucoup produit, beaucoup collecté d'argent, beaucoup de choses. Il y a une vingtaine de projets qui sont menés actuellement, en parallèle. Il y a plusieurs solutions qui sont déjà devenues des solutions commerciales, et il y en a d'autres à venir. Il y a même eu la création déjà d'une première société. Et on veut pérenniser, ce modèle, cette organisation. Du coup, on va très probablement devoir sortir de l'accord-cadre classique. Ou en tout cas, il va falloir qu'on trouve une organisation optimale pour pouvoir continuer à faire notre activité, mais pas forcément en étant dépendant du mécénat. Je dirais que le mécénat, c'est un booster, ça aide à démarrer. Mais après, il faut trouver des modèles pérennes pour pouvoir continuer ces organisations. Donc notre prochaine échéance, c'est ça. Il y a notamment des programmes nationaux et européens, auxquels on a concouru et auxquels on est, ou on sera peut-être lauréat, qui vont nous aider justement à nous structurer sur cet aspect.
Alors les facteurs clés de succès, j'en ai déjà parlé. Pour moi, il y en a trois. Déjà, c’est de décorréler la recherche et l'innovation. Ce n'est pas la même chose, mais vraiment, ce n'est pas la même chose. Ça fait six ans que je me bats à la Fédération Hospitalière pour que justement la communauté hospitalière comprenne ça. Et les mentalités ont pas mal changé. Il y a des établissements aujourd'hui qui ont vraiment décorrélé les deux, ou en tout cas, qui ne gèrent pas les deux de la même manière. Même si après il y a une entité qui va regrouper les deux parce qu'il y a, bien évidemment, une continuité, mais ce n’est pas forcément nécessaire. Donc le premier facteur, justement, c'est ça décorréler la recherche de l'innovation, et prendre conscience qu'en fait, ce n'est pas la même chose, donc ça ne se gère pas de la même manière.
Le deuxième aspect, c'est l'écosystème. C'est assez difficile de faire de l'innovation tout seul. Après, le paradoxe, c'est que l'hôpital est aussi un écosystème en tant que tel. Il y a beaucoup de métiers différents à l'hôpital. Donc, oui, aller chercher les compétences ailleurs, mais faites attention de ne pas frustrer les gens qui ont les compétences en interne. Mais après, il y a des compétences qui ne sont, bien évidemment, pas à l'hôpital.
Et le troisième, et pas des moindres, c'est la méthodologie. C’est-à-dire qu'il y a vraiment de la méthodologie pour faire de l'innovation. On a produit des programmes sur le sujet. Donc, vraiment, n'hésitez pas, à aller vous former aux méthodologies parce que vous verrez qu'avec les bonnes méthodologies, on peut faire des choses assez incroyables, même sans forcément un écosystème très vaste, ou beaucoup de moyens financiers.
Alors qu'est-ce qu'on ferait différemment ? Je ne sais pas, parce qu’on a fait des erreurs, mais ça fait partie du parcours. C’est-à-dire qu'il y a des partenaires qui peut-être, ont été déceptifs. Mais ça permet aussi de les comprendre et de comprendre leurs limites. Parfois, on a été surchargés de travail, mais ça veut dire que voilà, on a fait aussi un très bon travail et on n'aurait pas pu l'anticiper. Je pense que voilà les erreurs, ça fait partie de l'aventure, il faut les accepter, il faut les intégrer et il faut en apprendre à chaque fois.
Le meilleur argument pour moi, il est assez simple, c'est que ma définition de l'innovation, elle prend toujours en compte le fait que l'innovation ça apporte, en fait, une amélioration. Alors, elle peut être continue ou disruptive. Mais gérer l'innovation, ça veut donc dire, en fait, mettre en place dans son établissement un système de gestion de l'amélioration de potentiellement l'intégralité de ces processus.
C’est-à-dire que, voilà, être une organisation qui s'améliore en permanence. Je pense que c'est le seul moyen de ne pas se faire dépasser.
Alors, moi personnellement, déjà, ça m'a conforté dans mes connaissances. Comme je l'ai dit, BOpA, c'est un peu la version optimale de tout ce qu'on a appris avec mes équipes sur l'accompagnement de l'innovation. Tout ce que j'ai fait dans mes expériences précédentes et tout. Et quand je vois le succès, en fait, qu'a la chaire innovation, je me dis que voilà aujourd'hui, personnellement, je maîtrise le sujet du management de l'innovation et donc, c'est un accomplissement professionnel. Et puis, ça marche aussi très bien parce que c'est une bande d'amis qui se fendent la gueule et qui sont passionnés, qui font leur passion tous ensemble. Et donc j'ai rencontré humainement, plein de gens relativement exceptionnels.
En poursuivant votre navigation sur notre site, vous acceptez l’installation de cookies sur votre poste, dans le respect de notre politique de protection de votre vie privée. En savoir plus